Le 18 janvier 2019 la République de Chine via son vice-président Yang Jiechi a annoncé un allègement de la dette Camerounaise d’un montant de 45 milliards de nos francs.

Cette décision, comme il fallait s’y attendre, a fait jaser dans les chaumières et sur les médias. Pour la plupart de nos compatriotes, c’est une prouesse diplomatique réalisée par le président et pour laquelle il devrait être félicité par tous, tandis que d’autres ont tendance à penser qu’il ne faut pas forcément prendre cela pour une bonne nouvelle. Pour ma part, cet événement n’a réussi qu’à susciter quelques interrogations.

Le cameroun est-il un mauvais payeur ?

L’allègement de la dette du Cameroun, quoi qu’on veuille penser, donne l’impression non pas que le président est un fin diplomate, mais plutôt que le Cameroun a du mal à régler sa dette, et donc à respecter ses engagements.

Selon les informations publiées par certains journaux, le Cameroun doit plus de 3.280 milliards de francs CFA à la Chine. Certains de ces prêts ayant servi pour des projets non rentables, non rentabilisés ou pas (entièrement) réalisés, il semble tout à fait normal qu’on ait du mal à rembourser.

Certaines informations semblent d’ailleurs aller dans le même sens que ma perception de cet allègement : en effet, la dette annulée aurait dû être totalement payée en fin décembre 2018, délai que le Cameroun n’a pas respecté (comme plusieurs autres engagements pris envers la Chine). En un mot, ce n’est pas forcément de bon coeur que la Chine annule cette dette, mais bel et bien parce que le Cameroun se serait montré incapable de la payer. Ce qui amène à poser la deuxième question, celle sur la contrepartie.

Quelle est la contrepartie de cet allègement ?

C’est une règle bien connue : “les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts” (Charles de Gaulle). En d’autres termes, si la Chine a procédé à l’allègement de la dette camerounaise, ce n’est pas par philanthropie. Elle a certainement eu quelque chose en contrepartie, et jusqu’ici personne n’a clairement indiqué ce que le pays de Paul Biya avait mis sur la table.

Mais, pour qui connaît un peu le Cameroun, il y a lieu de s’inquiéter quand on sait que la plupart des grands travaux effectués au Cameroun sont faits par les Chinois, et que cette même Chine est le premier créancier du Cameroun : sur 6.527 milliards de dette, plus la moitié (3.282 milliards) sont dûs à la Chine. Qu’allons-nous céder cette fois-ci ?

La Chine est déjà omniprésente au Cameroun. Presque tous les récents projets d’envergure ont été réalisés avec l’accompagnement par l’Empire du Milieu : financement et/ou construction de ponts, d’autoroutes, de barrages hydroélectriques, pose de la fibre optique etc. Les supermarchés tenus par des citoyens chinois sont de plus en plus nombreux au Cameroun, et depuis quelques années le Chinois est enseigné aux élèves et aux étudiants camerounais.

Que nous reste-il donc à leur offrir ? C’est l’un des non dits de cette transaction prétendument diplomatique. Jusqu’à maintenant, aucune information n’a filtré sur ce qu’on a donné en retour, ce qui n’augure rien de bon.

Allons-nous vers le surendettement ?

Ce qui est inquiétant avec cet allègement de la dette Camerounaise, c’est qu’elle va servir de prétexte pour de nouveaux endettements, sans doute plus importants encore que le montant annulé. D’ailleurs, depuis sa prise de fonction, le président a déjà donné des accords de prêts pour un montant de 79.9 milliards de francs CFA pour la réalisation de divers projets.

Malgré les assurances données par le gouvernement, l’état d’endettement du Cameroun a de quoi inquiéter. Entre 2010 et 2017, la courbe de l’endettement du Cameroun est ascendante. Or, le président Paul Biya, alors qu’il plaidait pour l’allègement de la dette du Cameroun en Chine, a reconnu qu’il était difficile pour son pays de régler cette dette qui l’étouffe.

Encore plus inquiétant c’est l’effectivité des projets réalisés avec ces crédits et leur impact sur la société. Malgré les barrages construits, non seulement l’accès à l’électricité reste sélectif au Cameroun, mais en plus les zone alimentées en électricité ne l’ont pas de façon stable. Pareil pour les routes et autres infrastructures dont la construction engloutit des milliards de dollars mais n’avance presque pas. En un mot, les répercussions de ces crédit sur le bien-être des populations restent négligeables, malgré les proportions inquiétantes qu’il prend.

À quand la fin de l’endettement inutile ?

Si l’endettement est inévitable, l’endettement inutile par contre doit être éviter. Par endettement inutile, j’entends les prêts contractés pour réaliser des projets non prioritaires ou qui n’auront pas d’impact positif durable sur la population – prêter 75 milliards FCFA pour acheter 500.000 ordinateurs aux étudiants par exemple.

Dans cette même lancée, il faut un véritable suivi des réalisations pour lesquelles les prêts sont contractés. Ceci permettra d’éviter d’autres endettements pour les financements supplémentaires après que le montant obtenu préalablement ait été dilapidé dans les surfacturations et autres détournements. Le cas encore récent du scandale des chantiers de la CAN 2019 est parlant : plus de 1000 milliards dilapidés dans des marchés passés de gré à gré et dont aucun n’a encore été livré.

Pour le septennat en cours, le président a promis entre autres de réduire les importations de biens et service et de transformer localement. Espérons qu’ils tienne sa promesse pour qu’enfin le pays dépende moins des aides et du financement extérieur pour se développer et améliorer sa santé économique.