La purge a démarré en Turquie depuis le coup d’Etat manqué du vendredi 15 juillet 2016. Pour le Président  de la République Recep Tayyip Erdogan, ce serait sans doute, l’œuvre  de Fethullah Gülen, son illustre ennemi exilé depuis des années aux Etats Unis.

Qui est Fethullah Gülen ? Quelle est son œuvre ?

Fethullah Gülen  est actuellement l’un des savants musulmans les plus influents dans le monde. Il est   le fondateur du mouvement social contemporain « Hizmet » ou « Mouvement des bénévoles » ou encore « Mouvement Gulen ». Sa doctrine se résume en une phrase : « promouvoir des relations pacifiques entre les communautés, sociétés, cultures et traditions religieuses différentes ». Pour se faire, il a mis en place des centaines d’institutions éducatrices modernes, des groupes de presse, et autres  structures qui prônent le dialogue interculturel et interreligieux.

Sur le site du mouvement nous pouvons lire ceci « Le Mouvement a réalisé une transformation rapide des attitudes, une institutionnalisation efficace des besoins et des initiatives du public, une philanthropie collective organisée en faveur de l’éducation, et des solutions en apparence simples à la discorde sociale qui manquaient jusque-là dans la société turque, ce que n’avait jamais tentées la bureaucratie politique protectionniste. »[1]

En quoi cela intéresse-t-il le Sénégal ?

Le vendredi 9 décembre 2016 les parents d’élèves des établissements Yavuz Selim présents au Sénégal  ont été convoqués pour être informer du changement prochain de direction qui sera désormais aux mains de la fondation MAARIF, créée par Erdogan. Pour rappel ces derniers ont été reçus en audience par le Président de la République Macky Sall[2] en Novembre. Rencontre au cours de laquelle le Président du conseil d’administration a réaffirmé la volonté de la Turquie de renforcer la coopération entre les deux pays dans le domaine de l’éducation.  Aujourd’hui dans un communiqué l’Ambassade affirme que la Fondation MAARIF « est la seule habilitée à fournir des prestations éducatives dans le monde entier au nom de la Turquie ».

Ce communiqué  nous renseigne un peu plus sur les raisons du changement de direction : « Nos autorités compétentes ont déterminé que l’organisation terroriste (FETÖ) utilisait ses activités dans le domaine de l’éducation pour atteindre ses objectifs. Les parents d’élèves devront particulièrement faire attention pour l’avenir de leurs enfants »

Les écoles Yavuz Selim au Sénégal :

En 1997 ouvrait la première école Yavuz Selim au Sénégal par le biais de l’association  BAŞKENT EĞITIM[3].

On peut citer : le collège Bosphore ; la maternelle les Bourgeons, le Collège Sultan, le printemps de Thies composé d’une école maternelle, élémentaire et d’un collège. Il Existe également l’école élémentaire Cascades et  deux écoles élémentaires et maternelles, dont l’une est sise à Kaolack et l’autre à Ziguinchor, sans oublier les autres écoles coraniques.

Le Sénégal et la Turquie ont une longue histoire commune et de bonnes relations diplomatiques. Mais est-ce une raison suffisante pour « fermer » un des meilleurs groupes scolaires du pays ?

Les établissements scolaires Yawuz Selim depuis plusieurs années démontrent un enseignement de qualité pour des résultats scolaires probants et leurs élèves caracolent  en tête lors dans les divers examens et concours nationaux.

Quels sont les enjeux qui font que le Sénégal ne peut envoyer à la Turquie une fin de non-recevoir comme le Kenya, la Tanzanie ou encore le Nigéria ?

Le système éducatif sénégalais est à l’agonie. L’école publique subit chaque année les multiples grèves des enseignants souvent pour des raisons financières, les résultats aux examens nationaux sont alarmants et les relations du Gouvernement avec les syndicats d’enseignant laissent à désirer.  L’école publique sénégalaise ayant montré ces limites, aujourd’hui, les parents se tournent de plus en plus vers les structures privées. Le changement de direction au sein du groupe scolaire Yawuz Selim plonge ces derniers dans l’incertitude. Le désarroi de ces milliers de parents sénégalais qui voient l’avenir de leurs progénitures hypothéqué à l’autel de la diplomatie est inimaginable.

La question que le Sénégalais lambda se pose est la suivante :

Les établissements Yawuz Selim dispensaient ils leurs enseignements au nom de la Turquie ou au nom d’une entreprise d’enseignement  privée dont l’actionnaire principal est Turc ?

N’empêche ce transfert de propriété d’une structure privée à un tiers sans consentement est un précédent dangereux et un signal négatif que l’Etat du Sénégal lance aux investisseurs étrangers.

[1] http://www.mouvementhizmet.fr

[2] http://www.presidence.sn/actualites/entretien-avec-la-delegation-de-la-fondation-maarif-de-turquie_446

[3] Association Internationale pour le Développement et la Solidarité entre les Peuples AIDSP