Alors que les prix des produits de grande consommation flambent sur le marché, le gouvernement camerounais peine à trouver des mesures efficaces pour soulager les populations.

Au Cameroun, les populations ont du mal à joindre les deux bouts. Dans les marchés, les articles sont « intouchables ». Depuis décembre 2021 au moins, les prix de plusieurs produits ont progressivement augmenté au point où il est pratiquement impossible pour certaines couches de s’en procurer, faisant craindre une crise alimentaire dans les prochains mois si rien n’est fait dans les plus brefs délais.

Inflation galopante

Les données qui viennent de l’Institut National de la Statistique (INS) ne dont pas rassurantes. Dans une note publiée le 23 février 2022, l’institut affirme que le taux d’inflation au Cameroun sur les 5 dernières années (entre 2017 et 2022) atteint les 9,2%. Selon l’INS, la plus grande hausse est enregistrée dans les produits alimentaires (+12,5%) suivie de près par les articles d’habillement et chaussures, ce qui entraine une perte considérable du pouvoir d’achat. Dans les marchés, c’est devenu invivable. Tout est devenu plus cher, et le panier de la ménagère se réduit comme une peau de chagrin.

Si les causes régulièrement évoquées pour justifier cette inflation restent la pandémie de la Covid-19 – qui, selon la note de l’INS « a engendré des perturbations dans les circuits de la production et de la distribution entrainant parfois des pénuries » – et la guerre en Ukraine, il faut tout de même réaliser que l’inflation a progressivement évolué au fil des années. D’ailleurs la note de l’INS s’étale sur les 5 dernières années, c’est-à-dire bien avant le conflit en Ukraine et longtemps avant que le coronavirus ne fasse son apparition.

Déni

Lorsque les plaintes des populations étouffées par les prix ont commencé à se faire entendre sur les réseaux sociaux, le gouvernement du Cameroun a eu une réaction surprenante : en début janvier 2022, le ministère du Commerce a lancé une campagne de communication sur les réseaux sociaux faisant croire que les produits sont disponibles en quantité et que la hausse des prix était simplement le fait de commerçants véreux et cupides qui essaient de profiter de la Coupe d’Afrique des Nation (CAN) qui se jouait au Cameroun, pour se  remplir les poches. Évidemment, ça n’a pas suffi à faire taire les plaintes. Bien au contraire, cela a été l’occasion pour la presse de se pencher sur la question.

Face à l’évidence et finalement contraint d’admettre que les prix ont grimpé sur le marché, le Ministre du Commerce recommande aux populations d’être créatives pour faire face à la situation, et propose dans la foulée de faire des achats groupés pour amortir les coûts. Solution autant surprenante qu’inattendue – et dont l’efficacité est très discutable –, lorsqu’on sait qu’il y a à peine deux mois, le ministre rejetait la faute sur de supposés commerçants malhonnêtes dont les boutiques ont été scellées et les marchandises saisies pour certains d’entre eux.

Importations

Un des éléments qui, selon la note de l’INS, accentue la hausse des prix, c’est le fait que les salaires des agents de l’État n’ont pas connu de hausse, ce qui aurait permis de relever un peu le pouvoir d’achat. Une hausse des salaires des fonctionnaires aurait certainement atténué le poids de l’inflation, mais elle n’aurait que partiellement réglé le problème vu le nombre plutôt réduit des fonctionnaires (environ 400.000 fonctionnaires, pour une population qui dépasse les 25 millions d’habitants).

Ce qui aurait probablement aidé à atténuer la situation, ce serait un coup de pouce donné par le gouvernement à la production locale, notamment des nombreuses alternatives à la farine de blé déjà utilisées de façon artisanale (farine de manioc, de banane-plantain ou de patate douce). D’autres secteurs auraient également pu être développés, notamment celui de la production du riz ou encore les secteurs de la pêche qui sont encore embryonnaires. Selon une note de l’INS, les dépenses d’importation au premier trimestre de 2021 étaient en hausse de 15,4%. Dans les chiffres, le document indique que 5,07 tonnes de marchandises avaient été importées, pour un montant total de plus de 1.800 milliards. Entre janvier et juin 2021, 319.330 tonnes de riz, 808.342 tonnes de céréales et 97 203 tonnes de poissons et crustacés ont été importés.

La solution aurait donc résidé dans la réduction des importations et dans le développement des industries locales de façon à moins dépendre de l’extérieur. C’est d’ailleurs l’une des promesses faites par le président Paul Biya pendant la campagne électorale et réitérée lors de son discours d’investiture après sa réélection à la tête du Cameroun en 2018. Quatre ans après, force est de constater que la promesse n’a pas encore été tenue.

Mesures

Dos au mur, le Cameroun essaie tant bien que mal de se bouger pour contenir l’inflation. Dans cette optique, l’État camerounais essaie de mener quelques actions visant à empêcher les hausses fantaisistes des prix de certains produits. Dans un arrêté signé le 14 avril 2022, Luc Magloire Mbarga Atangana le Ministre du Commerce fixe la « liste des produits et services dont les prix et tarifs sont soumis à la procédure d’homologation préalable ».

Dans la même lancée, le ministre du commerce a pris d’autres mesures parmi lesquelles une subvention pour empêcher l’augmentation des prix du super, du gasoil et du pétrole lampant ; l’exonération des taxes et droits de douane à l’importation sur certains produits ; le développement de la filière poisson ; « la réduction de 50% du montant à verser par les entreprises, au titre de l’impôt sur le revenu et l’application d’un régime de faveur d’acompte calculé sur la marge des distributeurs, ou encore la suspension du précompte sur vente, selon les filières. »

En attendant d’évaluer l’efficacité de ces mesures, d’autres augmentations sont annoncées –la hausse du prix de la bière est annoncée pour juin prochain – tandis que dans certaines régions du Cameroun des troubles naissent, causés par l’inflation. Un scénario similaire à celui de février 2008 est à craindre, et pour cela la gouvernement Camerounais doit réagir au plus vite.

Moudjo Tobue

Photo par Gopl Amah via Iwaria