Entamé le 11 octobre 2021, le procès relatif à l’assassinat de l’ancien président du Burkina Faso, Thomas Sankara, apparaît comme une leçon de droit civil à l’endroit des gouvernants africains. Et si le Burkina Faso en était le précurseur…

Le Burkina Faso vit un procès inédit. Voire historique. Celui de son ancien chef d’État, Thomas Sankara, assassiné le 15 octobre 1987 en compagnie de douze(12) de ses hommes.  34 ans après ce bain de sang, quatorze(14) personnes dont le principal, l’ex-président du Faso, Blaise Compaoré, sont accusées. Même s’il n’a pas encore comparu, Compaoré apparaît comme l’instigateur de ce coup d’État sanglant. D’où les chefs d’accusation;  » complicité d’assassinat », « recel de cadavres » et  » attentat à la sûreté de l’état ».
Et l’épouse du défunt président du Faso, Mariam Sankara, ne s’en cache pas.  » C’est lui qui a profité de la situation.

On ne peut pas dire qu’il est innocent. Il devrait venir répondre devant la juridiction Burkinabé. Il faut que la culture de l’impunité et la violence politique qui sévit , dans certains pays africains, malgré la démocratie de façade, s’arrête définitivement. C’est ce que j’attends », s’est insurgé la compagne de Sankara, éliminé à 37 ans.

La thèse de Mariam Sankara est soutenue par un des témoins oculaires de l’assassinat de Thomas Sankara, Yamba Elysée Ilboudo, 62 ans, militaire à l’époque et chauffeur du commando qui a froidement abattu Sankara.  » Hyacinthe Kafando, alors chef de sécurité de Blaise Compaoré, m’a demandé de conduire un commando au Conseil de l’Entente. Je ne savais pas pourquoi. J’ai vu Thomas Sankara sortir de la salle après les premiers tirs pour demander ce qui se passe. Kafando et Maiga l’ont croisé. Ils ont alors tiré en désordre. Je ne sais plus qui des deux a tiré le premier sur lui.  Il est tombé sur les genoux avant de basculer sur le côté gauche. Je ne savais pas qu’on partait faire un coup d’État. Ils ont donc abattu froidement le président Thomas Sankara qui avait les mains en l’air ». Témoignage glacial. Qui donne des frissons même aux tueurs à gages.

Un coup d’État opéré avec une telle simplicité et facilité, à l’époque, que des zones d’ombre y sont détectées. Thomas Sankara jugé, en son temps, « trop indépendant » par la France de François Mitterrand. Et la Côte d’Ivoire d’Houphouet Boigny était alors la pièce maîtresse de Paris en Afrique de l’Ouest. Deux pays dont on voit les mains obscures dans cette tragédie. Autre indice, ce sont les forces spéciales françaises qui, en 2014, ont exfiltré Blaise Compaoré pour mettre en sécurité en Côte d’Ivoire suite au soulèvement populaire. Pays dont il a désormais la nationalité.

Autre fait notable, le juge d’instruction n’a pas eu assez d’éléments pour aborder l’implication supposée de la France. Les archives classifiées à cet effet, et promises par le chef de l’état actuel de la France, Emmanuel Macron, n’ont jamais été transmis au juge.

Qu’à cela ne tienne. Le procès suit son cours. Bien qu’à un rythme saccadé, il ira à sa fin. Et les sentences seront prononcées. Peu importe qui des 14 prévenus seront inculpés. Ce procès est simplement une leçon de droit à l’endroit des gouvernants africains. Il a juste débuté au Burkina pour l’Afrique de l’Ouest. Un signal fort pour que les impunités au sommet de n’importe quel état ne reste plus impunie.

 

Image : Larrybzh