Autrefois cordiales, voire fraternelles, les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se sont distendues ces derniers temps entre les deux voisins méridionaux. Le coup de froid politique. Que se passe-t-il effectivement entre le Burkina Faso d’Ibrahim Traoré et la Côte d’Ivoire de Ouattara Alassane ? Sans être en état de guerre ouverte véritable comme c’est le cas entre l’Ukraine et la Russie, les dirigeants des deux pays voisins proches ne peuvent plus aller en vacances ensemble.

Et pourtant, tout allait très bien entre ces nations, sœurs quand Ibrahim Traoré, le président burkinabé arrive au pouvoir par voie armée. La Côte d’Ivoire avait même donné un coup de pouce en matière d’armement au Burkina Faso début 2023. Mais au vu de la froideur des relations qu’entretiennent désormais le Burkina et la Côte d’Ivoire, l’on est en droit de s’inquiéter sur cet état de fait et se demander d’où vient la pomme de discorde ?

Des faits successifs de tension

Depuis l’avènement d’Ibrahim Traoré au pouvoir au Burkina Faso, pas mal d’incidents, aux contours demeurés flous, sont survenus entre la Côte d’Ivoire et son voisin burkinabé. En mars 2023, une grosse tension entre militaires burkinabé et ivoiriens est survenue à la frontière des deux pays. La raison, deux militaires burkinabés seraient entrés, armés de fusils d’assaut AK-47 dans le marché de Dantou, département de Tehini (Nord-est de la Côte d’Ivoire), à trois kilomètres du Burkina Faso. Interpellés, ils avaient été gardés à la gendarmerie de Bouna, au Nord-est de la Côte d’Ivoire. Septembre 2023. Deux gendarmes de Bouna (Côte d’Ivoire) avaient été arrêtés au Burkina Faso près du site d’orpaillage clandestin du village de Kwamé Yar. Ils avaient été, eux aussi, détenus, au Burkina Faso.

En février 2023, deux journalistes de la télévision burkinabé avaient été brièvement interpellés puis relâchés alors qu’ils réalisaient un tournage en Côte d’Ivoire sans l’autorisation de la zone ivoirienne. Des incidents récurrents dans cette zone frontalière entre le Burkina et la Côte d’Ivoire s’expliqueraient par le fait que la séparation entre les deux pays serait mal délimitée. Qu’à cela ne tienne. Mais depuis l’avènement de Traoré Ibrahim, en septembre 2022, les liens entre Abidjan et Ouagadougou n’ont cessé de s’effilocher.

La prise de position d’Ibrahim Traoré contre la CEDEAO

Si une chose a tiédi les relations entre les présidents Burkinabé et ivoirien, c’est bien la prise radicale de position du jeune chef d’état burkinabé à l’encontre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). À l’instar de ses collègues malien et nigérien, Ibrahim Traoré a coupé le cordon ombilical qui liait son pays à cette organisation sous-régionale. Et de rompre tout rapport avec cette structure dont la Côte d’Ivoire est un poids lourd.

Leurs relations se sont distendues à un tel point où Ibrahim Traoré soupçonne Alassane Ouattara de travailler à la déstabilisation de son pays. Le chef de la junte militaire burkinabé s’expliquerait mal le fait que son pays chasse des terroristes et que ces derniers se réfugient en Côte d’Ivoire sans la moindre réaction du pouvoir d’Abidjan.  La Côte d’Ivoire, de son côté, s’inquiète d’un afflux de réfugiés burkinabé sur son sol du fait de la nouvelle politique au Burkina Faso. Des sources militaires, selon notre confrère français, « Le Monde », expliquent que la coopération militaire et de renseignements, de ce fait, sont au point mort. Voire rompue.

Voici deux ans que Traoré Ibrahim arrivait au pouvoir par un coup d’état militaire qu’il avait justifié par une insécurité galopante dans son pays et une mauvaise gestion des deniers publics. Gros paradoxe, une enquête du « Centre africain d’études stratégiques » révèle que le terrorisme a fait plus de morts au Burkina pendant la transition que lors de la gouvernance précédente. Et cela à hauteur de 46 %. Juste après son avènement au pouvoir, Ibrahim Traoré avait promis rétablir l’ordre constitutionnel et quitter le pouvoir en juin 2024. Logiquement maintenant. Mais, les assises nationales, convoquées les 25 et 26 mai 2024, prolongent la transition de cinq ans au Burkina Faso, et le président de la transition a désormais le statut de président du Burkina Faso.

Pendant combien de temps, encore le pouvoir d’Abidjan et celui de Ouagadougou vont-ils continuer de se regarder en chiens de faïence ?

Maria De Dieu