Prévue pour 2025, l’élection présidentielle au Cameroun occupe déjà le devant de la scène et fait la une de l’information. Bien ce que soit encore subtil – à peine, il faut le dire –, il ne faut pas beaucoup se remuer les méninges pour comprendre que, à l’heure actuelle, un certain nombre de mesure sont prises pour, à défaut de l’empêcher, rendre compliqué le dépôt de candidature de certains leaders de l’opposition, notamment Maurice Kamto du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et Cabral Libii du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN).
Maurice Kamto : Pas d’élus, pas de candidature
Réélu à la tête du MRC à l’issue du congrès organisé en décembre 2023 à Yaoundé, Maurice Kamto a immédiatement annoncé sa candidature à la présidentielle de 2025. Pourtant, son parti le MRC n’a pas d’élus – après avoir boycotté l’élection municipale et législative de février 2020 –, ce qui le disqualifie d’office pour déposer sa candidature à la prochaine élection présidentielle.
Sur le principe, cette situation ne devrait poser aucun problème au MRC, étant donné que l’année 2025 verra également l’élection des maires et des députés dont le mandat prendra fin cette même année. Ce sera l’occasion pour le MRC de présenter des candidats à ces scrutins, ce qui leur permettra de remplir les conditions pour déposer leur candidature.
Mais rien n’est pour autant joué : il existe toujours la possibilité d’organiser une élection présidentielle anticipée, ce qui mettre le MRC dans une position délicate : dans élus, pas de candidature. Ou encore, le pouvoir pourrait organiser l’élection présidentielle avant d’organiser les autres scrutins, pour un résultat similaire. Rappelons que personne, à part le président de la république, ne maîtrise le calendrier électoral, ce qui en soi est un handicap pour les partis de l’opposition.
DÉCLARATION AU SUJET DES ÉLECTIONS À VENIR
Il semblerait que le RDPC persiste dans son idée d’organiser l’élection présidentielle avant les élections législatives et municipales qui doivent se tenir en février 2025. J’avais montré lors de ma conférence de presse du 27 juillet…
— Maurice Kamto (@KamtoOfficiel) March 15, 2024
La stratégie de Maurice Kamto pour contourner ces éventualités, c’était de créer une coalition de partis de l’opposition dont certains auraient des élus, et qui le présenterait comme leur candidat. C’est ainsi que l’Alliance Politique pour la Changement (APC) est née. Cependant, l’APC ne fait pas l’unanimité dans l’opposition. D’ailleurs, en réponse à sa création, une autre coalition dénommée ATP (Alliance pour la Transition Politique) a vu le jour avec elle aussi pour ambition de rassembler l’opposition en vue du scrutin présidentiel à venir.
Maurice Kamto pourra-t-il, dans ces conditions, présenter sa candidature pour l’élection de 2025 ? A défaut de se présenter sous la bannière d’un parti politique ou d’une coalition, pourra-t-il se présenter comme candidat indépendant (ce qui nécessite de recueillir 300 signatures) ?
Cabral Libii : pas de parti, pas de candidature
Ce que Cabral Libii, arrivé troisième à l’élection présidentielle de 2018 selon les chiffres officiels, a de particulier, c’est qu’il n’a pas de parti politique. En 2018, il représentait le parti UNIVERS du Pr Prosper Nkou Mvondo. Leurs chemins s’étant séparés depuis lors, Cabral Libii a trouvé un autre parti d’adoption, le Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN) dont il est l’actuel président.
Du moins, jusqu’à il y a très peu. Une bataille donc les tenants et les aboutissants demeurent un poil flous, oppose Cabral Libii à Robert Kona, l’un des fondateurs du PCRN qui remet en question la présidence de Cabral Libii à la tête du parti.
Dans cette bataille, M. Kona a réussi à faire interdire le congrès du parti durant lequel le président serait élu. Au PCRN, personne ne se cache pour pointer du doigt le Ministre de l’Administration Territoriale (MINAT), Paul Atanga Nji, comme étant celui qui pilote ces attaques dont la cible toute désignée est Cabral Libii.
Le dernier épisode de cette bataille fratricide, c’est l’exclusion définitive de Robert Kona du parti, laquelle a été jugée illégale par le Ministre de l’Administration Territoriale. En retour, Robert Kona, qui signe désormais « Président Fondateur », a à son tour exclu Cabral Libii et une vingtaine d’autres membres des rangs de « son parti ».
En attendant la réaction du MINAT, il reste certain que l’avenir de Cabral Libii au PCRN est désormais incertain, et par conséquent sa participation à l’élection présidentielle de 2025. Rappelons que Cabral Libii a expliqué avoir essayé maintes fois de créer sa propre formation politique (« Les Citoyens »), mais a toujours été heurté à des obstacles à ce jour insurmontables.
Quelle opposition pour 2025 ?
La performance du Social Democratic Front (SDF) lors de l’élection 2018 – 4e avec 3,35% des suffrages valablement exprimés – n’était pas rassurante. Le parti qui avait toujours occupé l’avant de la scène semble avoir perdu en influence depuis que le leader historique, John Fru Ndi, a laissé la main à Joshua Osih. Le parti, donc le fief c’est les régions anglophones où la guerre fait rage depuis plusieurs années, semble désormais très affaibli.
Alors, si les choses s’annoncent compliquées pour Maurice Kamto et Cabral Libii, quel parti pourra faire trembler le géant RDPC, parti au pouvoir ? Le film de la présidentielle de 2025 au Cameroun semble avoir encore plusieurs épisodes à nous présenter.
Moudjo Tobue
Photo : AMISOM/Iwaria