LES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES SONT DES DROITS HUMAINS

Il existe une culture croissante d’intolérance et d’impunité chez certains dirigeants africains. Il est donc de plus en plus difficile pour les mouvements de la société civile de jouer un rôle effectif pour contrôler l’action des gouvernements, en particulier en ce qui concerne le respect des droits humains et de l’État de droit.

Les personnes handicapées forment depuis toujours un groupe marginalisé confronté à quelques-uns des niveaux les plus élevés de pauvreté et d’analphabétisme sur le continent africain. Souvent, elles ne sont pas incluses aux programmes publics visant à fournir des prestations et services sociaux et économiques, de manière égalitaire par rapport aux autres.

De nombreuses personnes handicapées, en particulier les femmes et les filles, sont la proie de toutes formes de violence et d’abus, notamment la violence basée sur le genre et les crimes de haine. Souvent, des terme désobligeants sont utilisés en référence aux personnes handicapées et les parents, en particulier les mères, sont souvent ridiculisés et couverts de honte parce qu’ils ont des enfants handicapés.

La plupart des circonscriptions ont, pendant des décennies, considéré les personnes handicapées comme un groupe distinct. Ces individus étaient l’objet de la charité et de la sympathie publique sans considération pour leur potentiel, leurs talents individuels ou leur dignité en tant qu’individu.

En raison de cette histoire, les personnes handicapées ont appris à s’endurcir face aux railleries de la population et ont appris au fil des ans à exiger avec fermeté les services et l’appui dont ils ont besoin. Elles ont adopté au fil des ans une approche militante au plaidoyer, dans le cadre de laquelle les manifestations publiques sont devenues un outil important pour exprimer leurs griefs. La mendicité de rue a également été utilisée comme outil de manifestation par les personnes handicapées contre une société qui ne que peu de choses, voire rien, pour les comprendre et comprendre leur situation critique.

Cependant, étant donnée la culture croissante d’intolérance et de recours à des lois oppressives comme la loi sur l’ordre public de Zambie, les personnes handicapées se sont parfois retrouvées du mauvais côté de la loi et sont devenus les victimes de la brutalité des forces de l’ordre.

Le 22 avril 2017, une vidéo d’un policier en uniforme dans la capitale de l’Angola, Luanda, frappant un manifestant pacifique dans une chaise roulante jusqu’à ce qu’il tombe par terre, a circulé. Comme l’a rapporté Human Rights Watch :

« De nombreux policiers arrachaient violemment les bannières et prospectus d’autres manifestants atteints de handicaps physiques. La police a ensuite quitté les lieux, alors que des gens s’efforçaient péniblement d’aider l’homme battu. Les militants, y compris ceux dans des fauteuils roulants, s’étaient rassemblés à Luanda pour protester contre l’absence d’infrastructures accessibles aux personnes présentant des handicaps physiques. On estime que plus de 650 000 sur les 25 millions d’habitants de l’Angola ont un handicap physique, selon le recensement de 2016 de l’Angola ».

Cet exemple, parmi tant d’autres sur le continent, prouve la nécessité d’instaurer une culture de tolérance chez les dirigeants africains. Il souligne également la nécessité de trouver des moyens innovants de mener un plaidoyer afin d’obtenir le changement souhaité, même face à des régimes hostiles et des cadres juridiques défavorables.

Il est donc important que les mouvements en faveur des droits des personnes handicapées développent des synergies avec les mécanismes de défense des droits humains plus généraux dans leur pays et travaillent en utilisant les médias, les plateformes en ligne et les tribunaux pour assurer le respect de leurs droits.

Plaidoyer stratégique et innovation pour les droits des personnes handicapées

Répondant au besoin de stratégies de plaidoyer innovantes, les mouvements pour les droits des personnes handicapées en Afrique utilisent de plus en plus des approches de plaidoyer stratégiques. Ils remettent la loi en question et ont recours aux tribunaux pour dénoncer les lois qui vont à l’encontre des droits des personnes handicapées.

Ces stratégies sont encore plus nécessaires pour les groupes les plus défavorisés au sein de la communauté des individus handicapés. Ces groupes incluent les personnes présentant des handicaps psychosociaux, les personnes atteintes d’albinisme, ainsi que les femmes et les filles.

Sans lois robustes ni mécanismes efficaces d’application de la loi, ces groupes ont souvent besoin d’un appui plus intensif, faute de quoi ils continueront à souffrir et mourir en silence.

