Par Appolinaire NISHIRIMBERE

“Dans ce monde, il n’y a plus d’assurés que les impôts et la mort “, disait un économiste éminent.

Cependant, cet adage ne semble s’appliquer qu’au citoyen très ordinaire. Saviez-vous, par exemple, qu’alors que nous sommes tous obligés de payer une taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en tant que consommateurs finaux d’un produit sorti de telle ou telle autre entreprise, cette entreprise peut avoir elle, bénéficié d’un congé fiscal sur ses revenus et les transfère dans son pays d’origine très riche ?

Vendredi ,25 octobre dernier, j’ai pris part à un diner organisé par l’Agence pour la Promotion des Investissements (API) , à l’hôtel Club du Lac Tanganyika pour conclure la semaine qui marquait le 10e anniversaire de cette Agence.

Le représentant de l’Agence a dit un discours qui, d’une part, m’a plu et m’a choqué, d’autre part.

Il a annoncé que beaucoup d’entreprises étrangères avaient été enregistrées moyennant les vacances fiscales, avec un bilan mitigé pendant les 10 dernières années.

Pire encore, il a ajouté que ces entreprises seraient entrain de demander la prolongation de telles exonérations fiscales.

Je rappelle toujours que pour les investisseurs étrangers , ce qui compte le plus, ce n’est pas ces congés fiscaux qui font perdre aux états africains d’énormes sommes de recettes qui seraient reinvesties dans les services publics de base dont la population a besoin tels que la santé, l’éducation, les infrastructures, etc.: redistribution.
Ainsi,les investisseurs considèrent de prime à bord , entre autres :
– le marché (offre et demande);
– l’existence d’une main d’oeuvre moins chère et qualifiée;
– l’existence des infrastructures routière et électrique ,etc;
– la stabilité politique et sécuritaire ;
– la bonne gouvernance/anti-corruption.

Il n’y a aucune preuve pouvant montrer le bien fondé d’exonérer fiscalement les multinationales pour pouvoir opérer dans un pays. Par contre, si les conditions ci-haut mentionnées sont reunies, elles viendront par elles mêmes pour commercer.

Par ailleurs, on devrait se demander pourquoi les pays africains font de tels cadeaux aux compagnies multinationales qui, après l’expiration de cette période de vacances fiscales, demandent encore des prolongations ou tout simplement ferment pour cause de “deficit” ou “faillite” et rouvrent en se metamorphosant sous d’autres noms pour encore et encore bénéficier d’une autre période d’exonération fiscale en tant que nouvel investisseur.

Il convient de rappeler que, d’après le rapport du Group de haut niveau conduit par l’ancien président sud africain Thabo Mbeki “Mbeki Report ” endossé en janvier 2015 par les chefs d’Etats et de gouvernements africains, l’Afrique perd plus de 50 milliards de dollars américains annuellement en flux financiers illicites (FFI) vers les pays industrialisés ou paradis fiscaux par le moyens de l’évasion fiscale , évitement fiscal , activités commerciales criminelles , corruption etc. Par conséquent, les failles dans les lois fiscales, les lois ou reglémentations sur l’exonération fiscale en Afrique font partie des moyens que les sociétés multinationales utilisent pour échapper aux impôts en Afrique.

Cet argent perdu en FFI dépasse énormément les sommes reçues en aides au développement, ce qui fait que l’Afrique soit un ” créancier net ” du reste du monde pour reprendre les mots du professeur Léonce N. dans son livre sur la dette odieuse de l’Afrique.

Faut-il alors exonérer certains investisseurs ou entrepreneurs ? Oui, si une analyse bénéfice-perte est bien effectuée et si et seulement si de tels congés avantangent les entrepreneurs/investisseurs locaux.