Je sais bien que la plupart des gens se concentrent sur les élections qui se tiennent aujourd’hui aux États-Unis (les reptiliens l’emporteront, quoi qu’il arrive !), mais j’avais néanmoins quelques remarques à faire sur l’Alliance démocratique (Democratic Alliance, DA), le parti d’opposition officiel de l’Afrique du Sud.
Ce week-end, le DA a tenu son congrès électoral au cours duquel la direction du parti a été décidée, et diverses positions politiques ont été votées (en termes de leadership, les votes clés étaient l’élection du chef du parti et du président du conseil fédéral).
Comme je l’ai déjà dit en février, si j’avais pu voter pour la direction, j’aurais porté mon choix sur Mbalj Ntuli, qui se présentait contre John Steenhuisen. Le congrès n’a pas partagé ce point de vue, votant à 1 443 voix contre 361 pour Steenhuisen, tout en confirmant la position d’Helen Zille en tant que présidente du conseil fédéral.
Ces deux choix me paraissent mauvais en termes de calcul électoral à court terme et, comme je le disais à un ami l’autre jour, une part de l’ordre de 15 % des votes nationaux en 2024 ne me semble pas invraisemblable à l’heure actuelle.
« Pendant quelques temps, l’Afrique du Sud a presque eu un parti d’opposition », lui ai-je également dit. Peut-être en auront-ils un à nouveau, et peut-être même que ce parti sera le DA. Et bien sûr, j’entends par « opposition » le fait de tenir le rôle de force d’équilibre importante, plutôt que de recevoir le label de parti de l’opposition au seul motif d’arriver en deuxième position.
Selon Peter Bruce (Business Day, accès payant) :
Une partie des paroles et des actes du leadership du DA au cours des prochains mois vont me hérisser le poil, mais je suis convaincu qu’il s’agit d’un déplacement temporaire vers la droite. Le DA est une bête impitoyable. Si Steenhuisen ne parvient pas à reconquérir Port Elizabeth et Johannesburg l’année prochaine, ou du moins à améliorer les résultats de 2016, la pression va commencer à se faire sentir. Le cœur du parti est au centre et finira un jour par y revenir. (Italiques ajoutés)
Mais cela me paraît optimiste. Il y a un an environ, j’ai dit que le DA n’était plus un parti libéral selon la définition que je fais du libéralisme, une position dont le parti n’a fait que s’éloigner encore davantage depuis.
Le congrès a élu Steenhuisen et Zille, qui ont tous deux leurs qualités. Mais ni l’un ni l’autre – Steenhuisen avec sa pugnacité et son blocage enthousiaste des critiques sur Twitter, et Zille avec son rapprochement avec tous les fans de Jordan Peterson qu’elle trouve sur Twitter – ne serviront à augmenter le soutien au parti.
Ce que nous avons vu pendant et depuis le congrès n’offre aucun espoir de faire du DA une proposition attrayante pour les électeurs. Par exemple, la conférence s’est ouverte par une déclaration sur les meurtres perpétrés contre les fermiers. Il va sans dire que ces meurtres posent problème, mais ils sont également utilisés comme arme par l’alt-right (« l’extrême-droite »).
Vous envoyez un signal clair lorsque vous dirigez en utilisant les meurtres des fermiers, et ce signal s’adresse aux électeurs que le DA a perdus contre le Freedom Front Plus (FF+) lors des dernières élections. Vous envoyez le même signal, aux mêmes personnes, lorsque vous affirmez que vous allez défendre le statut de cette « langue autochtone », l’afrikaans, à l’université de Stellenbosch.
Oui, c’est l’une de nos 11 langues officielles, et elle est autochtone – ce n’est pas le problème. Le problème, c’est que ce point et l’accent mis sur les meurtres de fermiers ne serviront qu’à regagner quelques électeurs du FF+ qui ont abandonné le parti au moment de faire leur choix, en grande partie parce que le DA commençait à se montrer trop réceptif aux idées radicales, comme de penser que l’appartenance raciale a son importance. (Désolé – j’ai oublié de mentionner que le non-racialisme est de retour en tant que plate-forme politique).
Mais cela n’a sûrement aucun sens ? Le parti a obtenu 22 % des voix en vertu d’un cadre stratégique qui visait à tenter de plaire à tous les Sud-Africains, plutôt que de donner la priorité aux préoccupations associées (légitimement ou non – ce n’est pas mon propos) aux électeurs blancs conservateurs.
Ils ont perdu 1,5 % des voix aux élections nationales suivantes (2019). Pour être juste et remettre les choses dans leur contexte, le parti était dirigé par un prédicateur homophobe, également en proie à des querelles internes qui ont conduit, entre autres, à l’embauche puis à l’exclusion d’une responsable politique (maintenant de retour), et à la rédaction d’un rapport par d’anciens membres du parti informés et reconnus dénonçant les dysfonctionnements du DA, entraînant l’éviction dudit prédicateur et d’autres personnes.
La réponse ne devrait certainement pas être de commencer à envoyer le genre de signaux qui permettront de récupérer un petit nombre d’anciens électeurs du DA qui avaient basculé vers le FF+ pour les faire revenir, plutôt que de reprendre le projet de lancer un appel à tous les Sud-Africains (ce qui signifie – au moins en partie – ne pas paraître trumpien) ?
Car pour chaque électeur FF+ séduit, j’imagine qu’il y a un électeur – comme le moi d’il y a plusieurs années – qui commence à ne plus croire en la rhétorique du DA, et qui commence à être plus favorable aux revendications de ceux qui affirment que dans ses actions (plutôt que sa politique, ou les croyances affirmées de ses membres), le DA est anti-pauvres et anti-noirs ?
Aujourd’hui, tout est prétexte à querelle, mais comme je l’ai dit plus haut, les gens regardent les élections américaines, alors peut-être que je m’en tirerai à bon compte. Je crois fermement à l’intégrité et aux bonnes intentions de nombreuses personnes au sein du DA, et cet article n’a pas pour but de dénigrer le parti ou ses membres.
Je n’arrive tout simplement pas à comprendre la stratégie qui est déployée.
Si quelqu’un me disait : « la partie sera longue – dans 50 ans, tout le monde ira bien parce que les robots feront tout et les humains consacreront leur temps à l’art grâce au revenu universel de base, la race n’a donc pas d’importance et les faits ne se soucient pas de vos sentiments », je répondrais « d’accord, vous avez peut-être raison, mais c’est idiot, car vous perdrez des voix dans un avenir prévisible, et nous ne pouvons être certains des bénéfices sur lesquels vous comptez ».
Sur Terre et en l’occurrence en Afrique du Sud, une telle approche risque d’ôter toute pertinence au DA. On me donnera peut-être tort, et j’en serai sans doute informé si les choses se passent ainsi. Les choses pourraient bien sûr changer aussi, ce qui rendrait toutes ces réflexions superflues.
Mais en règle générale, j’adresse mes meilleurs vœux, notamment de force, aux libéraux du DA et au DA en général. Même si je ne voterais pas pour vous à l’heure actuelle, nous avons besoin d’une opposition efficace et crédible, et vous avez toujours pu être qualifié au moins de l’un ou de l’autre.