Le cas du plaidoyer pour l’abrogation de la loi archaïque de Zambie sur les troubles mentaux est un exemple important de la façon dont une bonne combinaison d’actions de plaidoyer peut mener à une exigence publique de réforme et à de meilleures pratiques des établissements publics.

Les militants ont eu recours à des interactions stratégiques médiatiques avec les responsables, une capacité d’auto-plaidoyer renforcée et à des initiatives de prise de parole des défenseurs des droits humains pour plaider en faveur des droits des personnes présentant des handicaps mentaux et psychosociaux en Zambie. Grâce à ces efforts, des changements de la politique et des pratiques en matière de santé mentale commencent à être mis en œuvre et la nouvelle loi sur la santé mentale sera bientôt votée.

Quand trois personnes atteintes de handicaps psychosociaux en Zambie ont, sous l’égide du Mental Health Users of Zambia (MHUNZA), saisi la Haute cour de Lusaka en vue de faire annuler la Loi sur les troubles mentaux au motif qu’elle enfreignait leurs droits, la Constitution républicaine et les normes internationales des droits humains auxquels la Zambie avait adhéré, elles n’avaient aucune idée des profondes implications de leur action [Mwewa et autres v Procureur général et un autre, (2017)].

Le pouvoir judiciaire avait du mal à invalider toute la loi mais était d’accord avec les requérants sur tous les motifs et a fortement appelé à une révision de la loi par les autres branches du gouvernement. Cette approche a montré qu’une action stratégique pouvait produire des résultats extraordinaires, même si cela demandait du temps.

Utiliser les lois et politiques incontestables

La Zambie dispose d’un environnement juridique et politique favorable à la protection et à la promotion des droits des personnes handicapées. La loi sur les personnes handicapées de 2012 intègre dans une certaine mesure la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), que la Zambie a ratifiée en 2010.

L’État a élaboré une politique nationale sur le handicap qui, bien que non conforme à la CDPH, tente de mettre en place un certain cadre pour la mise en œuvre de mesures visant à traiter les domaines prioritaires identifiés en vue d’assurer les droits des personnes handicapées.

Les défenseurs des droits humains continuent à utiliser ces documents pour souligner les échecs de mise en œuvre des proclamations de l’État et exiger une amélioration de la fourniture des services aux personnes handicapées.

Engagements internationaux

Le gouvernement zambien a aussi pris des engagements internationaux en matière de handicap. Ces engagements sont notamment la signature de la Charte pour le changement du Sommet mondial de haut niveau sur le handicap de 2018, avec des benchmarks spécifiques tels que la promotion de l’éducation inclusive à tous les niveaux d’ici 2020.

Le gouvernement s’est également engagé à augmenter les allocations budgétaires en faveur de l’achat de technologies d’aide et du renforcement des capacités des fabricants locaux ; à intégrer le handicap dans tous les secteurs par le biais de personnes points focaux ; et à initier et améliorer le ciblage et la programmation de projets en faveur des filles et des femmes atteintes de handicaps dans les zones rurales.

Tous ces engagements ainsi que les objectifs et activités formulés dans la Politique nationale sur le handicap appellent à un suivi effectif incluant le déploiement de processus de suivi budgétaire par la société civile et autre défenseurs des droits humains.

Culture populaire, médias de masse et innovations des médias sociaux

Bien que les stratégies traditionnelles de mobilisation de la population envoient un fort signal aux responsables et communiquent les sentiments directs des manifestants sur le sujet en question, les gouvernements continuent à avoir recours aux lois facilitant la répression des rassemblements publics.

Les personnes handicapées, qui ont une capacité limitée à fuir un danger physique ou à se défendre d’une attaque, dépendent maintenant de plus en plus des médias pour communiquer leurs messages. Les performances théâtrales et culturelles populaires participent à présent au programme d’inclusion du handicap. Par exemple, la Zambie dispose maintenant de production de films qui présentent un message positif sur les personnes handicapées.

La campagne pour l’abrogation de la loi sur les troubles mentaux a duré plus d’une décennie et plus d’une centaine de programmes radio et des centaines d’articles et interviews ont été fournis sur le sujet. Cela contribué à initier la dynamique qui aboutira, nous l’espérons, à la nouvelle loi sur la santé mentale.