C’est un fait rare en République démocratique du Congo. Un gouvernement qui tombe suite à une motion de censure. Aujourd’hui, c’est le cas : le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba a été destitué par la Chambre basse du Parlement congolais. On lui reproche la mauvaise gestion du pays.

Tout est parti d’une forte crise entre le président Félix Tshisekedi, le gouvernement de la République et le bureau de l’Assemblée nationale. Les divergences étaient devenues insurmontables entre ces trois institutions, bloquant le bon fonctionnement de l’État. Conséquence : les députés pro-Tshisekedi ont dû procéder par des motions de défiance pour désamorcer la crise.

Des motions de défiance en série

La première motion a fait tomber le bureau de l’Assemblée nationale que dirigeait la députée pro-Kabila, Jeanine Mabunda. C’était le 10 décembre dernier. Depuis, le Premier ministre, lui aussi un proche de Joseph Kabila, a perdu la majorité à la Chambre basse du Parlement. Sa déchéance n’était plus qu’une question de quelques jours. Des voix se sont élevées depuis décembre, demandant au Premier ministre de tirer toutes les conséquences et de démissionner de lui-même pour éviter l’humiliation, mais il a fait la sourde oreille.

Dans un premier temps, alors qu’il avait déjà été notifié d’une motion de censure signée par 301 députés et qu’il devait se présenter à l’hémicycle pour se défendre le mardi 26 janvier, le Premier ministre a improvisé un voyage de Kinshasa vers Lubumbashi. Il n’y avait pourtant aucune nécessité pour un tel voyage. À Lubumbashi, il a rencontré l’autorité morale de son parti, l’ancien président Joseph Kabila.

Attendu à l’hémicycle le 26, Sylvestre Ilunga ne s’est pas présenté. Il a préféré prolonger son séjour à Lubumbashi. Un délai de grâce de 24 heures lui a été accordée pour venir répondre à la plénière, mais encore une fois il a refusé de venir à l’Assemblée nationale. Un acte interprété comme un outrage à la Chambre basse. L’inévitable est arrivé le mercredi 27 janvier 2021. La motion de censure contre Sylvestre Ilunga a été votée en son absence, à une écrasante majorité de 367 députés sur 500.

Le Premier ministre refuse de démissionner

Après cette destitution, son regroupement politique Front commun pour le Congo de Joseph Kabila engage un bras de fer en déclarant que le Premier ministre ne démissionnera pas. Il avance comme argument le fait que la motion ait été traitée par le bureau provisoire de l’Assemblée nationale en lieu et place du bureau définitif. « Ce qui s’est passé n’est que du théâtre. Le Premier ministre ne démissionnera pas », a martelé plusieurs fois Didi Manara, président du groupe parlementaire PPRD, le parti de Kabila à l’Assemblée nationale. Il estime qu’il y a eu plusieurs violations de la Constitution et du règlement intérieur de l’hémicycle.

Or, en refusant de démissionner, le Premier ministre s’exposait automatiquement à des poursuites judiciaires. Il sait qu’il n’avait aucune chance de s’en sortir face à une majorité de députés hostiles à son gouvernement.  Mais Sylvestre Ilunga est finalement revenu aux meilleurs sentiments, il a remis sa démission au président Félix Tshisekedi le vendredi 29 janvier, dans le délai fixé par la Constitution congolaise. Du coup, plus de peur que de mal. Les Congolais attendent désormais la nomination d’un nouveau Premier ministre par le chef de l’État.

La destitution du Premier ministre signe donc une troisième défaite de l’ancien président Joseph Kabila face à son adversaire Félix Tshisekedi. En moins de six mois, Kabila a perdu tour à tour le contrôle de la Cour constitutionnelle, de l’Assemblée nationale et aujourd’hui du gouvernement dont ses proches étaient majoritaires. Le président Tshisekedi a désormais les mains libres pour former le gouvernement et appliquer sa vision politique, sans être contrecarré par les pro-Kabila.