Le 21 mai, les citoyens du Malawi se rendront aux urnes pour élire leur président, leurs députés et leurs conseillers municipaux. Les résultats de ces cinquièmes élections depuis que le pays a renoué avec la démocratie multipartite pourraient être les plus serrés jamais enregistrés

Le système utilisé au Malawi est celui du scrutin majoritaire uninominal à un tour, ce qui signifie que le candidat qui obtient le plus de voix à l’unique tour l’emporte. Lors des dernières élections en 2014, cela a permis à Peter Mutharika d’être élu président avec seulement  36% des voix. En 2017, une commission spéciale chargée d’examiner la loi a recommandé que le pays adopte un système exigeant que le vainqueur l’emporte à la majorité de 50 % + 1, mais le parlement s’y est opposé. Cela signifie que le même système est en place pour les élections très disputées de 2019 et qu’il est probable que le vainqueur l’emporte en recueillant même moins de 30 % des votes.

Sept candidats sont en lice pour la présidentielle, dont trois ont une chance de l’emporter. Le président Mutharika du Democratic Progress Party (DPP), le parti au pouvoir, a un avantage en tant que président sortant, bien que les réalisations durant son premier mandat soient suffisantes pour s’attendre à un renouvellement de son mandat. Lazarus Chakwera, leader du principal parti de l’opposition, le Malawi Congress Party (MCP), cherchera à faire encore mieux qu’en 2014 et à capitaliser sur les frustrations que suscite le gouvernement actuel. Et le troisième, le vice-président Saulos Chilima, qui a quitté le parti au pouvoir pour fonder l’UTM en juillet 2018, pourrait créer la surprise.

Course serrée à la Présidence

Le Malawi est confronté à une multitude de problèmes socioéconomiques. Plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, 11 % seulement ont accès à l’électricité et l’économie dépend fortement de l’agriculture qui est vulnérable aux chocs externes. La jeune population du Malawi est également touchée par un chômage élevé et la création d’emplois reste à ce jour la question en suspens dans la campagne électorale.

Concernant le 21 mai, il est cependant probable que les habitudes de vote soient fonction des trois régions du Malawi, comme ce fut le cas lors des précédentes élections.

Le bastion du DPP au pouvoir est la région Sud, en particulier autour de Lomwé, région natale de Mutharika. Le parti a également toujours enregistré de bons résultats dans le district de Ntcheu, dans la région du Centre, d’où est originaire Everton Chimulirenji, colistier du président.

Cette stratégie pourrait cependant être mise à mal par la candidature du vice-président Chilima et de son colistier Michael Usi ; leur liste étant un reflet de la liste Mutharika-Chimulirenji. Chilima est originaire de Ntcheu et le comédien Usi de Mulanje dans la région de Lomwé.

Le vice-président Chilima s’est brouillé avec Mutharika et a quitté le DPP en 2018. Il a entraîné avec lui quelques membres éminents du parti et a formé l’UTM. Ce nouveau parti s’est considérablement développé. En moins d’un an, il s’est imposé comme un candidat sérieux aux prochaines élections, même si l’on ne sait pas encore si les électeurs seront prêts à voter pour deux hommes dont l’expérience politique est minime. Chilima, âgé de 46 ans, n’avait occupé aucune fonction politique avant 2014 et Usi est un nouveau venu dans le monde politique.

Le MCP, quant à lui, espère tirer profit de ces rivalités. Ce parti établi de longue date a gouverné le Malawi de 1964 à 1994, essentiellement dans le cadre d’un système de parti unique dans lequel le président Hastings Banda avait souvent recours à la brutalité et aux violations des droits humains. Plus récemment, le leader Chakwera a cependant organisé une renaissance au sein du parti et réussi à faire oublier une partie de la réputation passée du MCP.

En 2014, Chakwara a perdu les élections à 448 519 voix près seulement et imposé le MCP comme le principal parti d’opposition au sein du parlement. Il avait devancé le président sortant, Joyce Banda, qui fait maintenant partie d’une alliance électorale avec le MCP. Cette alliance et d’autres partenariats pourraient aider le principal parti d’opposition à élargir sa base de soutien au-delà de son bastion qu’est la région Centre. En 2014, Banda a enregistré de bons résultats dans la région Nord et est originaire de l’est de la région Sud, tandis que Sidik Mia, colistier de Chakwera, est un ancien député du district de Chikwawa à l’extrême sud du pays.

Après le vote

L’élection étant serrée, il est très probable que les résultats électoraux soient contestés. En fait, Mutharika et Chilima semblent tous deux prêts à une telle éventualité et se sont mutuellement accusés de comploter pour truquer les résultats. Non seulement cela marque indéniablement un nouvel effritement des relations entre le président et son vice-président, mais cela pourrait également refléter l’ampleur des enjeux de l’élection pour le DPP et l’UTM.

Contrairement au MCP, qui survit en tant que parti del’opposition depuis des décennies, le DPP et l’UTM pourraient rencontrer des difficultés s’ils ne remportaient pas le scrutin. A 78 ans, Mutharika ne se représentera probablement plus et le DPP pourrait avoir du mal à rester intact sans lui. Dans le même temps, il est très probable que Chilima abandonne la politique s’il n’est pas élu président. Il ne se présente pas aux législatives et, s’il n’obtient pas ce qu’il veut, il pourrait facilement retourner dans le secteur privé, au sein duquel il a mené une carrière florissante.

Ce coude à coude électoral indique aussi que le parlement sera probablement très divisé. Cela pourrait signifier que des formations plus restreintes telles que le parti anciennement au pouvoir, l’United Democratic Front (UDF), pourraient jouer un rôle significatif. Depuis 2014, Mutharika s’est vu dans l’obligation d’obtenir le soutien des 14 députés de ce parti de l’opposition pour pouvoir promulguer les lois. En contrepartie, Atupele Muluzi, le chef du parti, a été nommé membre du cabinet, et l’affaire de corruption visant Bakili Muluzi, ancien président et père d’Atupele, a été étouffée.

Après le scrutin du 21 mai 2019, l’UDF et d’autres formations plus restreintes pourraient redevenir des « faiseurs de rois » dans ce qui s’annonce être une course divisée. Les pronostics étant trop serrés, il est impossible de savoir à une semaine des élections s’ils négocieront avec le DPP, l’UTM ou le MCP.

Cet article a d’abord été publié par African Arguments