Quand nous avons commencé l’année, j’étais sûre que les choses allaient se passer différemment. Que ça allait être grandiose, et oui ça a été toutes ces choses – mais d’une manière qu’on n’aurait jamais imaginé.
J’étais à Addis-Abeba lorsque l’Afrique a commencé à ressentir les premières secousses du COVID19. Je me souviens ne pas y avoir prêté beaucoup d’attention parce que je pensais que cela ne m’affecterait pas. J’ai vécu les nombreuses grippes venues de Chine et n’ai jamais vraiment été touché. Mais j’ai également été témoin de la terreur et de la peur qu’a provoqué Ebola. Et en tant qu’Ougandais, j’ai été soumis à de nombreuses questions et j’ai du compléter des formulaires d’entrée dans certains pays à cause d’Ebola. J’ai ensuite travaillé avec la Fondation de l’Union africaine pour #AfricaAgainstEbola. Par conséquent, j’avais une idée de ce que « signifiait » une épidémie, ou du moins je le pensais.
Après Addis, je me suis encore rendu à Nairobi mi-février, puis je suis rentré en Ouganda. Et plus tard en mars, je suis retourné à Nairobi et suis revenu en Ouganda le 22 mars. L’Ouganda a commencé à fermer ses portes le 18 mars, même si aucun cas n’avait été signalé. Le ministère de la Santé a demandé aux internats d’interrompre les jours de visite et le ministre de la santé a entamé une visite de travail à l’aéroport (oui, il n’y en a qu’un seul en Ouganda) pour renforcer les équipes de santé et s’assurer que tout le monde jouait son rôle. Plus tard, nous sommes ensuite entrés en confinement, le 25 mars, et nous y sommes encore à ce jour.
Au cours de cette période de pandémie mondiale, quelques éléments saillants me sont apparus.
- L’Afrique n’a pas de sympathisants
J’ai arrêté de compter le nombre de fois où j’ai lu sur la quasi-totalité des sites d’information de la planète les prévisions de pertes de vie liées au COVID19 en Afrique. Le monde s’est montré très pessimiste à l’égard de l’Afrique. Et pourtant, nous n’avons pas eu autant de cas et de décès que l’Europe et l’Amérique du Nord. Il pourrait y avoir une deuxième vague. J’ai suivi différents pays comme l’Afrique du Sud, qui ont assoupli leur confinement pour revenir au niveau 4, mais où près de 1000 cas ont été recensés aujourd’hui pour la province du Cap Occidental. Le Ghana a également assoupli son confinement, puis est revenu à des directives plus strictes. S’il y a une deuxième vague, je reste optimiste que nous saurons alors quoi faire et que nous ne sombrerons pas dans les mêmes tréfonds que l’Europe ou l’Amérique ont connu.
- Les inégalités sont loin d’être révolues
Au début de la pandémie, on entendait des affirmations (en particulier sur Twitter) sur le fait que tout le monde était égal face à la pandémie, car elle ne faisait pas de distinction de couleur, d’âge, de richesse, etc. Mais ce que nous avons oublié, c’est que les inégalités existaient déjà, et même si nous voulons penser que nous y faisons face, ce n’est pas le cas. Le COVID19 nous a montré à quel point les inégalités étaient profondes et qu’elles étaient loin d’être révolues. Pour citer Winnie Byanyima : « Le COVID19 révèle et aggrave les inégalités criantes dans nos pays. Nous devons délibérément lutter contre les inégalités et faire mieux pour ceux qui comptent sur nous en tant que société ».
- L’esprit d’ubuntu est toujours là
Les peuples d’Afrique possèdent quelque chose que personne ne pourra jamais briser, c’est l’unité. Nous nous ouvrons pour ressentir la douleur de l’autre et saisissons l’occasion pour faire de notre planète un monde meilleur. C’était formidable de voir des individus du monde entier (à l’exception des politiciens qui se sont globalement révélés être une immense déception) se réunir pour se soutenir mutuellement. Il existe des exemples étonnants d’initiatives émanant de la communauté, pour offrir des repas à ceux qui sont en première ligne de ce combat et fournir des biens essentiels aux vulnérables et aux pauvres. C’est comme ça que nous devrions toujours vivre.
- L’Afrique a retenu la leçon.
Depuis longtemps, l’Afrique est aux prises avec de nombreuses maladies infectieuses : la dengue, Ebola, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, la fièvre de la vallée du Rift, etc. Et c’est pour cette raison que les gouvernements savaient quoi faire et ont appliqué les mesures requises sans hésitation. Fin mars, la plupart des aéroports africains étaient fermés aux vols commerciaux. Avant cela, des contrôles de température ont été effectués pour tous les passagers dans les aéroports, et les équipes de santé étaient en alerte. En raison de notre gestion des maladies infectieuses, ce qu’il fallait faire était clair. Pour moi, cela en dit long. Bien que les tests fassent défaut dans la plupart des pays, aucun des dirigeants n’a été incité à mettre en place un confinement.
La pandémie est toujours là. Même si les pays s’ouvrent, cela se fait avec prudence. J’ai l’espoir qu’en tant que peuple, nous serons plus forts à la sortie de cette épidémie. Que nous n’aurons pas peur de commencer là où nous nous étions arrêtés.
NB: Cet article a été publié pour la première fois en Anglais le 18.05.2020, certains détails peuvent avoir changé.