Après avoir pris la décision de ne plus informer l’opinion publique de l’évolution des contaminations, le gouvernement du Cameroun vient de lever certaines des mesures précédemment prises.
Le 30 avril dernier, le premier ministre du Cameroun a rendu publiques les nouvelles mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre le coronavirus qui a déjà fait plus de 2000 infectés au Cameroun. Si, parmi ces nouvelles mesures, un bon nombre allège la tâche aux entreprises quant au payement de certaines taxes, d’autres viennent plutôt annuler certaines mesures précédemment adoptées pour freiner la propagation du virus, notamment la fermeture des bars et lieux de loisir dès 18h et la limitation des places dans les véhicules de transport en commun.
Réaction tardive des autorités
Quand, après avoir infecté la Chine, le coronavirus commence à se répandre en Europe et aux USA, certains pays d’Afrique anticipent et adoptent déjà des mesures visant à empêcher ou du moins à retarder le plus possible l’entrée du virus sur leurs territoires. Au Cameroun, ce n’est pas le cas. Bien au contraire.
Le 14 mars 2020, alors que le virus était déjà présent en Afrique, et que le Cameroun comptait déjà 3 cas confirmés, le Ministre des sports et de l’éducation physique, Narcisse Mouelle Kombi, par ailleurs président du COCAN20-21 rassurait la CAF dans une correspondance, que le Cameroun « est prêt à accueillir toutes les délégations annoncées par le CAF pour la participation à la phase finale du tournoi ». Même celles de pays européens déjà très touchés par la pandémie.
Cette lenteur à la détente, sans doute motivée par la volonté d’organiser le CHAN à tout prix, a porté préjudice au Cameroun dont les frontières sont encore restées ouvertes pendant quelques jours. Ce n’est qu’après le report sine die de la compétition par la CAF elle-même le 17 mars, que le gouvernement du Cameroun réagit enfin en publiant 13 mesures parmi lesquelles la fermeture des frontières, des écoles et des bars et autres lieux de loisir à partir de 18 heures.
Gestion catastrophique de la crise
Si les 13 mesures prises par le gouvernement camerounais ont été saluées par plusieurs compatriotes, il était évident qu’elles auraient un coût. Car fermer les marchés, les bars, snacks et restaurants après une certaine heure ne pouvait se faire sans compensation. Pourtant, le gouvernement camerounais ne semble pas prêt à accompagner les populations. Le milliard versé dans le fond de solidarité est minable, et en quelques jours, les autorités déclarent avoir dépensé plus de la moitié en frais d’hôtel pour les voyageurs placés en isolement.
Au niveau des voyageurs confinés, tout n’est pas rose non plus. Plusieurs personnes sont refoulées d’hôtels censés être réquisitionnés et mis à la disposition des personnes en observation. Certains affirment être abandonnées, mal nourris, etc. Ils finissent par rentrer dans leurs familles ou dans d’autres hôtels, ce qui augmente les risques de propagation du virus.
Au niveau de la prise en charge, les numéros mis à la disposition des personnes suspectes ne passent pas toujours, et plusieurs fois, ces derniers sont obligés d’interpeller le ministre de la Santé sur Twitter pour enfin être pris en charge. Plusieurs malades payent de leurs poches les frais de prise en charge, malgré les déclarations du gouvernement qui les parlent de gratuité de la prise en charge.
Pire encore, le personnel de santé qui est abandonné. Sans protection adéquate, sans paye, les équipes d’intervention et d’investigation rapide qui sont au front depuis le début de la pandémie ont été obligées d’initier un mouvement de grève le 2 mai 2020 derniers, et ce n’est que le lendemain, après qu’ils aient passé la nuit au Centre des Opérations d’Urgence de Santé Publique (COUSP) à Yaoundé, qu’une solution a été trouvée à leur problème.
Opération kamikaze
Après la décision inattendue du ministre de la santé, dont les tweets étaient la source d’information la plus faible sur le coronavirus au Cameroun, de ne plus communiquer sur l’évolution des contaminations, le gouvernement du Cameroun a pris une autre décision dont les conséquences sont à craindre.
Parmi les nouvelles mesures publiées le 30 avril 2020, le gouvernement camerounais a décidé de rouvrir les bars, snack, restaurants etc. après 18h. De même la limitation du nombre de passagers dans les transports en commun a été levée. La seule obligation, dit le premier ministre, c’est de respecter la distanciation sociale et l’obligation de port du masque.
Comment respecter la distanciation sociale dans un bar ou dans un night-club ? À quoi servirait un masque dans un bar ou dans un restaurant ? Même si on met de côté la difficulté qu’ont les camerounais à se procurer des masques d’une qualité acceptable, comment les masques vont-ils s’utiliser dans les bars ou dans des restaurants ? La décision du gouvernement a beau avoir pour prétexte la relance de l’économie paralysée par la pandémie, on ne peut s’empêcher d’y voir un certain abandon devant une crise qu’il est incapable de gérer convenablement.
Le pire est à venir
Les images et vidéos prises dès le lendemain du communiqué du gouvernement, soit le 1er mai – fête du travail dont la célébration avait été annulée pour cause du Covid-19 – sont suffisamment éloquentes : aucune mesure barrière n’est respectée. Les camerounais ont pris d’assaut les bars et vivent leur vie comme si de rien n’était. Peu arborent des masques, et ceux qui en ont s’en servent pour se couvrir le menton.
L’affluence dans les bars était prévisible. La décision de rouvrir les lieux de réjouissance, surtout la veille du 1er mai, était mauvaise. Actuellement, tous les ingrédients sont réunis pour que dans les jours à venir le coronavirus se propage de façon terrible au Cameroun. Et, telles que les choses se présentent, le gouvernement camerounais n’aura pas les moyens de faire face. On serait tenté de croire comme de nombreux compatriotes, que nos dirigeants ont décidé jeter le peuple en pâture, et que les meilleurs survivent.