Au lendemain de la proclamation des résultats provisoires du second tour de la présidentielle nigérienne, donnant le candidat Mohamed Bazoum gagnant, plusieurs troubles ont suivi. Pourtant, malgré la mort de sept agents de la commission électorale nationale indépendante (CENI), ce processus électoral avait globalement été  félicité par les observateurs et la communauté internationale.

Des échauffourées entre les forces de l’ordre et la population

Dès le 23 février, des affrontements ont commencé. Pour cause, les forces de sécurité voulaient disperser le rassemblement de manifestants aux alentours des bureaux politiques de certains partis. Cependant, des manifestations encore plus importantes et mieux organisé on continuer jusqu’au jeudi 25 février. Ces troubles ont occasionné deux morts et des dégâts matériels. Pour ce citoyen sorti manifester : « cette situation n’a pas de sens, car aucun parti n’a appelé pour manifester ». Il indique aussi que ce sont les forces de l’ordre qui ont commencé à lancer les bombes lacrymogènes sur les manifestants. Néanmoins, déplore ce qui s’est passé et appelle la population au calme.

Pour contrôler ces manifestations, le gouvernement a pris une série de mesure parmi lesquelles la coupure du réseau Internet. Une décision qui muselle l’opinion publique et qui défavorise le commerce électronique et surtout qui bloque certains étudiants dans leurs travaux de recherche. Idé Karim Abdoul Aziz, étudiant en année de master à l’Université Abdou Moumouni de Niamey déplore la manière dont cette coupure du réseau Internet est intervenue : «  en tant qu’étudiant, je peux dire que ce n’est pas bon de faire des coupures arbitraires de connexion. Parce que normalement… Ils devraient nous avertir que tel jour ou telle date il y aura une coupure d’Internet ».

Pourtant, cette mesure n’a jusqu’ici fait l’objet d’aucun communiqué officiel de la part du gouvernement. Face à ce silence, les associations de la société civile prévoient de porter plainte contre l’Etat nigérien et contre les opérateurs de téléphonie. Une plainte qui sera déposée au niveau national et international.

Dénonciation de l’opposition

Du côté de l’opposition, on dénonce des fraudes massives, mais surtout une victoire du candidat Mahamane Ousmane, du parti Renouveau démocratique républicain (RDR-Tchanji) avec 50,3% des voix. Une série de plaintes qui ont été transmises à la Cour constitutionnelle nigérienne.

Dans un discours, Mr Falké Bacharou, président de la coordination de campagne du RDR Tchanji avait déclaré ceci au lendemain du second tour : « dans un communiqué en date du 21 février déjà, le jour même de la tenue du 2ème tour de l’élection présidentielle, la coordination de campagne électorale du candidat du RDR Tchanji attirait l’attention des Nigériens et de la communauté internationale sur les graves manquements observés dans le processus électoral ».

Depuis la proclamation des résultats globaux provisoires de la CENI, le candidat Mahamane Ousmane, qui revendique toujours sa victoire, était  bloqué au niveau de Zinder, une ville située à plusieurs centaines de kilomètres de Niamey. C’est finalement ce 3 mars qu’il a pu regagner la capitale.

En marge de ces manifestations, l’ancien président de l’assemblée Hama Amadou a été interpellé et déféré le 1er mars à la maison d’arrêt de Filingué. Le général à la retraite Moumouni Boureima  dit « Tchanga » proche de Hama Amadou, a lui aussi été déféré à la maison d’arrêt de Ouallam. La justice leur reproche des propos ethno-régionalistes, mais aussi des complicités à une insurrection et une dégradation des biens publics et privés. Ce qui évidemment risque de fragiliser encore plus les relations, déjà compliquées, qui existent entre les partisans de l’opposition et ceux de la majorité au pouvoir.

Les violences qui ont suivi la proclamation des résultats provisoires de la CENI donnant Mohamed Bazoum gagnant ont largement été condamnées par la communauté internationale et pas seulement. En effet, sur le plan national, l’association des personnes âgées a également émis une déclaration dans laquelle elle appelle les Nigériens à rester unis et solidaires dans ces moments déterminants.

Pour le moment, la population attend avec le plus grand intérêt la proclamation des résultats globaux définitifs par la Cour constitutionnelle.

Les défis du futur président de la République du Niger

Après la proclamation des résultats par la CENI, c’est à la Cour constitutionnelle de procéder à la proclamation des résultats définitifs. Une fois ces résultats validés, le président élu fera face aux nombreux défis : économique, sanitaires, éducatifs, etc.
Certains citoyens, comme Ibrahim Saadou, un taximan à Niamey souhaite que : « les chaussées soient bonnes, on veut une amélioration des routes » des changements qui pourraient améliorer positivement ses conditions de travail.

Mais le défi majeur reste la question sécuritaire. De Tillabéry, avec les djihadistes repliés au Mali, à Diffa avec la secte Boko Haram, le Niger a essuyé plusieurs attaques terroristes meurtrières sur son sol.

Une situation sécuritaire qui se complique au niveau de a zone des « trois frontières », un territoire sans délimitation physique entre les territoires du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Malgré la présence de la force Barkhane, cette zone fait face à de nombreuses attaques. Face à cette situation, le Tchad a décider d’envoyer un contingent de 1200 militaire dans cette zone à l’issue du Sommet des chefs d’Etat du G5 Sahel.

A ce problème sécuritaire est également venue s’ajouter la pandémie du coronavirus mais aussi les inondations ayant occasionné de nombreux dégâts. Tous ces facteurs combinés peuvent conduire à une potentielle crise alimentaire selon un article publié par Famine Early Warning System Network (FEWS NET).

Dans le document,  cette organisation spécialisée dans le domaine de prévention et de réponse aux famines et autres formes de sécurité alimentaire indique que : «  Les effets directs et indirects des crises sécuritaires et sanitaires sur les mouvements des personnes et des biens ainsi que sur les activités de moyens d’existence et des marchés s’observent et vont persister, engendrant ainsi des situations d’insécurité alimentaire dans le pays ».

Pour le moment, la population attend avec impatience la proclamation des résultats globaux définitifs de la présidentielle par la Cour constitutionnelle.

Photo : Des manifestants faisant face à la police à Niamey / Solimane Ryad