Elle a duré six bons mois. L’affaire des 49 soldats ivoiriens emprisonnés au Mali a fini par trouver un dénouement heureux. Leçons d’une affaire diplomatico-militaire. Et d’une libération controversée.

La Côte d’Ivoire et le Mali étaient au bord de l’affrontement dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire des « 49 soldats » qui les a opposés six mois durant. Que de péripéties. Défenses. Accusations fondées ou infondées, c’est selon. Tout y est passé. Et les esprits s’en étaient vu se chauffer. De parts et d’autres. Mais au final, la diplomatie a triomphé. Pour le bon voisinage et la fraternité sous-régionale.

Les faits…

Interpellés puis mis aux arrêts le 20 juillet 2022 à l’aéroport international Modibo Keita de Bamako, les 49 soldats ivoiriens ont été condamnés à 20 ans de réclusion criminelle le 30 décembre 2022. Les faits à eux reprochés par l’état malien et rapportés sous décret présidentiel étaient sans équivoque :  » Crimes d’attentats et de complots contre le gouvernement, atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, détention, port et transport d’armes et munitions de guerre ».

Des faits, qui ont valu à ces soldats censés être en mission pour l’ONU dans le cadre des opérations de soutien logistique à la Minusma, une inculpation en août 2022.

Il n’en fallait pas plus pour soulever le courroux du pouvoir ivoirien qui a soutenu mordicus que ses soldats étaient en mission régulière, la 6ème du genre de surcroît. Et non pas des mercenaires comme n’a cessé de le clamer, haut et fort, son homologue malien.

Il s’en suit un ballet diplomatique sans nom. Six bons mois durant où le Mali était le « centre d’intérêt du monde ». Médiations, interventions, voire pressions, tout y est passé. Les médiations sous régionales, la CEDEAO, l’ONU, rien n’a pu faire plier ni fléchir le chef de l’état malien et son gouvernement. Ils sont restés droits dans leurs bottes, de la captation à la libération en passant par l’incarcération des 49 soldats.

…. Et les frais

Les premières personnes à faire les frais de cette rocambolesque affaire ont été, naturellement, les membres des familles des militaires. Ils ont pleuré, paniqué, douté, avant le grand soulagement, le jour ultime de la « fatale » libération.

Si les familles, au plan social et émotionnel ont vécu dans le stress, les peurs de leurs vies, le pouvoir d’Abidjan, au plan diplomatique et surtout au niveau de son image, ne s’en est parti sorti indem. C’est un fait. Le pouvoir de la lagune Ebrié a balbutié voire trébuché dans l’affaire par moments. Il a traversé une grosse zone de turbulence. Il a même douté de ses propres compétences et capacités diplomatiques quelques fois. Tant « l’adversaire », en face était téméraire. Serein. Et imperturbable. Implacable.

La leçon…

Assimi Goitta, le militaire-président malien a montré et démontré, le temps de cette affaire, que les donnes ont changé. Et très bien changé. Que l’époque « des pères des nations » est révolue. Depuis des lustres déjà. Il a prouvé et fait savoir à Alassane Ouattara que l’ère de la Côte d’Ivoire d’Houphouet-Boigny est révolu. Ce temps, où l’influence de la Côte d’Ivoire mettait les autres pays de la sous-région sous pli, est derrière. Le premier président ivoirien avait un tel pouvoir qu’il pouvait faire ou défaire un homologue au sud du Sahara quand il le voulait. Sans coup férir. Il en avait non seulement les moyens financiers, mais avait l’appui diplomatique, militaire et logistique de la France dont dépend exclusivement la zone subsaharienne.

Depuis son arrivée en 2011 à la tête de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara croit avoir hérité de tous les héritages et privilèges d’Houphouet-Boigny, dont le pouvoir et la capacité de régner en maître absolu sur les autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Au travers de cette affaire des « 49 soldats » écroués au Mali, le président malien, Assimi Goitta, a quelque peu montrer à son homologue ivoirien que les temps ont non seulement changé, mais évolué. Beaucoup évolué. Même les menaces de la CEDEAO n’ont jamais fait trembler, outre mesure, le premier citoyen malien et son équipe gouvernementale. L’ONU qui s’est également invitée à la table de cette affaire n’a pas plus eu d’attention de la part du Mali.

L’autre constat est que les pays africains ne valent que par le soutien des forces étrangères. Le Mali n’aurait pas l’appui logistique, militaire et diplomatique de la Russie qu’il aurait été broyé aux premières heures de cette crise.

 

Maria de Dieu