Le jeudi 23 Mai 2019, dans l’affaire de faux billets de banque mettant en cause le chanteur Thione Seck et ses co-prèvenus, la 2e chambre du tribunal correctionnel de Dakar a annulé toute la procédure. Le juge Maguette Diop a fondé sa décision sur la non-application par l’officier de police judiciaire du règlement n° 05 de l’Uemoa du 25 septembre 2014, relativement aux nouvelles compétences de l’avocat. Cette disposition exige que les prévenus soient assistés d’un avocat dès les premières heures de l’interpellation. Ce qui, dans ce dossier, n’a pas été respecté par les enquêteurs.

A priori, ce verdict n’a rien d’anormal si ce n’est qu’il a soulevé un tollé d’indignation, d’incompréhension et de surprise. Non pas parce que le juge a tranché sur la forme et pas sur le fond, mais parce que le tribunal correctionnel a accordé à Thione Seck ce qu’il avait refusé à l’ancien Maire de Khalifa Ababacar Sall, quelques mois auparavant.

Dans le procès de l’affaire dite de la caisse d’avance de la Ville de Dakar, le tribunal de grande instance de Dakar où le même Maguette Diop siégé, en qualité d’assesseur au juge Malick Lamotte, avait refusé d’appliquer cette disposition à Khalifa Ababacar Sall et ses co-prévenus. Quand bien même les faits étaient irréfutables. Suffisant pour que politiques, droits de l’hommiste, et même juristes crient au scandale. 

Avec la décision rendue dans le procès Thione Seck, plusieurs questions taraudent l’esprit des sénégalais. Existerait-il une justice à deux vitesses au Sénégal ? Pourquoi cette application contradiction du règlement n°5 de l’UEMOA dans deux cas similaires ? L’affaire Khalifa Sall est-elle une cabale politique ?

Ce qui est constant, c’est que l’affaire Khalifa Ababacar Sall, menée au pas de charge, de l’enquête préliminaire au verdict de la Cour suprême en passant par l’instruction, le procès en première instance et celui en appel, livre ces petits secrets. D’après le bâtonnier de l’ordre des avocats du Sénégal, l’annulation du procès-verbal de police entraîne de facto l’annulation de toute la procédure. Si le droit n’a pas été dit dans l’affaire Khalifa Sall, c’est parce que, selon Me Mbaye Guèye, le ministre de la justice de l’époque, Me Sidiki Kaba et le procureur avaient décidé de faire fi de la loi et de ne pas appliquer la disposition communautaire au dossier de la caisse d’avance. À quelle fin ? Sans doute pour éliminer un adversaire politique de la course à la présidentielle finalement remportée par le président sortant, Macky Sall. Autant d’éléments qui conforte l’hypothèse du procès politique. Excédé par cette situation, Monsieur le Bâtonnier menace, si on le pousse à bout, de dévoiler le stratagème qui a été mis en place.

On se souvient, à l’époque, que malgré l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO qui épinglait l’Etat du Sénégal, le juge d’appel, Demba Kandji, décida d’annuler le procès verbal d’enquête de police sans annuler la procédure. Ce qui a été dénoncé par la plupart des techniciens du Droit. 

Ces deux affaires dénotent un malaise au sein de la justice et la décision rendue le jeudi 23 Mai 2019 par la 2e chambre du tribunal correctionnel de Dakar va faire office de jurisprudence. Naufrage de la justice ou pas, pour Khalifa Ababacar Sall, on est tenté de dire qu’après la justice des hommes qui l’a condamnée vient celle de Dieu. Et les masques commencent à tomber.