Comme c’est de coutume, le président de la république du Cameroun, Son Excellence Paul Biya s’est adressé à la nation le 31 décembre 2017. Un discours qui a duré une quinzaine de minutes et dans lequel il s’est exprimé sur un certain nombre de sujets qui ont fait ou font encore l’actualité du pays. Comme c’est de coutume, le président a fait des promesses visant à améliorer la vie des concitoyens dans divers secteurs. Des promesses qui, quand on regarde de près, ne seront sans doute jamais réalisées.

La couverture santé universelle n’est qu’un projet

Depuis l’annonce, on en a beaucoup parlé dans divers organes de presse, à la radio, à la télévision et sur internet : le président de la république vient de prescrire la mise en place de la couverture santé universelle.

Ceux qui ont suivi l’actualité Camerounaise de ces dernières années sont au courant des nombreux scandales survenus dans différents hôpitaux du pays dont le plus retentissant est sans doute celui de Monique Koumatekel, cette dame qui est morte sur la véranda de l’hôpital Laquintinie de Douala avec ses jumeaux dans le ventre, et qui a été éventrée par une de ses proches qui essayait de sauver les bébés.

Au Cameroun, l’accès aux soins de santé est un gros problème, et la mise en place d’une couverture santé universelle serait salutaire. Cependant, en écoutant attentivement le discours du président, on se rend compte qu’on est allé trop vite en besogne, car il ne s’agit visiblement pas de mettre en place la couverture santé universelle, mais de « parachever les réflexions relatives à la mise en place progressive de la couverture santé universelle ».

Le président nous promet donc de réfléchir sur la mise en place de la couverture santé universelle. Rien de plus.

L’utopie de l’emploi jeune

Dans son discours, le président de la république a abordé le problème de l’accès à l’emploi des jeunes, et sur ce point, il a promis d’« intensifier [les] efforts en matière de création d’emplois, notamment en faveur de notre jeunesse ».

Au Cameroun, les jeunes ont de la peine à s’insérer professionnellement du fait des difficultés auxquelles ils font face au moment de trouver un emploi. La cause principale de ces difficultés, c’est sans doute l’inadéquation entre les contenus des enseignements qu’ils reçoivent à l’école et les réalités ou les besoins économiques. Ils sont donc obligés, après le lycée ou l’université, d’intégrer une grande école ou une école de formation pour pouvoir apprendre un métier et acquérir des compétences spécifiques. Ces écoles n’étant pas toujours à leur portée, ils se retrouvent à exercer des petits métiers en espérant avoir mieux.

Le problème avec la promesse du président d’intensifier les efforts en matière de création d’emplois, c’est qu’il n’est pas possible d’intensifier ce qu’il n’est pas déjà mis sur pied. Il n’existe au Cameroun aucune politique sérieuse en ce qui concerne la création d’emploi – excepté les campagnes de recrutement de jeunes dans la fonction publique qui ont montré leurs limites.

Les récentes tentatives du gouvernement se sont soldées par des échecs notamment à cause du manque de suivi. L’année dernière par exemple, le Plan Triennal Spécial Jeunes (PTS-Jeunes) visant à faciliter et à accélérer l’insertion socio-économique des jeunes a été lancé. Le bilan de la première année est presque nul au vu des objectifs fixés.

Parler d’intensification des efforts en matière de création d’emplois alors que les jeunes n’ont pas les armes qu’il faut pour affronter le monde de l’emploi, c’est promettre l’irréalisable. Pour donner ces armes aux jeunes, il faut précisément repenser le système éducatif de façon à leur donner la formation adéquate pour les rendre compétents et compétitifs.

Ce réaménagement sera difficile, surtout que pour le président, le Cameroun est « un formidable vivier de ressources humaines de qualité en Afrique ». Autant dire que la formation des jeunes Camerounais, qui est pourtant de plus en plus critiquée, ne lui pose aucun problème.

L’interminable processus de décentralisation

Inscrit dans la constitution du 18 janvier 1996, le processus de décentralisation est toujours en cours au Cameroun. En réalité, la seule matérialisation de ce processus, c’est le changement d’appellation de certaines unités administratives qui est passé de province à région. Depuis, rien n’a vraiment évolué.

Cette lenteur est d’ailleurs à la base de l’intensification de la crise dans les régions anglophones à cause du sentiment d’abandon et de marginalisation qu’il a contribué à entretenir.

Le 31 décembre dans son discours le président a promis d’accélérer ce processus pour, dit-il, « renforcer le développement de nos régions ». Il est pourtant très difficile de croire en cette promesse car en réalité que promet-t-il concrètement ? Accélérer un processus qui en 22 ans n’a presque pas évolué, et ce sans fixer aucun délai dans la réalisation de cette promesse, c’est essayer de distraire le peuple. Car la notion de rapidité est plutôt subjective, et sans délai clairement fixé, il est difficile d’accorder du crédit à ce genre de promesse.

Des promesses sans délais, des bilans sans chiffres

Plusieurs promesses ont été faites, dans divers domaines, et à chaque fois aucune indication sur un quelconque délai, encore moins sur le plan d’action à adopter pour les réaliser n’a été donné, faisant d’elles des promesses sans aucun poids réel parce qu’impossible à évaluer par la suite. A moins, bien sur de faire des bilans sans chiffres, comme ceux qu’à fait le président à cette même occasion, quand il a annoncé que « des progrès notables ont été enregistrés dans la réalisation des projets inscrits dans le plan d’urgence triennal » avant de promettre que « les efforts à cet égard seront poursuivis ».