Après près de deux ans de gouvernement de coalition avec son allié Joseph Kabila, le président Félix Tshisekedi déplore des blocages selon lui orchestrés par le camp de son prédécesseur et qui rendent difficile le fonctionnement des institutions. Dans un message à la nation dimanche 6 décembre 2020 à Kinshasa, le chef de l’État congolais a décidé de nommer un informateur pour identifier une nouvelle majorité parlementaire en vue de former un nouveau gouvernement capable d’appliquer sa vision. Il accuse la majorité actuelle proche de son prédécesseur Joseph Kabila de contrecarrer les actions du gouvernement et de bloquer la marche du pays.

Le discours du président Tshisekedi intervient après près d’un mois de consultations qu’il a initiées avec les forces vives de la RDC et toutes les couches de la population. Selon lui, les recommandations et les desideratas exprimés par la population à travers ces consultations sont formels : il faut mettre fin à la coalition FCC-Cach au pouvoir empêtrée dans d’interminables querelles intestines qui bloquent la marche de la République démocratique du Congo.

Félix Tshisekedi dit se soumettre aux conclusions de ces consultations et appelle les Congolais à l’union sacrée de la nation autour de lui pour un nouveau départ dans l’instauration d’un véritable État de droit. Une position catégoriquement rejetée par le camp de Joseph Kabila qui accuse le président de violer non seulement la Constitution, mais aussi l’accord de coalition conclu pour gouverner conjointement le pays.

La pomme de discorde entre Tshisekedi et Kabila

Aux élections présidentielle et législatives du 30 décembre 2018, Félix Tshisekedi est proclamé président élu de la République démocratique du Congo, tandis que le président sortant Joseph Kabila conserve la majorité au Parlement. En conséquence, les deux hommes signent un accord pour former un gouvernement de coalition comprenant d’une part les membres de la plateforme Cap pour le changement (Cach) de Félix Tshisekedi et le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila.

Au fil des jours, alors qu’ils sont majoritaires au gouvernement, les ministres pro-Kabila (dont le Premier ministre) font montre d’insubordination ouverte vis-à-vis du président Tshisekedi. Ils obéissent plus à leur autorité morale Kabila qu’au chef de l’État en fonction. Les exemples sont légion. Au Parlement, le FCC également majoritaire menace régulièrement de destituer Félix Tshisekedi. En octobre dernier, Jeanine Mabunda, présidente de l’Assemblée nationale et Alexis Thambwe Mwamba, président du Sénat, tous deux pro-Kabila, ont refusé de reconnaître les trois juges nommés par le chef de l’État à la Cour constitutionnelle. Ils ont même boycotté la cérémonie de leur prestation de serment.

Avant ces épisodes, le Parlement et le président de la République étaient déjà diamétralement opposés sur plusieurs questions d’intérêt national, entre autres l’entérinement par l’Assemblée nationale de la désignation très contestée d’un certain Ronsard Malonda comme président de la Commission électorale nationale indépendante. Conséquences : le pays est pris en otage par une coalition inerte et une crise institutionnelle grave et sans issue, alors que la population croupit dans une misère indescriptible. Et c’est donc pour sortir de ce chaos politique que Félix Tshisekedi a lancé ses consultations le mois dernier pour se chercher une nouvelle majorité parlementaire pouvant lui permettre de gouverner et d’appliquer sa vision politique.

Bientôt un nouveau Premier ministre

Le discours de Tshisekedi rebat les cartes politiques en RDC. Si l’informateur est nommé pour identifier une nouvelle majorité au Parlement, le gouvernement actuel dirigé par le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba est donc réputé démissionnaire et expédie les affaires courantes jusqu’à la nomination d’un nouveau Premier ministre.

Sur ce point, le chef de l’État congolais se montre encore plus ferme et menaçant. Selon lui, si une nouvelle majorité parlementaire ne se dégage pas, il va dissoudre le Parlement et réorganiser de nouvelles élections législatives.

Bref, Félix Tshisekedi essaie de démontrer qu’il n’est pas un président marionnette de Kabila comme le pensait l’opinion. Pour l’instant, une grande partie de la classe politique congolaise se dit satisfaite des décisions prises par le chef de l’État. Mais dans le camp de Joseph Kabila, beaucoup qualifient le discours de Félix Tshisekedi de non événement.