En 2000,  le Professeur d’anthropologie à l’Université du Cap, Francis Nyamnjoh, a fait une observation sur les médias africains, lorsqu’il a écrit comme suit : « Même après la libéralisation des médias au cours des années 1990, une évaluation de la plupart des cadres juridiques en Afrique expose  un désir insatiable de maîtriser, ce qui laisse peu de doutes que les législateurs considèrent que les journalistes sont les agitateurs potentiels qu’il faut surveiller de près. »

Il a ajouté : « Par rapport aux nouvelles lois (en Afrique) Il y a une tendance d’accorder la liberté en principe tout en fournissant la réduction de la liberté d’expression en pratique, souvent par moyen des liens administratifs. Malgré le fait que c’est le plus prévalent en Afrique francophone, l’utilisation des mesures de reprise et de dérogation par l’état est assez répandue à travers le continent, afin de limiter le droit d’expression et la liberté de la presse.

J’ai réfléchi sur cette question par suite des hostilités récentes entre les institutions médiatiques au Malawi et le gouvernement du Malawi, dirigée par les deux organismes médiatiques principaux du pays, NAMISA et le Media Council of Malawi.De tenure privée pour la plupart, les médias s’opposent à la présence des responsables et des partisans des partis politiques aux conférences de presse présidentielles, parfois en grand nombre. Le rôle de ces membres du parti aux conférences de presse présidentielles n’est pas officiellement défini, mais ils raillent et intimident les journalistes qui posent des questions censés être difficiles, gênantes ou inconfortables. En effet, ils raillent les journalistes qui ne font que leur travail.

Le dernier d’un tel cas concernait la conférence de presse du Président Peter Mutharika qui avait lieu à la Présidence à Lilongwe, dans le but de mettre le pays au courant sur sa visite officielle à l’Assemblée générale des Nations Unies.

La conférence de presse débordait de tension à cause du séjour prolongé et inexpliqué du Président en Amérique, un développement qui avait déclenché des rumeurs et de la spéculation sur de sa santé. Pourtant, il importe de rappeler que de telles conférences de presse, ou « rassemblements de presse », comme dénommés par des autres, ne sont pas uniques au gouvernement de Mutharika. L’ancien Président Joyce Banda a tenu un « rassemblement de presse » similaire à son retour de l’étranger, lors de prévoir des questions difficiles posées par les médias par rapport aux révélations nouvelles à l’égard de « cashgate » en 2013. Avant Mme Banda, le feu Président, Bingu wa Mutharika, a tenu son propre « rassemblement de presse » après son retour des vacances à Hong Kong en 2011.

Donc il y a une tendance d’organiser ces « rassemblements de presse » quand les Présidents d’état essaient d’éviter les questions importunes – pour éviter la responsabilité. Malheureusement, face à une telle situation, il y a eu la tendance de rejeter le blâme et de présenter les journalistes en tant qu’agitateurs, comme a observé Nyamnjoh. Entretemps , ces « rassemblements de presse » ne visent pas seulement à intimider et à harceler les médias à la soumission ; en outre, c’est une façon de limiter la liberté d’expression , tandis que les cadres juridiques nationaux la permettent.

Noam Chomsky a fait une observation clé sur ces tactiques, en soutenant comme suit : « la meilleure façon de faire en sorte que les gens soient passifs et obéissants est de limiter strictement la gamme d’opinion acceptable, mais de permettre de débat très vif au sein de cette gamme. » La stratégie du gouvernement est de permettre aux journalistes d’assister à la conférence de presse dans l’esprit de la liberté de la presse, toutefois  en limitant tout ce qu’ils peuvent demander et dire.

Malheureusement, ce scénario a été mal lu par l’appareil étatique. Les médias locaux, antérieurement dociles tout au long des 30 ans de la dictature de Kamuzu Banda, et qui n’étaient autorisés que de produire des rapports sur ce qui était permis par les autorités au pouvoir,  ont maintenant surmonté ce cauchemar de Post-Kamuzu. Maintenant, ils ont rendu compte qu’ils se portent allégeance à leur patrie, et non pas à l’état, donc leur devoir principal est de demander la transparence et la responsabilité.

En l’état actuel des choses, il incombe au gouvernement de rendre compte également que les tactiques d’intimidation ne sont plus dominantes. Dans les sociétés ouvertes, au sein desquelles fonctionnent les idées, les contraintes sont futiles – c’est pour ça que le gouvernement a besoin des bons gens de relations publiques. Pour ceux qui veulent l’entendre, il serait évident que la genèse de l’impasse actuelle entre le gouvernement et les institutions médiatiques privées s’est produit à cause de la mauvaise communication de la part du gouvernement.

Il est bien évident que le gouvernement du Malawi n’est pas conscient des changements aux systèmes de communication, donc il lui est impossible d’y adapter. Depuis quelque temps, les retransmissions en direct, surtout la télévision, a changé vraiment les règles du jeu. Il se peut que l’appareil étatique n’en soit pas conscient mais la retransmission en direct est un élément clé pour l’agitation constante de l’équipe de communication présidentielle, relative aux conférences de presse, à partir de Bingu wa Mutharika et Joyce Banda jusqu’à Peter Mutharika.

Une conférence de presse en direct signifie que le grand public puisse décider de faire leur propre opinion pendant que le Président répond aux questions. Il n’est plus nécessaire d’attendre la présentation des informations par les institutions médiatiques. Dans ce cas, essentiellement, les médias ainsi que l’état perdent le contrôle des informations. Il est donc difficile de changer les perceptions de la population, même pour les institutions fortement partisanes et contrôlées par l’état, comme la Malawi Broadcasting Corporation.

Les chances sont contre l’état dans le cas où ils choisissent l’intimidation, ce qui semble être le cas actuellement. Au lieu d’intimider les journalistes et de maudire la liberté de la presse et la liberté d’expression, le gouvernement ferait bien de mettre en place les gens avec une bonne compréhension de l’environnement de communication, qui change de plus en plus. La maîtrise des communications ne signifie plus la mise en place d’une porte-parole qui crie le plus fort, elle signifie plutôt la compréhension des systèmes de communication, qui sont de plus en plus complexes. Le plus important c’est pour un gouvernement honnête, ouvert et transparent – dans ce cas il ne sera plus nécessaire de s’inquiéter sur les médias. Comme on dit, mieux vaut allumer une lampe que de maudire l’obscurité.