Arrêté le 28 janvier 2019 après les « marches blanches » qu’il a organisées pour protester contre lescandale de la CAN, le hold-up électoral et la crise anglophone qui perdure au Cameroun, Maurice Kamto est toujours emprisonné avec ses alliés et près de 200 autres personnes.

Le 28 janvier dernier, Maurice Kamto et ses alliés ont été arrêtés à Douala, suite à la manifestation organisée par son parti, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Baptisées, « les marches blanches », la manifestation qui s’est tenue dans plusieurs villes du pays en même temps dénonçait les détournements massifs liés à l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2019 initialement prévue au Cameroun en 2019 mais finalement attribuée à l’Égypte à cause du retard dans les constructions, mais aussi les massacres qui ont cours dans les régions anglophones. La manifestation avait également pour but de dénoncer les fraudes massives ayant conduit à la réélection du président sortant, Paul Biya avec 71% des voix.

Lors des manifestations du le 26 janvier, la police a fait un usage excessif de la force pour dissuader les manifestants, et plusieurs ont été arrêtés et blessés. Mais, deux jours après, et contre toute attente, Maurice Kamto est lui-même arrêté à Douala au domicile d’un de ses alliés, Albert Dzongang.

Depuis lors, l’affaire a pris une tournure inattendue avec l’entrée en scène de l’avocat français Éric Dupont-Moretti et d’autres juristes émérites, mais aussi et surtout avec la résolution adoptée par le parlement européen le 18 avril dernier et qui dans le point 2 « demande aux autorités camerounaises de libérer immédiatement Maurice Kamto et toutes les autres personnes détenues pour des chefs d’inculpation de nature politique, arrêtées avant et après l’élection présidentielle de 2018 ».

Si aujourd’hui la situation paraît compliquée pour le gouvernement camerounais qui semble avoir perdu l’appui de ses alliés d’hier (la Chine et les EtatsUnis en plus de l’Union Européenne qui est le premier partenaire économique du Cameroun depuis 1960), il n’en demeure pas moins vrai que, au moment des faits, l’arrestation de Maurice Kamto était la meilleure carte que le gouvernement Biya pouvait jouer.

Après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle qui l’ont donné 2ème avec 14% des voix, Maurice Kamto a lancé un plan national de résistance en plusieurs phrases qui prévoyait entre autres des marches pacifiques et des journées « villes et villages morts ». Si au départ l’enthousiasme des populations était plutôt timide quand au respect des directives données, avec le temps le parti et son leader ont gagné en sympathie.

Après les « marches blanches » lors desquelles le MRC a bravé l’interdiction de manifester délivrée par les autorités, le pouvoir de Yaoundé s’est trouvé confronté à un dilemme : fallait-il laisser Maurice Kamto libre de ses mouvements, et donner par la même occasion l’impression qu’il fait peur à ses adversaires politiques, ou alors fallait-il mener une action dissuasive en l’arrêtant ?

Des deux options, laisser Maurice Kamto libre semblait la plus périlleuse. Jusqu’ici, c’est la peur des représailles qui maintient la plupart des Camerounais chez eux et qui empêche que les mouvements de protestation prospèrent. Laisser Maurice Kamto libre aurait donné du courage aux population, qui, prenant l’assaut les rues, auraient pu anticiper le départ du président, ou tout au moins créer un autre foyer de tensiondans un pays qui est déjà au front dans 6 régions sur les 10 qui le composent.

En arrêtant le leader du MRC et ses alliés et en faisant planer sur eux la menace de condamnations lourdes devant le tribunal militaire, le gouvernement a réussi à calmer les ardeurs de potentiels manifestants, car malgré les adhésions massives au MRC qui ont suivi l’arrestation de son président, les marches prévues par la suite en février et avril ont finalement été reportées, voire annulées.

Le gouvernement, cependant, n’avait pas anticipé la riposte du MRC, notamment sur le plan juridique, encore moins l’entrée en scène d’autres protagonistes qui ont porté l’affaire au niveau international, conduisant entre autres à 159 plaintes individuelles déposées par Me Dupont-Moretti contre l’État du Cameroun auprès du groupe de détention arbitraire des Nations Unies, et la motion adoptée par le parlement européen qui en plus de la libération de Maurice Kamto et de toutes les personnes arrêtées avant et après le scrutin du 7 octobre 2018, exige que le code électoral et la loi anti-terroriste de 2014soient révisées et que les intimidations et arrestations arbitraires cessent, plaçant ainsi le gouvernement du Cameroun dans une situation délicate.