Alors que le nombre de cas confirmés de coronavirus au Cameroun dépasse les 200, plusieurs compatriotes se demandent ce que le gouvernement attend pour instaurer un confinement total au moins dans les villes les plus touchées.

Entre le 6 mars, date de confirmation du premier cas et le 31 mars 2020, le Cameroun a enregistré officiellement 223 cas confirmés de coronavirus. Le 17 mars, alors que le pays enregistrait son dixième cas, des mesures ont été prises par le gouvernement pour essayer de contenir ou au moins de ralentir la progression du virus. Deux semaines après, il est évident que les mesures ne sont que relativement efficaces, vu que le nombre de personnes infectées continue à progresser de façon exponentielle – et là, on ne parle que des cas testés. Face à ce constat, nombre de Camerounais se demandent pourquoi le gouvernement du Cameroun tarde à appliquer le confinement général comme cela se fait ailleurs en Afrique.

Treize mesures pour faire face au coronavirus

Les premières mesures du gouvernement Camerounais sont prises le 17 mars 2020, alors que le pays enregistre son 10e cas confirmé. Avant cela, tout se passait comme si le Cameroun était invulnérable à ce virus. Trois jours avant, le président du Comité d’Organisation du Championnat d’Afrique de Football rassurait la CAF que les mesures ont été prises par le Cameroun pour accueillir « toutes les délégations annoncées par la CAF pour la participation à la phase finale du tournoi » – même celles venant de pays déjà touchés par le coronavirus.

Par la voix du premier ministre, Joseph Dion Ngute, l’État du Cameroun a rendu publics les 13 points qui constituaient la réponse du gouvernement face à la progression rapide du virus : en gros, les établissements scolaires et universitaires publics et privés resteraient fermés jusqu’à nouvel ordre, les frontières seraient fermées avec interdiction de délivrance de visas, les bars seraient désormais fermés dès 18heures, et les rassemblements limités à moins de 50 personnes, entre autres.

Dans la pratique, ces mesures n’ont pas vraiment été respectées, exceptées quelques-unes notamment la fermeture des établissements scolaires et la fermeture des bars et snacks après 18 heures.

Bien évidemment les cas ont continué à s’accumuler. Le 23 mars, une autre mesure a été prise par le ministre des transports, réduisant le nombre de passagers dans les véhicules de transport en commun, au grand dam de certains compatriotes qui, sans doute à raison, préconisaient plutôt le confinement total comme solution à la propagation rapide du virus qui est déjà présent dans 4 régions du pays.

L’impossible confinement ?

Un confinement général contribuerait-il à freiner l’avancée de la Covid19 au Cameroun ? Sans aucun doute. Le gouvernement Camerounais peut-il se permettre d’imposer un confinement général ? Là est toute la question.

En l’État actuel, il serait très difficile d’instaurer un confinement général au Cameroun. En effet, la grande majorité de la population camerounaise vit de petits métiers qui obligent les citoyens à vivre au jour le jour, la pitance journalière étant assurée par l’activité menée la veille. Dans ce contexte il est pratiquement impossible pour les camerounais de constituer les réserves nécessaires pour tenir quelques jours ou semaines sans travailler.

Évidemment, pour que le confinement soit envisageable, le gouvernement doit penser à des mesures d’accompagnement comme cela se fait déjà ailleurs en Afrique. Pourquoi l’État du Cameroun ne prend-il pas des mesures similaires ? Sans doute notre pays n’a-t-il pas les fonds nécessaires pour couvrir une telle opération.

Rappelons que depuis 2017 la guerre au Nord-ouest et au Sud-ouest saigne à blanc le trésor public camerounais, et que de nombreux investissements non rentables ont été effectués entre temps – notamment, entre autres, les 75 milliards utilisés pour acquérir 500.000 ordinateurs pour les étudiants, et les plus de 1000 milliards dilapidés dans les chantiers de la CAN qui ne sont jusqu’aujourd’hui pas tous achevés.

Vers de nouvelles émeutes de la faim ?

S’il est évident qu’un confinement général sans mesures d’accompagnement serait suicidaire pour le Cameroun, on est en droit de se demander si, même sans confinement, le pays est à l’abri d’éventuels troubles.

En février 2008, les Camerounais se sont levés pour protester contre la hausse généralisée des prix de produits de première nécessité, consécutives à une hausse du prix des carburants. Actuellement, il y a fort à craindre que, même sans confinement général, les effets du coronavirus sur l’économie camerounais aient des conséquences similaires.

En effet, l’activité économique tourne actuellement au ralenti. Les déplacements sont réduits, et même l’affluence dans les marchés a diminué. En revanche, plusieurs commerçants ont profité de la situation pour augmenter les prix de leurs marchandises.

Si des mesures ne sont pas prises en urgence, notamment au niveau de l’approvisionnement et de la distribution des produits de première nécessité, il y a fort à parier que le camerounais lambda se retrouvera très vite sans rien à se mettre sous la dent ; il n’est donc pas exclu que l’on se retrouve dans la même situation qu’en 2008, à la différence qu’une bonne partie de l’armée est au front à l’extrême-nord et en zone anglophone, et donc les effectifs risquent de ne pas être suffisants pour contenir la population comme en 2008.

Nouvelles mesures

Le 30 mars 2020, le président Paul Biya a autorisé la création d’un fonds de solidarité pour la riposte contre la Covid19. Le fonds, a annoncé le Ministre de la Santé Dr Manaouda Malachie lors d’une conférence de presse, sera d’abord pourvu d’un montant d’un milliard de francs CFA qui serviront à la prise en charge des malades du coronavirus. En outre, les logements sociaux du site d’Olembe à Yaoundé sont disponibles pour accueillir 200 patients, en attendant que d’autres sites soient aménagés.

Si l’initiative de la création d’un fonds de solidarité est louable, il faut reconnaitre que le montant alloué est insignifiant, s’il faut le comparer aux pays de la sous-région ou de l’Afrique de l’Ouest où les fonds alloués à la riposte vont jusqu’à 1000 milliards.

Tout ce qu’on peut espérer, c’est que d’autres mesures soient prises dans le même sens pour une meilleure gestion de la crise sanitaire qui est en train de prendre des proportions plutôt inquiétantes.