Au Sénégal La construction d’une centrale à charbon dans la ville de Bargny située à une trentaine de  kilomètres de Dakar, a créé une véritable psychose dans cette contrée de 60 000 âmes qui respirent déjà les poussières de la plus grande cimenterie de l’Afrique de l’Ouest.

Coincée à l’Est par la cimenterie, grignotée à l’Ouest par l’avancée de la mer, la ville de Bargny qui va abriter le futur port vraquier et minier, et la première centrale à charbon du Sénégal, affiche ses indicateurs de pollution « le Rouge ».

La ville côtière de Bargny a une économie essentiellement rythmée par la pêche. Une certaine frange de la population se mobilise dans la ville de Bargny, pour montrer son désaccord face à la prolifération de projets à gros impacts environnementaux dans la zone.

Le motif de la discorde : la centrale à charbon

Pour combler son déficit énergétique l’Etat du Sénégal avait lancé en 2008, à travers son plan Takkal, la réalisation d’une centrale à charbon dans la ville côtière de Bargny.  Ce projet  qui consiste à la construction d’une centrale à charbon de 125 MW a nécessité un investissement de 118 milliards de francs CFA et l’utilisation de 29 hectares à proximité du village de Mimam, qui dispose d’un petit quai de débarquement des pêcheurs. Cette centrale est construite par la société suédoise Nykomb avec le financement de la Banque Africaine de Développement (BAD). Elle  a la capacité de pomper 15000 m3 d’eau de mer par heure, et bruler 350 000 tonnes de charbon par année.

Les conséquences

Selon  Ibrahima Diagne, président de l’Association environnementale Takou Art Jerry  les dispositions légales prévues par l’article 13 du code de l’Environnement (L13-2001 de la loi 2001-1 du 15 janvier 2001) n’ont pas été prises en compte dans la réalisation de ce projet:

« La confrontation de cette disposition légale à la réalité géographique et urbaine du site de la centrale découragerait avec juste raison tout autre promoteur d’un si grand projet. En effet Dame Nature n’a pas du tout plaidé en faveur des initiateurs du projet. Car le site en question est bien limité à l’ouest par la rivière Khouloupe (cour d’eau). Ce cour d’eau qui prend sa source depuis le bassin de rétention du Nord de Bargny, qui arrose à son passage la zone agricole avant de se déverser dans l’océan atlantique au Sud par l’embouchure hivernale Banoukhba. Donc la marge de 500m demeure  incertaine voir impossible par rapport aux positionnements des établissements recevant du public (ERP) ».

Une des dispositions de cette article stipule que :

« Cette autorisation est obligatoirement subordonnée à leur éloignement, sur un rayon de 500 m au moins, des habitations, des immeubles habituellement occupés par des tiers, des établissements recevant du public et des zones destinées à l’habitation, d’un cours d’eau, d’un lac, d’une voie de communication, d’un captage d’eau. »

Il faut ajouter à cela que les résultats de l’Etude d’Impact Environnemental et Social  mentionne un certain nombre d’impacts négatifs dont :

  • La pollution des eaux de surfaces et des eaux souterraines ;
  • Les rejets d’eaux chaudes, de polluants dangereux (NOx, SO2, CO) et d’eaux usées qui vont entraîner la destruction de l’écosystème marin et de la biodiversité dans la zone ;
  • La pollution sonore et l’altération de la qualité de l’air avec des effets néfastes sur la santé ;
  • La dégradation du couvert végétal par déversements de métaux lourds ;
  • Les émissions de gaz à effet de serre et impacts sur les changements climatiques ;
  • l’empiétement sur le site de transformation de poissons et expropriations sur le foncier.

Les populations de Bargny se battent déjà contre la pollution de la société de cimenterie mais aussi contre l’avancée de la mer.  Elles craignent l’écroulement d’un des secteurs les plus dynamiques de la zone à savoir la pêche avec le déversement des eaux de refroidissement dans la mer. Les femmes qui s’activent dans la transformation des produits halieutiques craignent aussi la perte de leur source de revenu car l’exploitation du charbon n’étant pas compatible avec l’activité alimentaire.

 

L’acceptabilité sociale une nécessité

Pour Julie Caron-Malenfant et Thierry Conraud l’acceptabilité  sociale est le :

« Résultat d’un processus par lequel les parties concernées conviennent ensemble des conditions minimales à mettre en place pour qu’un projet, un programme ou une politique s’intègre harmonieusement, à un moment donné, dans son milieu d’accueil. Selon cette définition, l’acceptabilité sociale est le résultat d’un processus de dialogue social entre le décideur ou le promoteur et les communautés concernées par le projet.[1] »

Il est impératif dans l’élaboration et  la mise en œuvre de ce type de projet que le citoyen soit au cœur du processus. Les autorités doivent être perpétuellement à la recherche d’un large consensus en favorisant l’accès à l’information mais aussi informer les populations sur les bénéfices pour la collectivité.

 

Pour conclure, le projet fait face à une situation de non acceptation sociale par une frange de la communauté de Bargny. Dès lors, la question fondamentale qu’il faudrait se poser est de savoir  dans quelle mesure la confiance entre les communautés et le projet pourra être restaurée ?

 

[1]  Extrait du Guide pratique de l’acceptabilité sociale : pistes de réflexion et d’action, Éditions DPMR)