Situation

Un jeune se présente à la gendarmerie pour répondre à une convocation. La mère de sa petite amie a déposé plainte contre lui pour détournement de mineure.

Elle estime que le Jeune homme qui depuis quelques années déjà vit maritalement avec sa fille et scolarise celle-ci l’a détourné alors qu’elle était encore mineure. Malgré les explications fournies par le jeune homme et par sa petite amie, il sera jeté en cellule par le Commandant de brigade pour faire plaisir à la mère. Sa faute étant de n’avoir aucune relation pour le sortir de là. Après une semaine de garde à vue, il sera déféré au parquet.

Un homme provoque une bagarre dans la rue, puis après avoir essuyé une défaite honteuse face à ses adversaires, il décide d’emmener ceux-ci et de les  mettre en prison sous prétexte qu’il serait substitut du procureur. Pas de plainte, aucune procédure respectée. Il déclare : « Je vais vous montrer qui je suis. » Ce genre de cas est monnaie courante dans le pays, on pourrait en citer des centaines. Ils passent pratiquement tous inaperçus pour une raison : Ils ne font pas la Une l’actualité.

La détention arbitraire situation dans laquelle une personne est emprisonnée sans respecter les procédures légales établies est monnaie courante dans nos démocraties, même si elle est considérée comme étant une violation des droits de l’homme. Pas d’inculpation, pas de jugement, on se demande si les victimes connaissent même leurs droits. Mais, en fait il ne s’agit pas de connaître ses droits ou pas, parce que cela n’a jamais compté lorsque la machine juridique et ou politique (si elles sont dissociables) décide de s’abattre sur vous c’est elle qui exerce son droit le plus absolu.

Caractéristiques

La détention arbitraire est interdite par divers instruments juridiques internationaux parmi lesquels on peut citer la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifiés par le Cameroun. Mais si on fait une analyse situationnelle on se rend vite compte que plusieurs cas de détention ne respectent pas les fondements juridiques sur lesquels elles devraient s’appuyer. Combien de personnes ont entendu des policiers leur lire leurs droits au cours d’une arrestation ? Combien ont pu avoir accès à leur mandat d’arrêt ou mandat d’amener ? Combien se sont retrouvés séquestrés sans procès et parfois pour une raison tout aussi étrange ? Combien ont connu des retards excessifs et volontaires dans leurs procédures judiciaires ? Combien de personnes ont été injustement condamnées parce qu’elles se sont retrouvées face à des individus plus puissants ? Les situations se succèdent sans se ressembler mais elles ont une seule et même base : le vice de procédure. On viole impunément les normes internationales relatives aux droits de l’homme, les lois, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, le droit à un procès équitable.

La détention arbitraire ne concerne pas seulement les prisonniers politiques, même si les gouvernements autoritaires ont utilisé cette méthode pour réprimer l’opposition politique, les journalistes, ambassadeurs de la liberté d’expression et autres militants des droits de l’homme. Au nom des délits mineurs, de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme ou pour toute autre raison, des individus sont détenus arbitrairement sans preuve tangible. Malgré les interventions du Comité des Nations Unies contre la Détention Arbitraire, qui enquête sur les cas de détention arbitraire à travers le monde et émet des opinions sur la légalité de la détention, et des organisations non gouvernementales telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch, qui travaillent à dénoncer et à combattre la détention arbitraire.

Conséquences

Le Cameroun a souvent été critiqué par la communauté internationale pour sa pratique de détention arbitraire. Les Nations Unies et diverses ONG comme Human Rights Watch et Amnesty International ont dénoncé ces pratiques avec véhémence. Des alertes ont été lancées pour la libération des prisonniers politiques et pour des réformes du système judiciaire afin de garantir des procès équitables. Cependant, il est indéniable que le pouvoir judiciaire et le pouvoir politique sont interdépendants au point que l’un utilise l’autre pour punir au détriment de l’individu (la victime) qui devrait être au centre de l’attention. Que devient-il ? pense t-on a sa réinsertion dans la société ? Comment gérer l’après quand on a été déclaré coupable sans procès ou au cours d’un procès monté de toutes pièces ?

La rédaction de cet article a été inspirée par la sortie du documentaire “Du complot camerounais à l’abandon” retraçant le parcours de Thierry Atangana qui a passé 17 ans de prisons et en est sorti avec des séquelles psychologiques et Physiques lourdes. Quand on sait que quelques semaines seulement de détention peuvent causer de graves traumatismes psychologiques et physiques on se demande comment un être humain ayant passé autant d’années pourrait aborder la vie. Voir la conviction qu’on a de se savoir innocent ébranlé par le système. La détention arbitraire à des conséquences graves pour l’homme à tous les niveaux. De plus, elle conduit à une méfiance générale envers les politiques et le système judiciaire et elle constitue une entrave aux droits de l’homme et à la démocratie facteur clé du développement d’un pays. Elle détruit la confiance publique dans la justice et affaiblie l’état de droit.

