Quand une crise au Niger, si loin des frontières européennes, préoccupe tant l’état français et cristallise l’attention du peuple français lui-même. À quoi répond cet état de fait ? Regards sur une étrange attitude de la 7ème puissance mondiale sur l’avant-dernier pays le plus pauvre au monde.

Comment un coup d’Etat perpétré dans la Sahel en Afrique de l’ouest, au Niger, fut-il anti démocratique, peut-il provoquer l’hystérie de la France, la grande France ?

Paradoxe, au moment où la France et une infâme partie de la CEDEAO crient au putsch anti démocratique, l’écrasante majorité de la population nigérienne, qui devrait s’en offusquer et crier sa peur noire, exulte et salue ce coup de force. Mais comment et pourquoi un coup d’état peut-il être fêté de l’intérieur et décrié de l’extérieur par un pays européen, la France, et quelques pays de l’Afrique de l’ouest dont fait partie le Niger ?

Des circonstances de la crise au Niger

Élu président de la République du Niger en 2021, Mohamed Bazoum est renversé, sans coup férir et sans effusion de sang, le 26 juillet 2023, par une junte militaire dirigée par le général Abdoudrahamane Tchin-tchin. Raison de ce bouleversement au sommet de l’état nigérien, la duplicité, cupidité et la position obscure de l’ancien président, Bazoum, vis-à-vis de sa propre armée selon les nouvelles autorités. Dans une interview accordée à un média occidental, Mohamed Bazoum a affirmé que les terroristes étaient plus aguerris et plus armés que l’armée nigerienne dont il est le chef. Une position de leur chef que l’armée nigerienne a difficilement avalé non sans la lui faire savoir.

L’acte du chef de l’état nigérien qui a débordé le vase, irrité les militaires et qui a valu sa chute a été le fait de libérer, à plus d’une reprise, des terroristes qui ont tué des soldats de l’armée nigérienne. Ça, l’état-major nigérien ne l’a pas digéré et sa réaction ne s’est pas faite attendre. La chute de Bazoum est donc strictement liée à la sécurité des populations, leurs frustrations, la famine qu’elles subissent selon le raisonnement et arguments des militaires au pouvoir.

De la position de la CEDEAO

Depuis les premières heures du coup d’état militaire au Niger, la position de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest(CEDEAO) n’a pas changé dun iota. L’institution sous-regionale est rigide sur sa position pour dire qu’il faut que les militaires restituent l’ordre constitutionnel en libérant d’abord Mohamed Bazoum avant de lui rendre le pouvoir par la suite. Injonction que les nouveaux hommes forts de Niamey, amenés par le général Abdoudrahamane Tchiani, ne sont pas près de respecter. Eux qui ont déjà formé un nouveau gouvernement malgré les sanctions tout azimuts de la CEDEAO. Seulement voilà. L’organisation sous-régionale n’écarte pas l’usage de la force pour réinstaller l’ex-presidentBazoum, et surtout se faire respecter dans l’immédiat et dans l’avenir par ses membres.

Colère et indignation de la France

Ce n’est un secret pour personne. Le Niger est une « ancienne » colonie de la France. Est-ce suffisant pour que la 7ème puissance mondiale puisse autant s’agripper à ce si faible pays à l’échelle mondiale ? Le premier citoyen français, Emmanuel Macron, ne passe pas par quatre-chemins pour expliquer pourquoi la France refuse de quitter le Niger après l’ultimatum reçu par les nouveaux dirigeants nigériens. Et malgré qu’elle a suspendu toutes ses aides au développement et d’appui au Niger, l’équivalent de 120 millions d’euros.

 » La France n’a plus de pré-carré ni des amitiés en Afrique. Elle y a des intérêts à défendre. Quand on parle de l’Afrique, il faut le dire clairement. On ne va pas faire le bien commun. On ne va pas chez vous pour faire le bien à votre place si vous ne savez pas ce qui est bien pour vous, non. Qu’on ne prenne pas les gens pour des imbéciles ».

Tout est dit. Clairement et explicitement dit. La France ne refuse pas de faire partir ses troupes militaires parce qu’elle aime trop ce pauvre pays ou qu’elle a de l’empathie pour le président déchu, Mohamed Bazoum. Non.  Elle insiste pour demeurer au Niger parce qu’elle veut y maintenir ses bases militaires pour protéger ses intérêts vitaux, dont l’uranium en prime. Mine de rien, ce insignifiant pays est le 7ème producteur mondial de l’uranium et premier fournisseur de la France et l’union européenne( UE). Voici plus de cinq décennies que la France y est installée et exploite à quasiment zéro frais l’uranium du Niger. Puisque les accords de coopération passés entre les deux pays n’arrangent que la France. Et pas que…

Le gaz en provenance de l’Afrique vers l’Europe passe par le Niger. En raison de la conjoncture mondiale amplifiée par la guerre en Ukraine, la France tient à contrôler ce transsaharien, indispensable à l’apport en gaz dont dépendent les foyers et plusieurs entreprises français. D’où la décision de la France d’user de la force pour obtenir la libération et la réinstallation de Bazoum dans son fauteuil de président. Lui qui protège mieux les intérêts de la France. Guerre que la France est prête à faire en déstabilisant, par ricochet, le Burkina, le Mali qui ont décidé d’aider le Niger en cas d’agression extérieure. Cela, à travers l’opération  » Phénix  » dévoilé par les internautes.

La France, va-t-elle effectivement franchir le rubicon ? Les semaines à venir nous le diront.

 

Maria De Dieu