La dernière rencontre entre le chef de l’état, Alassane Ouattara, et ses deux prédécesseurs, Henri Konan, Laurent Gbagbo, était esthétiquement belle. Mais dans le fond, que tirent la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens, en termes de gains, de ce conciliabule du 14 juillet 2022 au palais de la présidence au plateau ?  Interrogation majeure.

Ils font et défont l’actualité et la vie politique ivoirienne depuis plus de trois décennies. La Côte d’Ivoire et les Ivoiriens sont comme soumis à leur diktat politique. De leurs volontés dépend, malheureusement, l’avenir du pays, jadis paisible, à eux laissé en héritage, par Félix Houphouet-Boigny, premier président de la nation ivoirienne.

Alassane Ouattara, Henri Konan Bedié, Laurent, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, en dépit de leurs âges avancés, tiennent le cordon ombilical de la politique de leur pays. Leur dénominateur commun est la gouvernance de la Côte d’Ivoire. Henri Konan Bedié (1993-1999), Laurent Gbagbo (2000-2011), et Alassane Ouattara qui dirige le pays depuis 2011. 

Chacun des trois sait sur quoi repose la Côte d’Ivoire en termes de potentialités économiques, structurelles, culturelles et socio-culturelles. Quand un pays détient à lui tout seul 40% du quotient économique de l’union économique des États de l’Afrique de l’Ouest(EMOA), c’est qu’il pèse dans le rayon de l’Afrique subsaharienne. Tous les trois savent que diriger la Côte d’Ivoire est un énorme privilège qui ne s’obtient pas au coin de la rue.

Adversaires, alliés, amis…

La rencontre du 14 juillet 2022, au Palais de la présidence à Abidjan, entre le président de la République, Alassane Ouattara, et ses deux prédécesseurs, Henri Konan Bedié et Laurent Gbagbo, n’est pas le premier ni le dernier du genre dans leur différent parcours politique.

Déjà en 1995-1996, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo formaient le bloc du front républicain contre la gestion politique d’Henri Konan Bedié, alors au pouvoir. Ensuite, ce fut au tour de Bedié et Alassane de dresser une coalition, à travers le Rhdp, contre Laurent Gbagbo pour dénoncer les travers du pouvoir que ce dernier gérait par l’entremise de son parti politique, le Front Populaire ivoirien (FPI). 

Aujourd’hui, comment vont-ils baptiser la nouvelle tripartite dans laquelle ils sont désormais ? Eux qui ont déjà été alliés, adversaires et maintenant « amis ». Grosse interrogation. 

Qu’à cela ne tienne. Leur rencontre, du 14 juillet 2022, qualifiée d’historique par certains et d’inconséquent pour d’autres, s’est tenue. Et la Côte d’Ivoire est restée la même. Elle n’en a pas changé d’un iota. En voici le communiqué final lu par l’ancien président, Laurent Gbagbo.

 » La rencontre de ce jour a été une rencontre de retrouvailles pour renouer le contact et échanger, dans la vérité, sur toutes les grandes questions de l’heure. Le président de la République et ses hôtes ont exprimé leur volonté de faire de cette première rencontre, le levin de la décrispation du climat socio-politique en Côte d’Ivoire. Le président de la République a salué la spontanéité de la réponse réservée à son invitation. Les présidents Henri Konan Bedié et Laurent Gbagbo ont exprimé leur reconnaissance au président, Alassane Ouattara pour son accueil fraternel ».

Pour le chef de l’état, cette rencontre dite extraordinaire, est plutôt ordinaire. Et il la veut régulière à l’avenir.  » Chaque fois que mes prédécesseurs auront le temps de reprendre ces échanges, je leur ferai appel. Pour recueillir leurs avis et recommandations. Je trouve que c’est une très bonne chose que de les écouter. Recueillir leurs expériences et leurs connaissances du pays », a commenté le premier citoyen ivoirien.

C’est clair. Voir ces trois décideurs politiques assis à la même table et échanger dans la cordialité, est déjà un signe satisfaisant. Un pas essentiel de décrispation du climat socio-politique ivoirien. Même si aucune mesure concrète touchant la vie sociale des Ivoiriens et Ivoiriennes n’en est sortie.

Toutes les crises qui ont émaillé la vie politique en Côte d’Ivoire ont toujours porté sur le processus électoral définissant toutes les élections ; qu’elles soient municipales, législatives ou présidentielles. Les listings électoraux, les cartes nationales d’identité (CNI) et le mode d’attribution. Et surtout, ces trois seront-ils candidats en 2025 pour les élections présidentielles ? Où laisseront-ils la place à la jeune génération ? La question reste entière. Même si elle reste soluble d’ici à 2025.

L’autre aspect qui polarise l’attention des Ivoiriens, c’est la cherté de la vie. Les Ivoiriens assistent, impuissants, à la montée fulgurante de tous les prix des denrées alimentaires. Des ponts à péage poussent un peu partout à travers le pays. Voici les questions essentielles que les Ivoiriens voulaient que des rencontres de ce genre puissent résoudre en partie. Ça n’a pas été le cas.

Si les trois dépositaires de la politique ivoirienne doivent se rencontrer pour des raisons et questions « exotiques », les Ivoiriens ne sont nullement preneurs. À ça sert que les décideurs de la vie politique se rencontrent si ces retrouvailles ne peuvent influer positivement sur la vie des peuples et populations ivoiriens ?

 

Maria De Dieu

 

Crédit Photo : Nadi Jessica (photo d’illustration – Laurent Gbagbo à son arrivée à Abidjan, le 17 juin 2021.)