LES POLITICIENS africains ont depuis longtemps abandonné l’idée d’être au service des gens. Comme le Professeur kényan Patrick Lumumba, célèbre docteur en droit l’a observé, en Afrique, le chemin le plus court aux biens mal acquis est le leadership politique. Dans tout le continent africain, les exemples de la manière dont les citoyens pauvres continuent à se saigner pour permettre aux politiciens de mener un train de vie fastueux, abondent. Quelle est la valeur des nouveaux maitres ? Est-il juste que les politiciens les mieux payés du monde viennent de certaines des régions les plus pauvres de la planète ?

D’après le professeur Patrick Lumumba, presque tous ceux qui entrent en politique en Afrique le font dans l’intention malveillante de piller les coffres de l’Etat et de prolonger l’exercice de leurs fonctions.

S’exprimant lors de la 11e série de conférences du Kwame Nkrumah Memorial à l’université de Cape Coast au Ghana, le professeur Lumumba a questionné le comportement et les motifs des politiciens sur le continent africain.

 « Si vous voulez acquérir de la richesse sans rien faire pour la mériter, rejoignez la politique africaine ; cela est vrai dans toute l’Afrique, à quelques exceptions près. Le seul pays à se détacher aujourd’hui à cet égard est la Tanzanie, avec le Président John Magofuli. Pour le reste de l’Afrique, je ne sais pas… Excusez-moi, je ne suis qu’un visiteur », a déclaré le professeur de droit.

Il déplore le nombre de politiciens qui se sont soudainement enrichis après un court temps passé dans leurs fonctions. D’après lui, il est outrageux que les gens affirment fournir des services à la population pour se transformer en vampires s’abreuvant du sang de la population.

« Nos politiciens chassent et accumulent des propriétés, des voitures et de l’argent, est c’est pour cela que le leadership africain n’attire pas le meilleur de nos hommes et de nos femmes. Et l’électorat africain est également très sensible à l’argent », affirme-t-il.

Deux événements m’ont incité à appeler à une nouvelle réflexion sur la question. Le premier est la décision prise par les politiciens zambiens il y a quelques semaines d’accorder une allocation mensuelle conséquente aux conseillers municipaux du pays. Les politiciens des partis au pouvoir et des partis d’opposition ont appuyé la motion visant à ajouter un poste de dépense considérable à un budget national déjà malmené étant donné que la Zambie a toujours connu un déficit budgétaire et recherche activement des financements extérieurs pour l’aider à résoudre sa crise de la dette qui va s’aggravant. Les politiciens zambiens ne se préoccupent pas des pauvres, tant qu’ils (les politiciens) veillent les uns sur les autres. Ils ont peut-être raison lorsqu’ils affirment qu’il n’y a qu’une règle à connaître en politique – « Ne sous-estimez jamais la cupidité d’autrui ».

Ils s’inclinent devant la pression croissante des conseillers, dont bon nombre les ont aidés dans leurs campagnes dans leurs juridictions. Au lieu de trouver un moyen plus viable de considérer la prospérité des conseillers municipaux, les députés optèrent pour la solution facile, consistant à transférer la charge de récompenser leurs militants politiques au Trésor public. Une analyse a montré que le Trésor zambien cacherait la somme écrasante de 4,872 millions de kwachas tous les mois pour rémunérer les 1 624 conseillers que compte le pays. Sur un exercice financier, le Trésor dépensera plus de 58 millions de kwachas pour s’acquitter des allocations des Conseillers. Soit plus que les 35,6 millions de kwachas alloués pour le déploiement du programme de cantines scolaires sur le budget national 2017 selon une analyse publiée dans le Lusaka Times. Felix Mutati, ministre des Finances, aurait laissé entendre que la nouvelle augmentation était prévue au budget national 2017 dans le cadre du Fonds de péréquation du gouvernement local. Créé en 2014, le Fonds de péréquation du gouvernement local est un mécanisme de financement basé sur une formule, dans lequel le ministre des Finances met de côté 5 pour cent des recettes tirées de l’impôt sur le revenu, réservées au financement des conseils. Selon cette ventilation, il est évident que le fond sera maintenant rogné par les allocations des conseillers, ne laissant rien pour la prestation de services par le gouvernement local.

La seconde raison pour laquelle je suis encouragé à réfléchir à cette question est la décision prise par les députés UPND de l’opposition de boycotter le discours sur l’Etat de la Nation par le Président Edgar Lungu. Nombre de Zambiens considèrent leur décision de ne pas assister à une session d’une demi-journée en signe de protestation contre ce qu’ils qualifient d’illégitimité de la part de la présidence – le Président de l’UPND, Hakainde Hichilema, n’ayant pas déposé sa requête présidentielle devant les tribunaux – comme illogique. La raison en est que les mêmes députés ont continué à bénéficier d’allocations colossales de la part du même gouvernement qu’ils prétendent ne pas reconnaître. Dans l’intérêt de qui mènent-ils leurs actions ? Les législateurs zambiens sont surrémunérés et ont oublié la souffrance de leur peuple. C’est pourquoi ils sont prêts à se battre avec autant de véhémence pour revenir au Parlement. Pourquoi sont-ils prêts à dépenser autant d’argent pour remporter une élection ? N’a-t-il pas été répété à de multiples reprises aux étudiants en politique qu’il s’agit d’être au service des gens ? N’est-il pas surprenant de voir que pendant que le peuple Zambien continue à prier pour l’unité entre les politiciens pour mettre un terme à la violence, aux problèmes liés à la constitution et à la dette, il n’y ait pas d’unité, mais que d’un seul coup, on observe une unité sans précédent dès lors que les politiciens s’accordent une augmentation dans leurs allocations et autres avantages financiers ?

