La Cour pénale internationale ou CPI n’a pas bonne presse. C’est le moins que l’on puisse dire. Elle est très souvent montrée du doigt pour son acharnement envers les dirigeants africains. Nombre de gens à travers le continent ont salué les Chambres africaines extraordinaires (CAE), créées en vertu d’un accord entre l’Union africaine et le Sénégal et à l’origine de la condamnation à la prison à perpétuité de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré en 2016. Le souhait qu’une institution permanente de ce type soit créée en Afrique afin que les dirigeants africains soient jugés en Afrique par des africains a très souvent été manifesté. L’origine gambienne de la procureure générale de la CPI Fatou Bensouda ne semble plus émouvoir grand monde.

Beaucoup critiquent la Cour pénale internationale, mais peu de gens savent vraiment ce qui s’y passe, comment elle fonctionne, quels sont les différents bureaux qui la composent. C’est certainement dans le souci de mieux informer les populations sur ces questions que conjointement avec l’APO, le Bureau du Conseil public pour la Défense (BPCD) de la CPI a organisé une rencontre virtuelle entre Jean-Xavier Keita, conseiller principal du bureau, et des journalistes et journalistes citoyens à travers l’Afrique, rencontre à laquelle j’ai eu l’honneur de participer le 13 novembre dernier.

Tout comme le Bureau du Conseil public pour les Victimes, le Bureau du Conseil public pour la Défense a été institué en 2004 lors de l’adoption du Règlement de la Cour par les juges de la CPI. Les deux bureaux ont été institués car l’organisation des doits de défense n’était pas claire au sein de la Cour, malgré la reconnaissance de ces droits au sein du Statut de Rome. Bien que dépendant du budget régulier de la CPI, ainsi que du greffe pour les questions administratives, le personnel de chacun des deux bureaux est indépendant et n’est pas considéré comme faisant partie du personnel la Cour. Au contraire du Bureau du Conseil public pour les victimes qui assure de manière indépendante la représentation légale des victimes tout au long des procédures, Bureau du Conseil public pour la Défense apporte un appui juridique à l’équipe de défense de l’accusé.

Le caractère indépendant d’un bureau au sein de la CPI appuyant la défense pourrait faire lever les sourcils à plus d’un. Comment est-il possible que la CPI qui juge et condamne ou acquitte les accusés investisse dans leur défense ? En réalité, ceci est tout à fait normal. Comme dans tout tribunal régulier, la défense des accusés doit être assurée. Si elle ne peut pas l’être, un avocat est commis d’office. Au cas où la personne poursuivie par la CPI n’a pas les moyens d’assurer sa défense, le BPCD lui est commis d’office, et la communauté internationale assure les frais.

Après les premières années d’activité de la CPI en 2011, les juges ont clairement défini les rôles du BPCD dont certains sont les suivants : représenter et protéger les droits de la Défense au stade initial de l’enquête ; sur instruction ou avec l’autorisation de la chambre, présenter des observations concernant les besoins de la Défense dans le cadre des procédures en cours ; fournir une aide et une assistance d’ordre général aux conseils de la Défense et aux personnes ayant droit à se faire assister par un défenseur, y compris en effectuant des recherches et en donnant des avis juridiques et, sur instruction ou avec l’autorisation de la Chambre, fournir des avis et une assistance concernant les aspects factuels détaillés de l’affaire ;  comparaître, sur instruction ou avec l’autorisation de la chambre, dans le cadre de questions spécifiques ; présenter, sur instruction ou avec l’autorisation de la chambre, des conclusions au nom de la personne ayant droit à se faire assister par un défenseur lorsque celle-ci n’a pas encore de conseil attitré ou lorsque le mandat de représentation accordé à un conseil à titre temporaire se limite à d’autres questions ; agir en tant que conseil désigné ; assister ou représenter le conseil de la Défense ou les témoins de la Défense lorsqu’ils font l’objet des procédures définies.

D’après les explications de Jean-Xavier Keita au cours de la rencontre, il a été recruté par la CPI pour diriger le Bureau pour la défense, et a lui-même procédé au recrutement du personnel du Bureau afin que la Cour dans son ensemble n’intervienne pas dans le processus et n’influe en rien sur le caractère indépendant du Bureau. Le Bureau n’intervient pas de son propre chef lors de procès. Soit il est commis d’office, soit l’équipe chargée de la défense de l’accusé dépose une requête d’assistance. Cette requête est approuvée si le personnel est disponible, et l’appui est apporté. Ça a été le cas dans le cadre de la défense de l’ancien président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, ou de l’homme politique ivoirien Charles Blé Goudé, actuellement poursuivi par la CPI pour crimes contre l’humanité. Les équipes de la Défense sont tenues de demander l’autorisation d’exercer devant la Cour en sollicitant leur inscription sur les listes pertinentes créées et mises à jour par la Cour

En cas de nécessité et sous certaines conditions, le BPCD peut agir en tant que conseil, conseil de permanence ou conseil d’appoint d’un suspect ou d’un accusé. Il a par exemple occupé ces fonctions et a représenté Salif Al-Islam Kadhafi le temps de la procédure touchant à l’admissibilité du dossier, et a fait office de conseil de permanence pour de nombreux autres suspects ou accusés dans des cas d’urgence. Au cours de la rencontre virtuelle, Jean-Xavier Keita a expliqué que le rôle du Bureau va plus loin que l’assistance aux équipes de défense, et Fabrice Bousquet a su le mettre en mots : « Il préserve et capitalise l’expérience acquise au fil des affaires, favorisant l’efficience du soutien qu’il apporte. Il constitue un bureau de référence et de confiance à qui chaque équipe de défense peut s’adresser, et qui leur permet d’avoir une vue d’ensemble sur la jurisprudence des différentes affaires en cours et passées ».

Il serait intéressant pour la majorité de mieux comprendre le fonctionnement de la Cour Pénale internationale. Les critiques négatives contre la Cour ne sont pas vides de sens, mais il serait plus utile de critiquer de manière informée, éclairée, et ne pas se limiter à ce qui est vu en surface. Je propose à cet effet la lecture de ce document rédigé par Fabrice Bousquet qui, au-delà de la discussion avec Jean-Xavier Keita, m’a informé de l’univers au sein de la CPI.