Les élections législatives du 31 juillet 2022 ont donné une configuration inédite à l’Assemblée nationale sénégalaise.
Sur un total de 165 députés à élire, la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar a obtenu 82 élus, l’inter-coalition Yewwi Askan Wi/Wallu 80 et les trois autres coalitions de l’opposition que sont Aar Sénégal, les Serviteurs et Bokk Guiss Guiss Liguéy 01 député chacune. Un scénario qui offre une quatorzième législature à multiples enjeux.
Ce fut un coup de tonnerre dans un ciel serein. Jamais, dans l’histoire politique du Sénégal, le parti au pouvoir n’avait perdu la majorité qualifiée à l’Assemblée nationale. Au-delà de la répartition quasi équitable des sièges à l’hémicycle, c’est l’OPA de l’opposition sur la majorité des grandes villes (Dakar, Pikine, Rufisque, Guédiawaye, Thiès, Saint-Louis, Ziguinchor) qui est significative. Les électeurs sénégalais, en toute souveraineté, ont voté pour l’équilibre des forces politiques à l’Assemblée nationale. Un vote qui n’est pas sans conséquence sur la quatorzième législature dont la date d’ouverture de la première session est fixée au lundi 12 septembre 2022.
L’équilibre des forces
Une fois n’est pas coutume, le terme démocratie parlementaire retrouve tout son sens. Avec respectivement 82 et 80 députés la coalition Benno Bokk Yakaar et l’inter-coalition Yewwi Askan Wi/Wallu se partageront équitablement les sièges du bureau de l’Assemblée nationale nouvellement élue. Il en sera de même pour les commissions et les secrétaires élus. Une nouvelle configuration qui donnera plus d’élan aux débats parlementaires jadis soporifiques.
C’est donc la fin d’une ère, celle d’un parlement « monocolore » dominé par une majorité écrasante issue du parti ou de la coalition au pouvoir. En guise d’exemple, entre 2017 et 2022, la coalition Benno Bokk Yakaar du président Macky Sall est passée de 129 à 82 députés.
A partir du 12 septembre 2022, c’est une véritable révolution qui s’opère au Sénégal avec un hémicycle plus coloré, représentatif des aspirations et de la volonté du peuple.
Avec cette quatorzième législature, s’ouvre la période des débats équilibrés (en temps de parole) ouverts et démocratiques.
Les enjeux d’une législature
Au-delà du rapport de force, désormais, très équilibré, cette quatorzième législature est à multiples enjeux. En effet, durant la campagne des législatives, la coalition Benno Bokk Yakaar a cherché à mobiliser les électeurs autour du bilan du président Macky Sall à travers le Plan Sénégal Émergent (PSE). De son côté, l’opposition a fait de cette élection un référendum sur la question du troisième mandat, jugé anticonstitutionnel.
En mobilisant plus de suffrages, 1.542.656 voix pour l’inter-coalition Yewwi Askan Wi/Wallu contre 1.518.137 voix pour la coalition Benno Bokk Yakaar, l’opposition vient de porter un sérieux coup sur l’éventualité d’une troisième candidature du Président Macky Sall. Ce qui augure un prolongement de ce débat au sein de l’hémicycle.
Cependant, l’enjeu de taille reste la question de l’inéligibilité de certains leaders de l’opposition. Khalifa Ababacar Sall président de la conférence des leaders de Yewwi Askan Wi et Karim Meissa Wade leader de Wallu, tous les deux écartés de la présidentielle de 2019 tiennent là une parfaite occasion de recouvrer leurs droits soit par une modification du code électoral dont certains articles sont jugés anticonstitutionnels, soit par une loi d’amnistie votée par l’Assemblée nationale.
Sans oublier les cas du maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko, figure montante de l’opposition et celui de Dakar, Barthélémy Toye Dias, qui ont tous les deux des dossiers pendants devant justice et qui peuvent s’appuyer sur cette nouvelle configuration pour faire basculer le rapport de force en leur faveur.
De toute évidence, depuis son élection à la magistrature suprême en 2012, le président sénégalais Macky Sall n’a jamais été en si mauvaise posture.
Photo : AMISOM via Iwaria