Les enseignants du secondaire ont lancé un mouvement de grève qui dure depuis la rentrée scolaire 2023-2024, suite aux promesses non tenues du gouvernement quant au payement de la dette due accumulée depuis plusieurs années.

La fin de l’année scolaire 2022-2023 a été marquée par un mouvement de grève lancé par des enseignants et baptisé « OTS », On a Trop Supporté. Ces derniers, qui réclamaient au gouvernement camerounais une dette de plus de 180 milliards, ont décidé d’adopter une stratégie de contestation autant efficace que pernicieuse. En un mot, il s’agissait d’être toujours présent à l’école, voire même en salle de classe, mais de ne pas faire cours.

Le mouvement était d’autant plus efficace que le gouvernement camerounais, connu pour réagir violemment à toute manifestation publique, ne pouvait ni envoyer les hommes en tenue violenter les enseignants qui ne faisaient aucune manifestation dans les rues, ni même suspendre les salaires des grévistes qui étaient toujours présents à leurs postes…

Après de nombreuses réunions et concertations, le gouvernement a enfin dû réagir en régularisant la situation d’une partie des enseignants qui jusqu’ici ne percevaient qu’une partie de leur salaire, et en prenant en charge les avancements de ceux qui avaient évolué entre temps mais qui ne percevaient pas encore les effets financiers de leurs changements d’échelons.

Restait cependant le payement de certains rappels. Pour inciter les enseignants à reprendre le chemin des classes, les autorités ont fait la promesse que tout serait réglé d’ici août 2023.

Promesse non tenue

Malgré les réticences des enseignants à faire confiance au gouvernement lorsqu’il fait une promesse, les cours on repris et l’année scolaire s’est finalement bien achevée, notamment les examens officiels dont le bon déroulement était menacé par les grévistes qui étaient prêts à boycotter autant les surveillances que les corrections.

En août 2023 pourtant la promesse du gouvernement n’est pas tenue. Les enseignants qui espéraient voir leurs rappels payés ne reçoivent rien. Au contraire, une liste commence à circuler dans les foras : c’est une sorte de calendrier d’apurement de la dette due. Elle va d’août 2023 à fin 2025, les plus anciens matricules étant les premiers à être servis.

Mécontents car se sentant dupés, certains enseignants décident de relancer le mouvement « OTS », préconisant de relancer l’opération « craie morte » dès la rentrée prévue en début septembre. Après de légères hésitations les premières semaines, le mouvement prend rapidement de l’ampleur et paralyse de nombreux établissements dans toutes les régions du pays.

Menaces et intimidation

Les autorités, une fois de plus, rentrent dans la danse : de nombreuses concertations sont prévues, mais le mouvement « OTS », qui s’est associé au Syndicat des Enseignants du Cameroun pour l’Afrique (SECA), refuse obstinément d’y prendre part. Les autorités décident donc d’intensifier l’intimidation : des enseignants sont convoqués dans des commissariats, certains gardés à vue sous instruction des sous-préfets ; les proviseurs distribuent des demandes d’explication comme des petits pains, et de nombreux enseignants sont conviés à des « séances de travail » avec les autorités administratives.

Alors que le gouvernement déploie cette stratégie à l’efficacité douteuse, le temps continue à passer et les heures de cours non faites s’accumulent. Rendus pratiquement à la fin du premier trimestre, et à quelques semaines des congés de Noël, des milliers d’élèves n’ont pas pu bénéficier des cours auxquels ils ont droit. Les autorités, de leur côté, ne semblent pas prêtes à prendre le problème des enseignants au sérieux, et continuent à jouer avec le temps, espérant les avoir à l’usure.

Les pots cassés

Dans une récente sortie, les autorités ont affirmé avoir revu le calendrier d’apurement de la dette, en allouant plus d’argent pour payer les rappels chaque mois. En conséquence, le délai de 2025 sera écourté. Ce nouveau calendrier n’ayant jusqu’ici pas été rendu public, il y a fort à parier que cette annonce ne suffise pas à calmer les enseignants. Et ceux qui vont le plus souffrir de cette situation, ce sont évidemment les élèves dont les heures de cours perdues ne pourront plus être rattrapées.

 

Le gouvernement quant à lui, par cette attitude nonchalante, par son incapacité à résoudre de façon efficace et définitive le problème des enseignants, pousse ces derniers à émigrer, comme c’est le cas pour de nombreux fonctionnaires dont l’expertise est recherchée sous d’autres cieux.

Photo: cordens/Iwaria