Par François M’BRA II

L’école ivoirienne est frappée de plein fouet par la fraude et la corruption. Ces maux qui minent le système éducatif ivoirien sont perçuent à plusieurs niveaux à la fois. Des concours de recrutement des enseignants aux examens de fin d’année en passant par l’affectation des fonctionnaires, ces maux sévissent et continuent de sévir avec leurs corolaires de conséquences sur le quotidien des populations.

C’est du jamais vu en Côte d’Ivoire. Selon des sources bien introduites auprès des organisateurs du Centre d’Animation et de Formation Pédagogiques ( CAFOP), session 2021, seulement 3.000 candidats ont été jugés admissibles sur un peu plus de 55.000 candidats. 47.000 candidats n’ayant pas le niveau requis ont obtenu des moyennes inférieures à celles exigées.Une situation qui va inéluctablement contraindre le Ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation à l’organisation d’une deuxième session ou un nouvel appel à candidature, pour atteindre les 5000 admis attendus.
Comment en sommes-nous arrivés là ?

Comment la fraude et la corruption tuent l’école

Un rapport du Programme d’Analyse des Systèmes Éducatifs de la Confemen ( PASEC) publié récemment montre clairement que l’école ivoirienne a perdu son image de l’époque Houphouët Boigny, premier président de la Côte d’Ivoire, où l’éducation était une priorité.

Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire, locomotive de la sous-région ouest-africaine est classée avant-dernier dans la zone subsaharienne.
La mauvaise qualité de l’éducation en Côte d’Ivoire est du fait de la fraude et la corruption qui se placent au cœur du système éducatif. La crise de l’école a atteind son paroxysme.

Du haut jusqu’au bas de l’échelle, la fraude et la corruption sont présentes. De la plus haute autorité au citoyen lambda, tous sont conscients que ces maux ternissent l’image de l’école ivoirienne.

Lors d’une visite au Lycée moderne de Treichville et au Lycée classique d’Abidjan, à Cocody, au démarrage des épreuves du concours de CAFOP, le samedi 15 mai 2021, la ministre de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation, Pr. Mariatou Koné a rappelé aux candidats que c’est par le mérite et la qualité de leur travail qu’ils réussiront à cet examen.

« Nous avons un peu plus de 50 000 candidats pour 5000 places et seul le mérite devrait nous aider à distinguer ceux qui, j’espère, seront admis. Arrêtez de chercher des parrains. Cette année, les enfants de riches et de pauvres, ceux qui connaissent des gens et ceux qui n’en connaissent pas vont competir à chance égale. La résilience de notre école commence par la qualité de recrutement de l’enseignant », a-t-elle lancé.
Pour la nouvelle patronne de l’éducation nationale, seule la compétence doit prévaloir.

Selon des sources bien introduites, il existe un vaste réseau de parrainage qui implique à la fois des institutions et de hauts responsables du parti au pouvoir, le Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix( RHDP).
Ces institutions et responsables font parvenir des listes au service en charge des concours. Les parrains et leurs filleuls doivent débourser une somme comprise entre 800 000 FCFA( 1230 €) et 1.2 million FCFA ( 1846 €) pour que le candidat soit admis sans le moindre effort.
Les examens ne sont pas épargnés par la fraude et la corruption.

Selon la Direction des Examens Scolaire, les cas de fraudes répertoriés au cours des examens du Baccalauréat session 2020, s’élèvent à 16.328 cas soit 266% contre 6833 cas de fraude en 2019.
Ces chiffres alarmants, publiés le 27 Janvier 2021, interpelle le gouvernement, l’opinion nationale et internationale sur la forme cancéreuse que prennent la fraude et la corruption dans le système éducatif.

Le gouvernement s’engage contre la corruption

La lutte contre la corruption fait partie des priorités du gouvernement ivoirien. Pour atteindre cet objectif, il a mis en place plusieurs instruments . La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance ( HABG) créée par ordonnance n° 2013-660 du 20 septembre 2013, fait partie des instruments mis en place dans le cadre du plan national de lutte contre la corruption. Sa mission principale est la lutte contre la corruption et les infractions assimilées.
Cependant, malgré ces outils mis en place pour une lutte efficace et acharnée contre la corruption, le constat reste toujours amère quand l’on jette un regard sur les cas de fraudes et de corruptions en Côte d’Ivoire.

Le gouvernement Patrick Achi, mis en place après le décès de l’ex Premier ministre , Ahmed Bakayoko a pris ses responsabilités pour faire de cette lutte contre la fraude et la corruption une réalité. Une réalité qui transparaît à travers la suspension, le limogeage et l’emprisonnement de plusieurs Directeurs Généraux de sociétés d’État depuis quelques semaines pour mauvaise gestion.
Le secteur de l’éducation ne fait pas l’exception. Pour renforcer la lutte contre la corruption dans l’organisation des examens et concours, dans le cadre du recrutement des fonctionnaires et agents de l’Etat, au titre de l’année 2021, le premier ministre Patrick Achi a convoqué, une réunion interministérielle, le vendredi 28 mai 2021.
Les résultats de cette volonté politique se profilent progressivement avec l’échec de 52. 000 candidats au CAFOP session 2021, faute de bas niveau.
Il reste à savoir si les autres ministères, services administratifs et secteurs d’activités suivront l’application des mesures draconiennes de lutte contre la fraude et la corruption mis en place par l’État de Côte d’Ivoire.