Officiellement indépendants, pour la plupart en 1960, les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest le sont-ils effectivement dans les faits, dans leurs gestions et élaborations de leurs politiques internes respectives ? Questions légitimes.

1960. Une année symbole. Une année charnière dans la vie politique de la majorité des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest. Une année que le président sénégalais, Léopold Seda Senghor, alors très influent, baptisa « année magique ».

À preuve. La Côte d’Ivoire (7 août 1960), le Sénégal (4 avril 1960), le Mali (22 septembre 1960), le Togo (27 avril 1960), le Bénin (1er août 1960) ont acquis et paraphé leur « liberté » politique et économique cette même année.

C’est un véritable vent d’indépendance qui souffla sur l’Afrique subsaharienne cette année-là. Seule la Guinée Conakry de Sekou Touré refuse l’indépendance en 1960. Elle anticipe la sienne en 1958 comme le Burkina Faso. Parce que le dirigeant guinée, Sekou Touré, estime que cette sorte d’indépendances groupées est la continuité ou prolongement de la tutelle française. Toute chose qui ne rencontrait pas son assentiment.

Voici donc 62 ans, révolus, que la majorité de ces colonies françaises, devenues des nations, sont proclamées indépendantes. Mais quels niveaux de développement économique, social voire politique ont-ils atteint plus d’un demi siècle après ? L’effet indépendance se ressent-il dans la vie de leurs différents peuples au quotidien ? À quels niveaux d’évolution sont ces peuples ?

Autre chose. Aussi ahurissante que rageante. Les grandes décisions politiques et économiques qui impactent directement la vie des peuples de ces nations dites indépendantes sont prises par la France. Seules les petites décisions dérisoires sont laissées à la portée des dirigeants de ces pays.

À partir de là, doit-on continuer à croire que ces pays de l’Afrique de l’Ouest jouissent-ils de leurs indépendances et par conséquent doivent les célébrer avec faste tous les ans ?

La position du sociologue burkinabé, Kabore Remy, tranche d’avec cette vision de l’indépendance :  » Célébrer la fête de l’indépendance ne représente pas grand chose dans ce contexte d’insécurité au Burkina Faso. La priorité est ailleurs. L’indépendance a un sens symbolique. On peut la commémorer si tout va bien. Mais le contexte qui est le nôtre où une partie du territoire est hors contrôle, je pense que ça n’a pas de sens. N’oublions pas que la commémoration engendre des dépenses. Les ressources mobilisées pour la financer peuvent servir ailleurs. N’empêche qu’on peut faire quelque chose de simple pour réaffirmer notre engagement à s’unir, à se battre pour recouvrer l’intégrité de notre territoire et permettre aux Burkinabés de vivre librement et dignement dans leur pays ».

La Côte d’Ivoire a célébré, le 7 août 2022 dernier, les 62 ans de son « indépendance ». Le chef de l’état, Alassane Ouattara, en a profité pour poser des actes politiques en graciant par exemple son prédécesseur, Laurent Gbagbo. Qui bénéficiera désormais de sa rente viagère sans compter le dégel de ses comptes depuis plus de dix ans. Des prisonniers politiques militaires ont également bénéficié de cette grâce. Les fonctionnaires ivoiriens n’ont pas été oubliés avec des augmentations de salaires et des avantages sociaux liés à leurs fonctions. Une célébration qui a évidemment engendré de lourds frais. 

Pendant ce temps, les populations clouent sous le poids de la cherté de la vie. Les hôpitaux sont dépourvus de plateaux techniques. Ce qui oblige les dirigeants politiques, eux-mêmes, à aller se soigner à l’étranger. Le niveau social des populations, majoritairement rurales, est outrageusement bas. Leurs conditions de vie sont précaires.  Pour un pays dit indépendant depuis plus d’un demi-siècle, le déficit politique, économique et social est énorme.

Un déficit qui est en parfaite contradiction avec les richesses minières, pétrolières du pays.  Premier producteur mondial de cacao, deuxième de café, la Côte d’Ivoire ne contrôle toujours pas le prix d’aucuns de ces produits. De son cacao à son café en passant par son pétrole, son or et autres matières premières, les prix sont arrêtés et contrôlés au scanner par la France quilles, en réalité, n’a jamais cessé d’être son tuteur.

La Côte d’Ivoire n’est pas, malheureusement seule dans cette situation de dépendance coloniale continue. Tous les pays colonisés par la France demeurent toujours sous son joug. Indépendance en Afrique francophone : mythe ou réalité ? La question reste posée.

 

Maria de Dieu

Credit photo : Ousmane Makaveli