Le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) appelle la population à descendre dans la rue en cas de nouvelles élections sans résolution préalable de la crise sociopolitique et humanitaire qui secoue actuellement le Cameroun.

Lors d’une conférence de presse organisée au siège de son parti le MRC le 24 août dernier, Maurice Kamto, qui continue à revendiquer sa victoire à l’élection présidentielle d’octobre 2018, a lancé un ultimatum au gouvernement et plus précisément à Paul Biya. Maurice Kamto, dont une vidéo a ensuite été mise en ligne, met en garde le gouvernement Biya à qui il déconseille d’organiser de nouvelles élections dans le contexte actuel. De nouvelles élections, prévient Kamto, donneront lieu à de nouvelles manifestations pour exiger le départ de Paul Biya du pouvoir.

Ultimatum

Depuis la tenue du double scrutin de février 2020, dans un contexte particulièrement frileux, les choses ne se sont pas vraiment améliorées au Cameroun. Au contraire, la crise sécuritaire et précisément la situation dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest semble même se dégrader encore plus. Les autorités, autant que les populations civiles en font les frais, comme en témoignent des vidéos qui ont récemment circulé sur les réseaux sociaux au Cameroun.

Du côté du gouvernement, les choses semblent figées. Une rumeur a circulé il y a peu, annonçant des négociations entre l’État du Cameroun et Sisiku Ayuk Tabe, leader ambazonien condamné à la prison à vie et incarcéré à Yaoundé. L’information a été rapidement démentie – quoique de façon ambigüe – par René Emmanuel Sadi, Ministre de la Communication et Porte-Parole du Gouvernement.

Pourtant, rien ne va. Tandis que dans les centres de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, on annonce des désertions de pensionnaires, sur le plan politique les revendications continuent, notamment de la part du MRC, dont le président Maurice Kamto est monté au créneau pour mettre en garde le gouvernement contre une éventuelle convocation du corps électoral en vue de la tenue des élections régionales. Le MRC, qui a boycotté le double scrutin du 9 février, exige que la crise anglophone soit réglée, et le code électoral révisé avant tout nouveau scrutin. Autrement, de nouvelles manifestations seront organisées.

Entêtement

Peut-on espérer une quelconque rétractation du régime Biya face à l’ultimatum de Maurice Kamto ? Il est évident que non.

Rappelons que Maurice Kamto n’est pas le premier à réclamer la révision du code électoral camerounais dont les incohérences ne sont plus à démontrer. En avril 2019, le parlement européen a adopté une résolution dans laquelle le Cameroun est interpellé sur la gestion de la crise anglophone. Dans cette résolution, le parlement européen exige la révision du code électoral avant toute nouvelle élection.

Si la réponse du Cameroun a été sèche, et si les élections municipales et législatives du 9 février 2020 se sont tenues dans un contexte de guerre et sans révision aucune du fameux code électoral, il y a fort à parier que les menaces de Maurice Kamto ne soient pas prises en compte par le gouvernement camerounais. D’un côté, la révision du code électoral ne profitera pas au parti au pouvoir, et de l’autre, la question de la capacité de Maurice Kamto à entrainer le peuple dans la rue reste posée.

Maurice Kamto est sans aucun doute capable de rassembler une grande foule autour de lui, mais plusieurs analystes sont certains que son appel à manifestation ne sera pas entendu par la majorité des camerounais.

Manifestations

En janvier 2019, Maurice Kamto a organisé les marches blanches dans le cadre de son plan national de résistance pour protester contre le hold-up électoral dont il a été victime à l’issue du scrutin présidentiel d’octobre 2018. En représailles, plusieurs de ses militants ont été arrêtés ou blessés, et lui-même ainsi que certains de ses alliés ont été arrêtés. En juin, d’autres marches ont été organisées et là encore des militants ont été arrêtés et molestés, parmi lesquels Mamadou Mota, vice-président du parti, qui est toujours incarcéré.

Le but de ces arrestations, c’était évidemment de décourager toute personne qui serait tentée de répondre aux appels du MRC ou de Maurice Kamto. Jusqu’à quel point cette stratégie est-elle efficace ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement du Cameroun ne reculera pas devant les menaces de Maurice Kamto, et tout porte à croire que ce dernier lancera son appel. Ce qu’il faut tout de même remarquer, c’est que certains événements pourraient servir de catalyseurs à l’action de Maurice Kamto.

Alliances et autres

Dans l’espace public, quelques voix de leaders se sont élevées pour apporter de façon explicite ou non, leur soutien à Maurice Kamto. C’est par exemple le cas du député Social Democratic Front (SDF) Jean Michel Nintcheu qui a affirmé que son parti est allé à l’élection de février 2020 parce que « le régime de Yaoundé avait donné des assurances que les réfugiés et les déplacés internes allaient revenir dans le Noso ». La promesse n’ayant pas été tenue, le député semble se prononcer en faveur des manifestations populaires annoncées par Maurice Kamto.

D’autres soutiens plus explicites se sont déclarés par la suite. C’est le cas, entre autres, du Popular Action Party qui, tout en assurant son soutien au MRC, sollicite une coalition des partis de l’opposition pour la résistance. Maurice Kamto a également reçu le soutien d’Aboubakar Ousmane Mey, président fondateur de l’ONG « Justice Plus » qui, dans un tweet, a estimé que « le moment est indiqué pour un changement au sommet de l’État ».

Coup de pouce ?

Les alliances du Pr. Maurice Kamto suffiront-elles ? Difficile à dire. Cependant, l’autre allié de poids que le président du MRC a avec lui, c’est la situation socioéconomique, sanitaire, humanitaire qui se dégrade au quotidien au pays de Paul Biya. Les récentes inondations dans plusieurs localités du pays sans aucune réponse efficace du gouvernement, les routes et ponts qui s’effondrent, les malades qui sont privés de soins, l’impunité, le pays qui devient un champ de guerre et la cherté de la vie sont autant de facteurs qui pourraient jouer en la faveur de Maurice Kamto et de ses alliés. Pour l’heure, la convocation du corps électoral sera le signal, a dit Maurice Kamto. Attendons.