L’élection couplée qui s’est tenue le 9 février 2020 a connu un taux d’abstention inférieur à 30% selon certaines sources. Un taux record qui semble conforter l’opinion selon laquelle l’appel au boycott lancé par le MRC a été entendu.

Dimanche 9 février 2020 était une journée particulière au Cameroun. C’était la journée réservée à l’élection des conseillers municipaux et des députés mais aussi et surtout, c’était la journée de vérité. En effet, depuis quelques temps, un bras de fer était engagé entre deux camps : d’un côté, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto, qui a appelé au boycott du double scrutin, et de l’autre le parti au pouvoir et les autres partis d’opposition, déterminés à aller aux élections.

Irrégularités

Quand Maurice Kamto décide le 25 novembre de ne pas participer au scrutin du 9 février, il évoque un certain nombre de raisons parmi lesquelles l’impossibilité d’organiser des élections libres et transparentes dans certaines régions du pays notamment dans la zone anglophone qui, malgré les efforts consentis par le gouvernement, continue de subir les affres du conflit sanglant qui oppose l’armée régulière aux combattants séparatistes. Il évoque également les nombreuses insuffisances du code électoral en vigueur et appelle à sa révision consensuelle.

À cela, il faut ajouter l’attitude plutôt curieuse de certains sous-préfets qui pendant la période de constitution des dossiers, avaient la manie de déserter leurs bureaux, ce qui rendait la tâche difficile, voire impossible à certains candidats, dont plusieurs étaient militants du MRC. Dans ces conditions, le MRC par la voix de son président, a décidé de se retirer du processus.

Exigences

La décision du MRC a donné lieu à d’autres réactions dans l’opposition. On a notamment eu les leaders du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), Cabral Libii, arrivé 3ème lors du scrutin présidentiel selon les chiffres officiels, qui a fait une sortie pour dénoncer l’attitude des sous-préfets et par conséquent, exiger un délai supplémentaire de 15 jours pour que ses candidats puissent sereinement compléter leurs dossiers, faute de quoi il pourrait également jeter l’éponge.

Il y a également eu une sortie de Joshua Osih, candidat du Social Democratic Front lors de la dernière élection, qui est monté au créneau pour dénoncer le forcing du gouvernement d’organiser ce scrutin, et a posé une condition à la participation. Selon Osih, le SDF ne participerait pas au scrutin du 9 février si à cette date-là, le conflit qui sévit en zone anglophone n’est pas réglé par le gouvernement Camerounais.

Sourde oreille

Sans surprise, le gouvernement reste sourd aux exigences du PCRN et du SDF qui, contre toute attente, ne mettent pas en exécution leurs menaces de se retirer. De son côté, le MRC organise des descentes sur le terrain dans le but de sensibiliser les citoyens quant au bien-fondé du boycott.

En face, le gouvernement répond par des menaces proférées envers ceux qui s’aviseraient de prôner le boycott. Sur la base de l’article 122 du code pénal, des personnes qui appelaient au boycott sont arrêtées et traduites en justice dans la ville de Bangangté, à l’Ouest du pays. Sur les réseaux sociaux les deux camps s’affrontent autant à coups d’arguments qu’à coups d’insultes.

Échec et mat

Après le scrutin, les tendances ont commencé à tomber, annonçant un taux d’abstention très élevé (28% de participation selon les observateurs de l’Union Africaine). Était-ce du fait de l’appel au boycott du MRC, ou du découragement des Camerounais ? Difficile à dire. Ce qui est vrai c’est que le retrait du MRC et les appels au boycott ont eu un impact non négligeable sur le taux de participation au dernier scrutin.

Alors que les résultats officiels restent attendus, et que des accusations de fraude fusent de toute part, on est bien tenté de donner raison au MRC et à Maurice Kamto au vu des nombreuses violences recensées le 9 février autant dans la zone francophone (où des décès et actes de vandalismes ont été enregistrés), que dans la zone anglophone où enlèvements, incendies et affrontements entre l’armée et les séparatistes se sont multipliés depuis la convocation du corps électoral.