Par Awuor Alai

Le monde subit actuellement ce qui est la définition à la lettre du phénomène de changement climatique : une modification à long terme des régimes climatiques et des températures. Si le changement climatique peut être provoqué par des événements parfaitement naturels, les activités humaines résultant de l’urbanisation ont catalysé ce processus dont les conséquences sont plutôt graves.

L’indice de vulnérabilité climatique de 2015 indiquait que les dix principaux pays à risque se trouvaient tous en Afrique. Une tendance qui n’avait pas beaucoup changé en 2019, le Mozambique, le Zimbabwe et le Malawi se classant parmi les territoires les plus touchés du continent.

Tous les pays du monde sont touchés par le changement climatique, mais l’indice permet d’établir un classement en fonction de l’impact que subit chaque pays et de son degré de préparation à un tel événement.

Il va sans dire que compte-tenu de ces paramètres, l’Afrique subira de plein fouet les effets du changement climatique et les répercussions qui en découleront, à moins que les mesures climatiques indispensables ne soient mises en œuvre. En voici la raison.

Tout d’abord, le continent africain est largement tributaire des conditions climatiques (c’est-à-dire du régime des pluies) pour nourrir sa population. Le régime des pluies est déjà particulièrement imprévisible et les volumes restent dramatiquement insuffisants pour assurer la subsistance de la plupart des pays africains.

Deuxièmement, le système climatique de l’Afrique est vaste et reste largement sous-étudié. Par rapport à d’autres régions habitées, le système climatique de l’Afrique est une combinaison de très grands systèmes météorologiques venus de différentes régions, distantes, de la planète. Un système aussi vaste et aussi peu étudié ne manquera pas de réserver une ou deux surprises lorsqu’il sera soumis à la pression du changement climatique.

La troisième raison pour laquelle le changement climatique risque de frapper durement l’Afrique est l’ampleur des effets qu’il aura. Selon le professeur Richard Washington (professeur de science du climat à l’Ecole de géographie et d’environnement et membre du Keble College à Oxford), les deux plus importantes réductions de précipitations terrestres prévues à la fin du siècle sur toute la planète se produisent en Afrique, l’une en Afrique du Nord et l’autre en Afrique australe.

La quatrième raison, la plus triste, est la capacité du continent africain à faire face aux effets du changement climatique. Au niveau individuel, les Africains sont limités par la pauvreté et au niveau national, la plupart des gouvernements africains restent indifférents au changement climatique et ignorent les mesures à mettre en place. Si le continent ne se réveille pas, il se dirige tout droit vers un cataclysme d’une ampleur jamais vue.

Conférence de Glasgow

Le sommet de la COP26 de l’année dernière était le plus important depuis l’accord de Paris. L’objectif principal était d’accélérer la réalisation des objectifs fixés lors du sommet précédent, car le changement climatique n’est plus imminent ; il s’agit d’un danger très présent qui affecte déjà la vie sur la planète.

Une discussion pertinente qui s’est tenue durant le sommet a traité de la manière dont le monde dans son ensemble pouvait parvenir à une reprise durable après la pandémie de Covid-19. La nécessité pour le monde de rester solidaire des pays qui restent vulnérables a été réaffirmée à l’unanimité si l’on veut pouvoir s’attaquer résolument au changement climatique.

Lors de ce sommet qui s’est déroulé du 31 octobre au 13 novembre, il a été convenu que les principes précédemment convenus lors des précédentes COP et de l’accord de Paris devaient être maintenus. Parmi ceux-ci figurent l’importance de la biodiversité dans la gestion du changement climatique, le multilatéralisme, le respect des droits inhérents des communautés locales, des migrants, des personnes handicapées, l’équité intergénérationnelle et l’autonomisation des femmes.

Ces dernières années, la science n’a pas bénéficié de l’audience qu’elle aurait mérité d’avoir en matière de changement climatique. Cependant, les rapports d’organisations de premier plan telles que le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui fait autorité en matière de science et de changement climatique, ont été au cœur des décisions prises lors du sommet de 2021.

La science a réussi à décrire le scénario auquel le monde est confronté, à recommander les mesures à prendre pour qu’une hausse de température de 1,5 °C soit possible et à montrer exactement pourquoi certaines régions étaient plus touchées par le changement climatique que d’autres.

