Devant le pourcentage insignifiant de personnes vaccinées, certains membres du gouvernement camerounais essaient d’obliger leurs collaborateurs à se vacciner, si on s’en tient à des communiqués récemment diffusés sur les réseaux sociaux.

Lancée en avril 2021, la campagne de vaccination contre la covid-19 au Cameroun évolue de façon très timide. À ce jour, moins de 1% de la population cible a déjà été complètement vaccinée, si l’on s’en tient aux derniers chiffres disponibles. D’ailleurs, près de 5.000 doses du vaccin AstraZeneca se sont périmée il y a quelques mois. Autant le dire, les campagnes de sensibilisation et d’information du gouvernement camerounais n’ont pas porté de fruits.

Les populations réticentes

Lorsque le vaccin contre la Covid est annoncé, beaucoup de Camerounais sont sceptiques. Des rumeurs peu rassurantes circulent sur l’origine de la pandémie, mais aussi sur la dangerosité des nombreux vaccins qui ont vu le tour en un laps de temps. Face aux nombreuses rumeurs et autres théories du complot qui inondent les réseaux sociaux et les groupes WhatsApp, le gouvernement camerounais se veut rassurant : la vaccination ne sera pas obligatoire au Cameroun. Même si les populations cibles sont encouragées à se faire vacciner, en aucun cas elles n’y seront forcées.

Du côté des population, rien n’avance. Le nombre de doses administrées est insignifiant, et ni les campagnes de vaccination, ni les campagnes de sensibilisation, ni même les campagnes de communication lancées avec l’appui des blogueurs et autres influenceurs ne semblent convaincre. Les chiffres officiels annoncent quelques 121.000 personnes totalement vaccinées pour une population cible de plus de 14 millions, soit un pourcentage de 0.9%. On est très loin de l’objectif du ministère de la santé qui est de vacciner 80% de la population cible d’ici décembre 2021.

Vaccin « obligatoire »

Face à cette faible progression dans la vaccination, certaines autorités administratives et responsables de structures publiques et parapubliques ont pris des mesures plutôt drastiques. Une note signée de la directrice générale de la Société de presses et éditions du Cameroun (SOPECAM) porte à la connaissance de l’ensemble du personnel que dès le 4 octobre 2021, l’accès à l’entreprise sera conditionnée par « la présentation d’un test Covid-19 de moins de 5 jours ou d’un carnet de vaccination contre le covid-19 ».

Un autre communiqué, attribué cette fois-ci au Secrétaire Général de la Présidence de la République (SGPR) Ferdinand Ngoh Ngoh, annonce qu’une campagne de vaccination sera organisée à la présidence de la république, et précise que, après cette campagne, « l’accès au palais de l’unité ne sera permis qu’aux personnes vaccinées ».

Dans la région de l’Est, le gouverneur Grégoire Mvongo impose les vaccins aux personnels et responsables en service dans sa région de commandement. En effet, une décision du gouverneur précise que dès le 11 octobre, tous les agents des services publics et parapublics régionaux ne seront admis dans les locaux qu’à condition de présenter soit un test négatif datant de moins de 72 heures, soit un carnet de vaccination anti-covid19.

Stratégie dangereuse

Il est à craindre que des décisions similaires à celles mentionnées plus haut se multiplient dans les administrations, et qu’on en arrive à une situation où les agents de l’état se verront dans l’obligation de se vacciner, sous peine de perdre leur travail – puisqu’ils ne seront plus admis dans leurs lieux de service. Même pour les usagers et autres demandeurs de services, il n’est pas exclu que la vaccination devienne une condition pour accéder à un ministère, inscrire son enfant dans une école publique, ou encore déposer une plainte dans un commissariat.

Mais ces mesures, si jamais elles finissent par être vulgarisées, vont créer d’autres problèmes. Déjà, la disponibilité des vaccins fera problème. Sachant que la population cible est de plus de 14 millions, il y a fort à parier que le Cameroun ne pourra pas fournir les vaccins en nombre suffisant et dans un délai relativement court. Certaines personnes seront donc pénalisées, et la voie sera ouverte à la corruption et à la confection de faux carnets de vaccination.

Et puis, même si tous les agents de l’État se vaccinaient effectivement, on serait encore bien loin des 80% visés par le gouvernement, le nombre de fonctionnaires et d’agents de l’État étant très éloigné des 14 millions. Autant dire que le gouvernement du Cameroun devrait changer de stratégie, celle de la contrainte pouvant s’avérer plutôt dangereuse.