A titre d’indemnisation pour ses responsabilités parlementaires, chaque député se voit verser un salaire mensuel d’environ 23 000 kwachas. Ceci inclut une indemnité spéciale, une indemnité de services et une allocation pour l’entretien des véhicules motorisés. Ils disposent également de quelques avantages indirects lucratifs, comme une allocation mensuelle de carburant de 500 litres et d’une indemnité de session de 1 500 kwachas par jour pour chaque session parlementaire et réunion de comité. Cela signifie qu’un député peut gagner 3 500 à 6 000 kwachas supplémentaires par jour en fonction du nombre de réunions de comité et de sessions parlementaires auxquelles ils assistent. Les périodes de réunions parlementaires se tenant trois fois par an pour un total moyen de 140 jours par an, ceci donne aux députés l’opportunité de faire plus que doubler leur salaire mensuel grâce aux seules allocations. Ils ont également droit à un prêt sans intérêt pour importer la voiture de leur choix en franchise de droit pour un montant maximum de 65 000 USD

A la fin de leur mandat, les députés reçoivent une rente de 100 percent du total de leur salaire parlementaire versé deux fois, une fois au cours de la troisième année sous forme d’avance (ce qu’on appelle rente à moyen terme) et le solde à la cinquième année. Les députés actuels doivent recevoir leur rente à moyen terme en octobre. En fonction de la distance à leur circonscription, ils peuvent également toucher une indemnité carburant pour leur permettre d’assister aux séances du parlement pouvant aller jusqu’à 3 000 K pour l’aller-retour. Les frais d’hébergement lors de l’exécution de leurs fonctions parlementaires sont financés par les contribuables, y compris le coût de leur séjour au Motel du Parlement (bien qu’il est vrai que celui-ci ait connu de meilleurs jours).

Si l’on additionne tout cela, il est difficile de voir comment les députés (dont nombre disposent de revenus indépendants par leur emploi habituel, cabinets-conseil ou entreprises prospères), peuvent se plaindre de leur salaire. On peut être d’avis qu’une rémunération globale aussi généreuse suffit pour leur permettre de répondre aux exigences familiales et de traiter les besoins de leur circonscription.

Les politiciens haut placés directement en charge de ministères sectoriels et qui développent des politiques pour influencer les générations à venir sont appelés ministres, un terme désignant littéralement les serviteurs du peuple. Cependant, même le politicien le plus bas placé aujourd’hui en Afrique se conduit avec une arrogance et une fierté indues, davantage comme un maître et non comme un serviteur. Les politiciens africains ont réussi à se faire la réputation d’accumuler des richesses qu’ils ne peuvent justifier et peuvent finir par amasser de grandes quantités d’argent sur des comptes à l’étranger, que nombre de personnes soupçonnent être le fruit de la corruption et la criminalité. Des politiciens moins innovants que ce qu’on a pu voir en Zambie optent même pour enterrer leur argent.

Selon la base de données en ligne MYWAGE, le président le mieux pays d’Afrique est Jacob Zuma, en Afrique du Sud, avec un salaire annuel de 272 000 USD. Le président zambien, Edgar Lungu, figure dans la liste des dix présidents les mieux payés d’Afrique. Edgar Lungu gagne plus de 98 000 USD par an. En Zambie, l’indemnité présidentielle annuelle s’élève à 523 4340 kwachas (68 410 USD), composée d’une indemnité de 414 406 kwachas et d’une allocation de 108 934 kwachas.

La plupart des habitants d’Afrique vivent dans la pauvreté la plus abjecte et peuvent à peine s’offrir un repas par jour. Mais les politiciens gagnent chaque jour beaucoup d’argent. Hormis les simples salaires qu’ils gagnent « légalement », les dirigeants africains gagnent de l’argent par le biais de pots de vin, d’indemnités de déplacement, d’indemnités de session, d’indemnités de panier, d’indemnités de représentation, d’indemnités pour enfants à charge, d’assurance maladie et autres indemnités spéciales. Ces indemnités sont en fait ce qui enrichit les politiciens.

Nombre de Zambiens sont encore sous le choc de la vitesse à laquelle le président Lungu s’est enrichit en aussi peu de temps. Dans les 15 mois suivant sa prise de fonctions, la richesse de Lungu a augmenté pour passer de 10,9 millions de kwachas à plus de 23 millions.

Le professeur Lumumba a raison quand il affirme que le chemin le plus court pour s’enrichir en Afrique est tout simplement de faire de la politique.