Par Ebenezer Immanuel Obeng-Akrofi

Le monde célèbre aujourd’hui la Journée internationale de la démocratie. La réflexion sur la démocratie devrait normalement s’accompagner d’un sentiment d’accomplissement, de progrès, de développement et de bien-être des nations. Cependant, la mention de la démocratie sur le continent est souvent associée à la corruption, à la cupidité, à l’abus de pouvoir politique et à tous les termes impropres que l’on peut imaginer.

Au fil des jours, nous observons de plus en plus de troubles publics sur le continent, principalement menés par de jeunes hommes et femmes. Leurs actions font écho aux sentiments internes et secrets que de nombreux individus vivant dans les nations africaines éprouvent à l’égard de leurs gouvernements. La détermination derrière ces protestations n’a rien de futile. Si tous ces gens sont dans les rues et s’expriment sur Internet, c’est pour exiger des conditions de vie décente à tous les niveaux. Le Nigeria, le Ghana et l’Afrique du Sud n’en sont que quelques exemples récents.

La plupart des dirigeants africains n’ont pas fait grand-chose pour que leur gouvernement vienne en aide à leur peuple, qui vit dans la pauvreté extrême, alors qu’eux-mêmes et leurs collaborateurs, vivent dans l’opulence. La pourriture descend clairement le long de la chaîne politique pour atteindre les responsables publics élus et nommés, à commencer par les partis politiques.

Ici, on nous dit que ceux qui financent les partis décident qui occupe quel poste public, mais sans tenir compte de leurs capacités. En définitive, ce sont eux qui déterminent indirectement la manière dont les problèmes de l’État sont traités et les actifs distribués. Les élections ne semblent ainsi n’avoir aucune utilité, principalement parce que les politiciens sont tous les mêmes. Bien que les partis politiques africains prônent des idéologies différentes et dévoilent des manifestes en faveur du bien-être, il est rare que les changements de gouvernement entraînent un changement dans la vie des citoyens.

La corruption prévaut dans toute la région. En outre, il est indéniable que les efforts de lutte contre la corruption échouent en raison de l’absence de dirigeants honnêtes et responsables. Dans le but de rester au pouvoir, beaucoup ont coopté les systèmes démocratiques, tels que la tenue d’élections régulières, ou inventent les règles au fil de l’eau.

Derrière tout cela se cache également une soif vorace d’argent et la reconnaissance du fait que le pouvoir peut apporter une richesse incommensurable. Dans ces situations, qui persistent dans de nombreuses nations du continent, l’État et les individus sont sacrifiés sur l’autel de la cupidité. Ceux qui ne craignent pas de s’exprimer sont chassés, au sens propre comme au sens figuré.

C’est un secret de polichinelle que chaque année, des milliards de dollars sont perdus dans des échanges illégaux réalisés sur le continent. Outre le fait que cela freine le progrès économique dans la région, cela nuit à la paix, à la sécurité et à la stabilité, surtout si l’on tient compte de la montée des activités extrémistes sur le continent. Des études montrent que la corruption facilite la diffusion de la philosophie extrémiste/radicale et a un fort potentiel d’incitation des jeunes à rejoindre ces groupes.

Bien que l’omniprésence et les conséquences de la corruption en Afrique aient été généralement exprimées, la lutte contre ce fléau est de toute évidence une ruse de courte durée. Les mesures anti-corruption sont principalement axées sur l’adoption de lois visant à combler les lacunes, le renforcement des institutions de lutte contre la corruption et l’habilitation des médias et de la population à s’opposer aux actes de corruption partout dans le monde.  Cependant, l’accomplissement de ces mesures repose sur le rôle crucial mais régulièrement ignoré d’un bon leadership.

Pour enrayer la corruption et ses effets néfastes, il faut des dirigeants enthousiastes, compétents et clairvoyants. Mais un tel leadership semble faire cruellement défaut sur le continent.

Nous sommes souvent prompts à réagir aux reportages occidentaux sur la mauvaise gouvernance sur le continent et à les critiquer, mais la réalité est que nos dirigeants n’ont pratiquement rien fait pour changer la donne. L’Afrique abrite des tyrans qui abusent de leur pouvoir ou permettent que des abus soient commis pendant qu’ils restent assis à regarder. Les nations sont gérées comme des entreprises familiales et les empires politiques sont créés et transmis comme le ferait un père en transmettant sa propriété familiale. En effet, la corruption continue de progresser alors que le leadership se détériore davantage en raison de la faiblesse des contrôles et des équilibres, de l’écrasement de la dissidence et du rejet des opinions alternatives.

Alors que les élections se poursuivent et que les dirigeants changent au gré des élections, on pourrait penser que les principes associés à la démocratie produisent des dirigeants visionnaires et efficaces, mais c’est rarement le cas en Afrique. Dans de nombreux cas, les politiques et les pratiques corrompues qui étaient condamnées par les dirigeants politiques de l’opposition deviennent tout à coup justes et raisonnables à leur accession au pouvoir.

En résumé, de nouveaux visages peuvent faire leur apparition au sein du gouvernement, mais le statu quo demeure. Pourquoi ?

Des lois obscures sur le financement des partis sont au cœur de la corruption et des problèmes de leadership en Afrique. Dans la plupart des pays, les partis dépendent du financement privé, émanant d’individus et d’associations. Et pourtant, les directives sur la divulgation des opérations monétaires font soit défaut, soit sont inutiles. Par conséquent, les personnes aisées, identifiées comme les financeurs des partis, exercent une influence considérable, à leur avantage certes, mais au détriment de l’État.  Par conséquent, même les dirigeants perçus comme dotés d’une forte volonté peuvent avoir du mal à résister aux pressions.

Ces exemples montrent à quel point les dirigeants africains peuvent être utilisés comme des marionnettes pour servir des intérêts particuliers et des financiers intéressés. Dans certains cas, les dirigeants sont incapables de faire face aux excès de leurs mécènes, ce qui conduit à l’impunité et à l’inconséquence.

La voie à suivre ? Des efforts conscients, ainsi que des mesures pratiques, doivent être entrepris en Afrique pour réglementer le financement des partis politiques et renforcer les institutions étatiques telles que les commissions électorales afin d’en assurer le respect. Tant que cela ne sera pas fait, la plupart des dirigeants du continent continueront à être captifs et contrôlés par des financiers puissants et bornés, et, le pillage des biens publics ne s’arrêtera pas.

Alors que nous célébrons cette journée, efforçons-nous tous de contribuer, à notre manière, à l’Afrique que nous voulons, en rejetant tous les actes de corruption. En effet, ce n’est que lorsque nous rendrons compte de nos actes que nous pourrons avoir un début de droit moral de demander des comptes à nos dirigeants.

Photo de couverture : Dossier/Mariam Sorelle