Suite à l’expiration de la résolution 2640 (2022) mandant la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), les autorités de la transition soutenues par certaines organisations de la société civile demandent le retrait sans délai de la mission. Une demande approuvée par le conseil de sécurité de l’ONU ce vendredi 30 juin 2023 qui ordonne son retrait d’ici le 31 décembre 2023.

Les raisons du divorce

Le torchon brûle entre le gouvernement de la transition et la MINUSMA depuis la parution des rapports de la MINUSMA alertant sur la progression des groupes terroristes mais aussi des enquêtes justifiant des exactions commises par les forces armées maliennes. Le dernier en date était celui sur les événements de Moura, une zone qui était sous contrôle des djihadistes de la Katiba Macina et où l’ONU accuse l’armée d’avoir exécuté 500 personnes en 2022.

Des arguments pris pour des contres vérités et contestés par les autorités à travers un communiqué lu à la télévision nationale par le colonel Abdoulaye Maiga accusant les Nations Unies de « complot militaire ». Ainsi les autorités ouvrent une enquête pour espionnage car selon toujours le communiqué le gouvernement affirme avoir appris que des satellites ont été utilisées au-dessus de Moura pour la prise d’images sans y être autorisé par les autorités.

Toujours dans l’établissement des faits, il a été cité la présence des alliés étrangers ayant contribué à l’intervention :  notamment les forces paramilitaires russes du groupe Wagner. Affirmation qui déroge à la droite ligne de la transition à savoir le « choix stratégiques des partenaires du Mali ».

Faut-il s’inquiéter ?

Après dix ans d’existence au Mali, la Minusma, c’est environ 4 000 employés civils, plus de 100 bâtiments publics rénovés, 1 000 projets à impacts rapides. Au 30 juin 2023, le personnel déployé au Mali est : 11 676 militaires, 1 588 policiers, 1 792 civils (859 nationaux – 754 internationaux, 179 Volontaires des Nations Unies), 174 Perte en vie humaine. Son départ n’est pas sans conséquences sur la vie de la nation selon plusieurs personnes interrogées sur la question.

Principale garante de l’accord de paix signé avec les mouvements armés en 2015 à Alger, le départ de la mission onusienne peut entacher la mise en œuvre et le respect du processus de réalisation de cet accord conformément aux engagements des parties signataires à savoir la coordination des mouvements de l’Azaouad (CMA)et le gouvernement du Mali.

Déjà que les deux parties ont commencé à se tirer la corde autour du projet de constitution qui selon les anciens rebelles « ne prend pas en compte les dispositions de l’accord d’Alger. » Une source de tension qui peut rallumer la flamme de la rébellion touareg de Kidal et accentuer l’insécurité dans les zones les plus reculées du pays qui depuis un certain temps vivent des assistances humanitaires de la mission onusienne et de ces partenaires.

« Le Mali est un pays où le chômage des jeunes monte à une vitesse de croisière, et les opportunités offertes par la Minusma ont beaucoup servi à faire chuter le taux de chômage, cette décision de retrait va littéralement supprimer des centaines d’emplois et aurait des graves répercussions sur l’économie et le pouvoir d’achat des certains maliens », selon Amar Ben, membre de la plateforme des jeunes de Tombouctou Taoudenit pour le maintien de la Minusma.

Plusieurs bureaux d’études et ONG nationales seront contraints de mettre la clé sous la porte car partenaires de mise en œuvre des projets de la mission, ils se verront couper marchés et subventions qui maintenaient la survie de leurs structures. En ce qui concerne le personnel civil, le désespoir emporte plusieurs d’entre eux : « nous serons comme ceux qui travaillaient pour Barkhane, plus de travail, aucun soutien ! » s’exclame Boubacar Touré, Agent de sécurité au camp de la Minusma Tombouctou.

Toutes fois il convient de rappeler la déclaration du ministre des affaires étrangères Abdoulaye Diop devant les membres du conseil « Le réalisme impose le constat de l’échec de la Minusma dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire. » Une décision soutenue par plusieurs citoyens maliens qui espèrent une gestion autonome du Mali par les Maliens. En attendant une proposition concrète et sérieuse des autorités pouvant adoucir les inquiétudes des Maliens face à cette décision saluée par les uns et critiquée par les autres.

Albakaye B Cissé

Photo : AMISOM/Iwaria