Toute la classe politique ivoirienne s’est réunie le 8 février 2023, à Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’Ivoire, autour du président Alassane Ouattara. À l’occasion de l’attribution du Prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix. Peut-on en déduire qu’une réconciliation vraie est en marche en Côte d’Ivoire ?

Le cliché est beau. L’image, belle et saisissante. Parlante même. Le président ivoirien, Alassane Ouattara, entouré de ses prédécesseurs, Henri Konan Bedié et Laurent Gbagbo, sur un même podium. Tous avec leurs épouses, les mains dans les mains. C’est l’une des images fortes que le monde entier retient de la cérémonie de remise du Prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, le 8 février 2023, à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire.

Prix décerné, à l’occasion, à l’ancienne chancelière fédérale allemande, Angela Merkel. Pour sa courageuse décision, à caractère humanitaire d’accueillir, sur le sol allemand en 2015, plus d’un million de réfugiés arrivés de la Syrie, d’Afghanistan et d’Erythrée.

L’occasion était toute trouvée pour le gotha de la politique ivoirienne de se retrouver de nouveau. Et surtout de se rapprocher davantage si on s’en tient aux images rendues publiques sur les réseaux sociaux. Alors, cela suffit-il pour effectuer déduire que la réconciliation est effective, donc en marche en Côte d’Ivoire le temps d’une cérémonie de remise d’un prix, fut-il le prix Félix Houphouët-Boigny, premier président de la République de Côte d’Ivoire ? Il faut éviter de mettre la charrue avant les bœufs.

Parce qu’en politique, surtout en Côte d’Ivoire, il y a ce qui se dit et ce qui se fait. Il y a ce qui est visible et ce qui ne l’est pas. Il y a les intérêts du pays très peu considérés mais ceux des hommes politiques, leurs proches et leurs partis privilégiés sont placés par dessus tout.

Le président de la République, Alassane Ouattara, a déjà posé des actes d’apaisement certes. Avec la libération d’une bonne partie de prisonniers politiques, dont Simone Gbagbo, une figure de proue de la gauche ivoirienne, épouse légale de l’ancien chef de l’état, Laurent Gbagbo. Il y a également le retour de Charles Blé Goudé en Côte d’Ivoire, ancien leader des jeunes patriotes et ministre de la jeunesse sous Laurent Gbagbo. Après qu’il ait été acquitté par la Cours Pénale Internationale (CPI), il a dû attendre de longs mois avant que le pouvoir ne lui délivre son passeport ivoirien et regagner le pays par la suite. Une autre action qu’on pourrait mettre dans la besace des actes d’apaisement en faveur de la réconciliation posé par le premier magistrat ivoirien.

Pas d’élection, pas de tensions

En Côte d’Ivoire, le climat socio-politique est paisible et apaisé tant qu’il n’y a pas d’élection. Parce que les Ivoiriens, de nature, sont de bons vivants qui rient de tout et tournent tout en dérision. Mais il suffit que s’annoncent des joutes électorales pour que les divisions ethnico-claniques se dépoussièrent et s’installent. Et cela s’intensifie tellement le temps de ces élections que des pertes en vies humaines s’en suivent. Au point où on ne note plus d’élection en Côte d’Ivoire sans morts. Quel que soit le type d’élection.

L’une des sources des tensions électorales réside également dans la composition de la commission électorale indépendante (CEI). Pour une structure dite indépendante, sa neutralité ne devrait souffrir d’aucune contestation. Que nenni ! Elle est composée de membres de partis politiques en compétition. Et chaque parti défendant uniquement ses intérêts, c’est logique que des tensions surviennent au sortir de chaque élection en Côte d’Ivoire.

Il y a aussi le non-respect des textes que nos politiques se donnent librement. Lesquels sont respectés ou pas en fonction de celui qui détient le pouvoir présidentiel. C’est un autre problème majeur dans les conflits postélectoraux.

Il faut que le parti présidentiel, le gouvernement et les autres partis politiques trouvent les solutions d’une paix effective et durable à travers les problématiques posées plus haut. C’est la clé de la vraie réconciliation en Côte d’Ivoire.

Tant que ce ne sera pas le cas, la réconciliation va longtemps demeurer un leurre voire un luxe au pays légué par Félix Houphouët-Boigny.

 

Photo by aimee via-Iwaria