Elle les exclut. Tout simplement.

J’ai assisté hier à une discussion des plus intéressantes. Elle portait sur les menstrues. Il s’agissait pour les personnes invitées de partager leur expérience, leur avis, leur ressenti et surtout leur rapport avec ce phénomène purement féminin. J’ai rarement pris autant de plaisir à suivre une discussion à laquelle je ne participais pas. Il m’était interdit d’y participer en réalité. Elle n’était réservée qu’aux hommes.

J’y suis allée par curiosité. Pourquoi des hommes étaient-ils invités à parler de choses qui ne les concerne pas, de choses qui nous appartiennent, que seules nous, les femmes, pouvons comprendre ? La vérité est que j’y suis allée principalement parce que la discussion a été organisée par une femme, Seynabou Sy NDIAYE. Elle aurait été organisée par un homme que je ne me serais pas gênée, je lui aurai dit ce que je pensais réellement : les hommes n’ont absolument rien à dire sur ce qui touche directement et uniquement les femmes. Invitez des femmes (et rien que des femmes) et vous aurez une discussion nettement plus enrichissante.

Les hommes n’ont absolument rien à dire sur ce qui touche directement et uniquement les femmes.

Durant les échanges j’ai fait ce que je sais faire le mieux. J’ai « livetweeté» (publier des tweets qui permettent à ceux qui ne sont pas présents de suivre la discussion sur Twitter). Les réactions ne se sont pas fait attendre. Celles des femmes rejoignaient mon point de vue de départ : discussion totalement inutile, seules les femmes ont le droit de parler de ce qui les concerne. Les réactions masculines allaient plus dans le sens de ce que j’avais en face de moi, assise sur cette natte entourée d’hommes de divers horizons : ils étaient curieux et très intéressés par ce qui se passait.

Le caractère opposé de ces réactions m’a fait penser à une discussion (engueulade en réalité) qui a eu lieu lors du Tweetathon organisé il y a

Lire aussi J’aurai aimé être féministe quelques mois par l’association guinéenne Ednancy autour de la santé de la femme. Il s’agissait pour une dizaine de femmes d’informer tour à tour sur une maladie/cause dont souffrent les femmes. Les sujets abordés allaient de l’endométriose à l’avortement, en passant par la dépression, la stérilité (que j’ai présenté) ou encore les fibromes (un e-book récapitulatif sera bientôt disponible sur le site de l’association).
Durant ce Tweetathon, un homme, Oui Koeta (à qui je présente de plates excuses) a osé demander pourquoi aucun homme n’avait été invité à présenter un sujet. Nous lui sommes presque toutes tombées dessus, le fracassant à coup d’arguments tels que « les femmes n’ont-elles pas le droit de se rassembler pour parler de choses qui les concernent sans qu’un homme le juge déplacé ?».

L’émancipation de la femme signifie-t-elle la mort de l’homme ?
La question que je me pose est la suivante : notre émancipation signifie-t-elle forcément l’assassinat de la présence masculine ?

Nous revendiquons depuis des siècles une reconnaissance en tant que personnes à part entière. Nous ne voulons plus être perçues comme des « compléments », des êtres ne possédant pas toutes les facultés nécessaires à la réflexion et à l’action, des assistées de force. Nous voulons faire entendre nos voix sans qu’elles se perdent dans un chœur où les voix masculines sont plus fortes. Nous voulons chanter seules. Mais est-ce possible sans répliquer la situation dont nous souhaitons nous affranchir ?

L’émancipation de la femme signifie-t-elle la mort de l’homme ?

Après cette discussion autour des menstrues, je pense que nous devons repenser nos positions. J’ai compris en les écoutant, et surtout en me taisant, que les hommes ont beaucoup à apprendre sur nous. Pour que cela soit possible, ils doivent apprendre de nous, et ce n’est pas en les écartant et en les chassant que nous y arriverons. Nous devons être connues avant d’être reconnues. Pour être connues, nous devons être ouvertes à la discussion, une discussion d’égal à égal, et non de femmes à hommes ou d’hommes à femmes.

Nous devons être connues avant d’être reconnues. Pouvons-nous être les égales de ceux qui ne nous comprennent pas ?

J’ai réalisé que lorsqu’ils se retrouvent entre eux, les hommes avouent les limites de leurs connaissances et même leur impuissance face aux « phénomènes féminins ». Je pense qu’aujourd’hui plus qu’hier, ils ont du mal à nous l’avouer à cause de nos actions et réactions farouches. Nombre d’entre eux durant la discussion sur les menstrues ont avoué qu’ils ont peur de nous poser des questions. Ils évitent d’en poser pour ne pas nous vexer ou pour que nous ne braquions pas. Ils veulent comprendre, mais nous leur fermons toutes les portes vers les réponses au nez. Alors ils n’essayent plus.

Tout comme lors du Tweetathon, les questions posées par les hommes (à d’autres hommes qui parfois n’en savaient pas plus qu’eux) lors de cette discussion étaient candides, drôles, curieuses et pertinentes. Ils s’interrogeaient sur des choses qui nous semblent évidentes à nous, les femmes. Mais si nous ne sommes pas prêtes à partager ces évidences, si nous continuons de les exclure, de leur boucher oreilles et yeux et de les bâillonner, que sera notre émancipation ? Peut-on être émancipé sans être compris de ceux desquels nous souhaitons nous affranchir ? Peut-on être les égales de ceux qui ne nous connaissent et ne nous comprennent pas ?