Le Zimbabwe doit organiser ses élections harmonisées en 2023 afin d’élire les dirigeants du pays qui dirigeront ses affaires pour les cinq prochaines années, jusqu’en 2028. Un appel aux urnes qui interviendra alors que les élections contestées de 2018 sont toujours en mémoire, le principal parti d’opposition, l’Alliance du Mouvement pour le changement démocratique de l’époque, dirigée par Nelson Chamisa, ayant affirmé que le vote avait été massivement truqué par la ZANU PF, le parti au pouvoir. Les élections de 2018 avaient été organisées à peine sept mois après le coup d’État militaire au cours duquel Robert Mugabe avait été destitué.

Passer de Robert Mugabe à Emmerson Mnangagwa n’a en rien modifié le terrain de jeu électoral, qui a continué à pencher en faveur de la ZANU PF. Il va sans dire que le fait que le Zimbabwe organise des élections juste après un coup d’État militaire sans s’attaquer aux principes fondamentaux qui régissent la conduite même des élections n’était pas très stratégique. L’armée était déjà profondément enracinée dans l’État, des membres clés de l’armée occupant des postes stratégiques au sein de tous les services publics, y compris au sein du système judiciaire et notamment au sein de la Commission électorale du Zimbabwe (ZEC), le soi-disant organe électoral indépendant du pays chargé d’organiser les élections au Zimbabwe.

Après l’adoption de sa nouvelle constitution en 2013, les conditions de la démocratisation du Zimbabwe avaient semblé s’améliorer, et l’État semblait faire preuve d’un certain niveau de tolérance. Les conditions de la réforme n’étaient cependant pas durables, l’État insistant pour aligner la nouvelle constitution sur des textes de loi existants trop conservateurs. La situation s’est aggravée et la répression autoritaire s’est accentuée quelques mois après le coup d’État et après les élections de 2018, et depuis, les choses ne se sont pas améliorées.

Des élections contestées

Les résultats des élections au Zimbabwe, du moins depuis la montée d’une opposition sérieuse, ont suscité des sentiments mitigés. La plupart des missions d’observation africaines, notamment celles de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de l’Union africaine (UA), ont déclaré que le résultat était crédible, contrairement aux conclusions des missions d’observation extérieures au continent, notamment de l’Union européenne (UE).

En 2008, il avait fallu un mois entier à la Commission électorale du Zimbabwe (ZEC) pour annoncer les résultats des élections présidentielles, alors qu’il était apparu que le candidat de l’opposition Morgan Tsvangirai en était sorti vainqueur. En 2018, les résultats ont également été contestés par l’Alliance MDC, Mnangagwa remportant les élections avec 50,8 % des voix contre 44,3 % pour Chamisa.

Le différend a été porté devant les tribunaux, le chef de l’Alliance MDC, M. Chamisa, ayant saisi la Cour constitutionnelle en vue de contester le résultat des élections mais sans succès, puisque la Cour a déclaré Emmerson Mnangagwa vainqueur.

Nombre de Zimbabwéens se sont interrogés sur la crédibilité de ces élections particulières, et sans réformes électorales dignes de ce nom, les élections resteront de simples rituels au Zimbabwe ne permettant pas le transfert du pouvoir.

Qu’est-ce qui a changé ?

Alors que le pays se prépare aux élections partielles qui se tiendront en mars de cette année, puis aux élections harmonisées de 2023, les questions que nous devons nous poser sont très difficiles : avons-nous tiré des leçons de l’histoire des votes volés ou truqués au Zimbabwe ? Les partis politiques font d’ores et déjà campagne pour participer aux élections, sans grande pression en faveur des réformes électorales. On aurait pourtant pu s’imaginer que la demande de réformes électorales devrait être un élément non négociable et une condition préalable à la participation.

La confirmation de la participation du principal parti politique d’opposition, rebaptisé Alliance du Mouvement pour le changement démocratique à une nouvelle formation politique, la Coalition des citoyens pour le changement, soulève de nombreuses questions. Depuis les élections de 2018, l’Alliance MDC a envoyé des signaux et fait des déclarations révélant qu’elle ne participerait pas aux futures élections en l’absence de réformes électorales. La participation du mouvement aux prochaines élections partielles alors qu’une aucune réforme significative n’a été entamé constitue cependant une source d’inquiétude. Fadzayi Mahere, la porte-parole du parti, n’a pas su convaincre quant à la demande de réformes électorales du parti.

Répondant aux questions des journalistes l’interrogeant sur le motif de la participation du parti à ces élections sans que des réformes n’aient été mise en œuvre, elle a fait la déclaration suivante : « Le parti est prêt pour les élections partielles, mais pour résoudre la crise de gouvernance qui frappe le Zimbabwe, il est nécessaire de mettre en œuvre des réformes électorales qui ne sont pas négociables. Nos lois électorales doivent s’aligner sur la Constitution et le secrétariat de la Commission électorale du Zimbabwe, qui est partisan et militarisé, doit être dissout dans son intégralité ». Quatre années se sont écoulées depuis les dernières élections sans qu’aucune réforme significative n’ait été entreprise, et cela jette un doute sur la crédibilité des élections ; il semblerait que nous prenions la voie d’un autre conflit électoral, car la méthode est restée la même.

Déjà, plusieurs acteurs, dont les partis d’opposition et la société civile, ont tiré la sonnette d’alarme quant à l’inégalité du terrain de jeu un an avant les élections. Les propositions visant à introduire des textes législatifs draconiens tels que la loi sur les organisations privées bénévoles (PVO Act) et le Patriotic Bill réduisent l’espace démocratique existant. Les textes législatifs proposés ont pour effet de créer les conditions d’une dictature.

Réformer ou périr ?

En dernière analyse, les principes de base de la démocratie incluent donc le droit de voter, d’appartenance au parti de son choix et les libertés d’expression, de mouvement et d’association. Il convient de noter que la tenue régulière d’élections libres et justes est un ingrédient indispensable d’un système démocratique. En définitive, le Zimbabwe a besoin d’un dialogue inclusif et d’un large consensus sur la conduite du processus électoral afin de garantir la légitimité et la crédibilité des élections.

Le défi immédiat en matière de gouvernance démocratique dans le pays est la création d’un « environnement favorable » donnant lieu à un climat de confiance dans lequel la réforme peut avoir lieu. Nous avons vu comment le parti au pouvoir a modifié la constitution bon gré mal gré, en bloquant le réalignement des lois, et comment la crédibilité du processus électoral a diminué. Une telle confiance ne peut être développée et entretenue alors que des lois répressives sont introduites.

Un pilier important de la gouvernance démocratique sera un système électoral réformé. Le Zimbabwe a besoin d’un dialogue inclusif et d’un large consensus sur la conduite du processus électoral afin de garantir la légitimité et la crédibilité des élections. Il est donc d’autant plus nécessaire de procéder à une telle réforme qui rendrait le système transparent, juste et indépendant de toute pression politique.

 

Auteur : Paidamoyo Muzulu

Crédit photo : Jerome Starkey