Je suis Camerounaise et je vis à Dakar au Sénégal. Je suis activiste. J’appartiens à la ligue des Africtivistes, la ligue des cyber activistes africains pour la démocratie. Lorsqu’on associe le mot démocratie au mot activisme, on pense immédiatement à l’opposition, au maquis et/ou au renversement d’un régime en place.
L’activiste que je suis dénonce et combat principalement l’incivisme, l’inaction du citoyen sous toutes ses formes et la culture de l’ignorance. Ces réalités participent grandement à la situation précaire de nos pays, qu’il s’agisse de gouvernance et de situation sociale ou économique. La démocratie étant la gouvernance du peuple par le peuple pour le peuple, l’inaction citoyenne doit être combattue autant que les dérives des dirigeants. L’activisme s’articule en réalité autour de trois actions : la dénonciation, la sensibilisation et l’information.
En matière de dénonciation, le régime en place est très souvent la première cible des activistes qu’on qualifierait de “politiques”. Les citoyens aiment bien lui tirer dessus et l’accuser de tous les maux. Ça leur donne l’illusion de n’avoir aucun tort et les conforte dans l’idée qu’ils ne sont en rien directement liés à l’état de la nation.
Je m’insurge contre la résignation des citoyens. “C’est le Cameroun, c’est normal” est notre refrain. Nous avons fait de l’anormal la norme à cause de sa reccurrence. Nous acceptons l’inacceptable parce que nous pensons ne pas pouvoir/devoir faire autrement. Nous le perpétuons en le répliquant au quotidien : à Rome, on fait comme les Romains.Je suis contre cette réplication. Je suis contre le fait d’agir comme nos dirigeants, mais de ne penser que c’est mal que lorsqu’ils sont en tort. Nous nous plaignons tous de leur soif de pouvoir et de son usage abusif, pourtant nous faisons de même. Combien de fois ai-je été malmenée par un portier juste parce qu’il a le pouvoir de me laisser entrer (ou pas) dans un bâtiment ? Combien de fois ai-je fait traîner les choses juste parce que j’avais le pouvoir de le faire ?
Je refuse le fait que nous riions des tares de notre société parce qu’en réalité, nous rions pour ne pas pleurer. Nous rions de la corruption, nous rions de l’anarchie qui règne. Nous rions de notre incivisme, de la saleté de nos villes, des mauvais résultats aux examens officiels. Nous rions du taux d’alcoolisme, de l’impolitesse de nos enfants. Ces éclats de rire font paraitre la chose joyeuse, ils nous donnent l’impression de nous en sortir malgré tout. La triste vérité est que nous nous enfonçons toujours plus dans des situations déplorables que nous favorisons.
Je suis contre l’auto-abrutissement et le refus de s’informer. Nous choisissons la boisson pour “noyer nos soucis”, noyant en même temps nos facultés de réflexion, d’auto-évaluation et de questionnement. Nous accueillons à bras ouverts tout ce qui peut nous détourner des questions d’ordre national. Le journal télévisé est aujourd’hui gênant, il interrompt le temps de diffusion des télénovélas. La vie d’un Ricardo et d’un Renaldo est bien plus importante que les nouvelles parfois très alarmantes du pays.
Je suis fatiguées des plaintes non éclairées et du rejet de toutes les fautes sur le gouvernement. Combien d’entre nous
ont pris la peine de se documenter sur le fonctionnement de la machine gouvernementale ? Combien ont pris la peine de lire les textes de base dont la Constitution du pays ? Qui est au courant de l’étendue et des limites réelles de l’action gouvernementale ?Nous réclamons tous à grand bruit le respect de nos droits, mais qui sait ses devoirs et responsabilités en tant que citoyen et, surtout, qui les remplit ? Les dirigeants ont de grands torts en ce qui concerne l’état actuel du pays, mais les nôtres sont bien plus grands encore. Ils sont une centaine à ne pas suivre les règles, nous sommes des millions à faire de même.
L’activisme n’est pas que réclamations et poings tapés sur les tables. C’est aussi la célébration des actions louables des citoyens. C’est la promotion d’une oeuvre sociale ou utile pour les masses, sa mise en lumière pour inspirer et encourager tous ceux qui veulent suivre cette voie ou qui pensent qu’elle est sans issue.
L’activisme c’est s’informer sur tout ce qui touche à la vie de la cité et informer sur ces questions. L’ignorance est la cause des plus grands maux. Elle est bien des fois involontaire : certains ne savent où chercher et que chercher. Ils ne savent parfois même pas qu’il est possible de rechercher des informations ou qu’elles sont accessibles à tous. Alors ils s’appuient sur les rumeurs qui circulent et des opinions erronées. Nous devons nous informer de ce qui se passe chez nous, mais aussi de ce qui se passe ailleurs pour soit en tirer des leçons, soit nous en inspirer.
L’activisme ne fait pas l’apologie de la violence ou de la mise en danger de vies humaines. C’est la promotion d’un combat dans lequel la plus belle des armes est maniée : le savoir. Il est impossible de s’égarer lorsqu’on sait où on va. Il est tout aussi impossible de se faire piétiner lorsqu’on sait le véritable pouvoir qui est constitutionnellement nôtre et la véritable puissance du citoyen dans la vie et la gestion d’un pays.
Photo : Le Figaro