L’Afrique en ligne de mire

L’Afrique est déjà durement touchée par les effets du changement climatique. La sécurité, la santé, la productivité alimentaire et les moyens de subsistance des populations du continent se détériorent déjà à un rythme préoccupant. L’Afrique australe et certaines parties de la région du Sahel ont connu une baisse marquée de leurs précipitations, tandis que c’est exactement le phénomène contraire qui se produit en Afrique centrale.

Au cours des 400 dernières années, l’Afrique a essuyé coup sur coup des catastrophes naturelles telles que des inondations et des sécheresses. Leur nombre a désormais doublé et le continent a enregistré les taux de mortalité causés par les sécheresses les plus élevés.

Le changement climatique a des répercussions sur les régimes climatiques, la disponibilité (et la qualité) de l’eau, la production alimentaire, la santé des populations, le logement et la sécurité nationale et internationale.

Les Nations unies prévoient par exemple que l’eau pourrait être la principale cause de conflit dans la région africaine (en particulier dans les cas où les plans d’eau sont partagés par plusieurs pays) dans les 25 prochaines années. Une telle situation suffirait à elle seule à faire sombrer le continent dans un chaos inimaginable.

L’Afrique est sans aucun doute confrontée à des chiffres et des statistiques accablants, mais l’ironie du sort veut que le continent soit responsable de moins de quatre pour cent du total des émissions de carbone dans le monde.

Malgré une contribution infinitésimale à la situation actuelle, le statut socio-économique du continent le rend disproportionnellement vulnérable aux effets délétères du changement climatique. Il incombe aux grands émetteurs que sont notamment les États-Unis et la Chine d’aider les nations africaines, et notamment les régions rurales de ces pays, à atténuer les effets du changement climatique. Ce n’est pas seulement pour le bien de l’Afrique, mais pour celui de la planète entière.

Priorités pour l’Afrique

L’Afrique est confrontée à un problème de fond très lourd ; que la promesse de 100 milliards de dollars par an faite par les pays riches d’ici 2023 se concrétise ou non, le continent doit faire son possible pour s’en sortir seul. Le plan doit aller au-delà d’un simple financement des mesures d’adaptation. Au-delà du financement, l’Afrique a besoin de toute urgence d’un soulèvement en termes de connaissances et de planification des actions climatiques.

Les principaux domaines d’action retenus à Glasgow sont l’adaptation, le financement de la lutte contre le changement climatique, le transfert de technologies et le renforcement des capacités. Toutes les autres interventions et leur succès à long terme dépendent dans une large mesure du financement. La dette africaine, notamment face à la pandémie de Covid-19, constitue un défi considérable.

L’investissement du secteur privé doit être adopté en Afrique comme moyen de tirer parti des ressources publiques disponibles. Des systèmes innovants tels que les obligations bleues et vertes, les échanges de dettes ou les financements mixtes peuvent être utilisés pour permettre de rassembler les investissements massifs nécessaires afin de lancer et de pérenniser l’action climatique.

La Banque mondiale a suggéré des moyens d’y parvenir, en adoptant par exemple une approche fondée sur l’allègement de la dette en échange de l’engagement des pays à mener une action climatique. La principale pierre d’achoppement en matière de transfert de technologies, comme cela a été rappelé lors de la COP26, consiste à donner aux pays pauvres les moyens d’abandonner les combustibles fossiles et de se tourner vers les énergies renouvelables.

Les efforts déployés à cette fin doivent doubler, voire tripler sans quoi selon les prévisions, d’ici 2050, les pays pauvres en énergie seront responsables de 77 pour cent des émissions mondiales. Cela rendrait inutiles tous les progrès réalisés par les pays riches.

L’effort en faveur de ce que l’on a qualifié de transition juste est essentiel dans la course vers l’élimination de la production d’émissions. Cela signifie simplement qu’il est important que le monde reconnaisse que la position de l’Afrique n’est pas aussi avantageuse qu’elle pourrait paraître.

Les stratégies adoptées doivent donc être favorables aux pauvres, au développement et assurer une bonne qualité de vie à un maximum d’habitants de la planète. Alors que le monde apporte son soutien à l’Afrique dans cet effort, il est également nécessaire de trouver des solutions locales afin de garantir la mise en œuvre et la pérennité de nos engagements nationaux et continuer à contribuer à l’effort mondial en faveur de l’objectif « zéro émission nette ».

Photo de couverture par Markus Spiske de Pexels