Internet et les réseaux sociaux

Au début de 2024, le Cameroun comptait environ 5 millions d’utilisateurs de médias sociaux âgés de 18 ans et plus, ce qui représente 33,4 % de la population adulte. En termes de répartition par sexe, 41,4 % des utilisateurs de médias sociaux étaient des femmes et 58,6 % des hommes. We Are Social et Hootsuite publient des rapports annuels détaillés sur l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux dans différents pays, y compris le Cameroun. DataReportal fournit des rapports et des statistiques sur l’utilisation numérique à travers le monde et Statista offre des statistiques et des études de marché, y compris des informations spécifiques à l’utilisation des réseaux sociaux en Afrique. Selon ces entités en janvier 2023, environ 34 % de la population camerounaise avait accès à Internet et les réseaux sociaux étaient utilisés par environ 22 % de la population. Facebook était le réseau social le plus utilisé, avec la majorité des utilisateurs connectés suivi de près par WhatsApp également très populaire pour la messagerie instantanée quant à Instagram et Twitter ils sont utilisés, mais dans une moindre mesure comparée à Facebook et WhatsApp. Les utilisateurs de réseaux sociaux sont majoritairement des jeunes âgés de 18 à 34 ans avec une légère prédominance masculine dans l’utilisation des réseaux sociaux et un fort taux de concentration en zones urbaines Ces chiffres sont des estimations basées sur les données disponibles jusqu’à début 2023 et peuvent varier. Les données mentionnées proviennent de diverses sources qui compilent et analysent l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux dans le monde. Vous pouvez consulter des informations plus précises et actualisées ICI

 Les réseaux sociaux lueur d’espoir?

Depuis l’indépendance du Cameroun en 1960, le pays a connu plusieurs épisodes de détention arbitraire, les plus célèbres ont un lien avec des tensions politiques et des répressions contre les opposants et les militants des droits de l’homme. Après l’instauration du régime autoritaire du premier président de la république du Cameroun Ahmadou Ahidjo, la répression contre les membres du principal parti d’opposition l’Union des Populations du Cameroun (UPC) a mené à de nombreuses arrestations arbitraires et exécutions sommaires. Au début de l’ère Biya en 1982, le Cameroun a continué à faire face à des accusations de détention arbitraire. Des militants politiques et des journalistes ont été arrêtés sans procès équitable, souvent sous des accusations de menaces à la sécurité nationale malgré l’avènement du multipartisme et d’un semblant de démocratie.

Ces dernières années, les réseaux sociaux ont eu un impact réel dans la lutte contre ces violations des droits de l’homme en offrant une plateforme de visibilité et en amplifiant les voix des victimes, de leurs familles, des activistes et de la communauté internationale. Les plateformes comme Facebook, Twitter, Telegram, Tiktok, WhatsApp sont devenus des outils incontournables pour sensibiliser l’opinion publique nationale et internationale sur les cas de détention arbitraire. Les activistes et les organisations non gouvernementales (ONG) utilisent ces plateformes pour diffuser des informations sur les arrestations illégales, souvent accompagnées de preuves vidéo ou photographiques. Ces contenus sont rapidement partagés, attirant l’attention des médias et des organisations internationales. La visibilité s’est accrue grâce à la création de hashtags, à des campagnes de sensibilisation, à un nombre limité de partages et à une forte mobilisation des communautés sur les réseaux sociaux.

Dans certains cas flagrants, cela a permis des interventions de haut niveau de la part d’organisations internationales, de corps diplomatiques, d’influenceurs, de décideurs, etc. Des cas de détention arbitraire qui auraient pu passer inaperçus ont bénéficié d’une attention mondiale, influençant ainsi les décisions politiques. Les réseaux sociaux ont indéniablement modifié la dynamique de la lutte contre la détention arbitraire au Cameroun, en fournissant une plateforme pour dénoncer les abus, mobiliser la communauté internationale, et sensibiliser l’opinion publique. Cependant, bien que cela réussisse à attirer l’attention, ce n’est qu’une partie de la solution. Et même si la pression publique joue un rôle de catalyseur dans ce processus, pour mettre fin à la détention arbitraire, il est essentiel de combiner l’activisme en ligne avec des actions concrètes sur le terrain et un lobbying continue sur les politiques pour qu’ils respectent les droits fondamentaux de leurs citoyens. Le pouvoir judiciaire doit être absolument indépendant et ne pas mener des actions sous le contrôle du pouvoir exécutif.

Photo : irmeyasom/Iwaria

Joe Ambadiang