La disparition brusque et brutale du président Henri Konan Bédié, 89 ans, est une grosse perte pour la Côte d’Ivoire politique mais aussi et surtout pour son parti, le Pdci-Rda, qu’il a dirigé 29 ans durant.
À l’aube de la commémoration du 63ème anniversaire de la Côte d’Ivoire indépendante, le 7 août, un de ses fils s’est couché. À jamais. Et pas n’importe lequel ; Henri Konan Bedié, le deuxième président élu de l’histoire de la république de Côte d’Ivoire. Arraché à l’affection des siens et de toute la nation ivoirienne, ce 1er août 2023, à la suite d’un malaise dont il ne se remettra jamais.
Un décès qui constitue une énorme perte pour la Côte d’Ivoire politique. Lui qui a fait partie du trio infernal qu’il constituait avec Alassane Ouattara, actuel chef de l’état, et Laurent Gbagbo depuis ces trois dernières décennies. Leur particularité et point commun c’est d’avoir gouverné, chacun, le pays. Alliés puis adversaires politiques selon les saisons électorales, les Ivoiriens ont expérimenté tous les accords politiques avec cette fratrie dirigeante.
De sa succession au Pdci-Rda
Il est sans doute trop tôt pour évoquer la succession d’Henri Konan Bédié à la tête du Pdci-Rda. Mais quand arrivera le moment, le plus vieux parti ivoirien avait déjà tout prévu à travers ses textes. Et l’article 40 des statuts y est explicite. Selon cet article, » Le président du parti est élu par le Congrès. Il est rééligible. En cas de décès, démission ou empêchement absolu, l’intérim du président du parti est assuré par le doyen d’âge des vice-présidents. La durée de l’intérim ne peut excéder 6 mois, sauf si la durée du mandat restant à courir est inférieur ou égale à un an ».
Dans le cas échéant, c’est Cowpry Boni, le doyen d’âge des vice-présidents qui devrait assurer l’intérim dans la logique, nous fait savoir une source interne au Pdci-Rda. » Mais vu qu’il est fatigué parce que trop vieux, c’est Gaston Ouassenan Koné, moins âgé que lui qui devrait prendre la place. Donc il n’y a pas de problème de succession de Bedié, à moins que des gens veuillent semer le trouble pour rien », confie la même source. On le voit, la succession légale de l’ex-président de la plus vieille formation politique ivoirienne ne pose aucun problème d’emblée.
Qui était Henri Konan Bédié…
Avec le décès subit de l’ancien chef de l’état ivoirien (1993/1999), un pan du chapitre de la Côte d’Ivoire politique s’achève. Qu’on l’aime ou pas, le sphinx de Daoukro, a laissé une tache indélébile dans la conscience collective ivoirienne. Pour le meilleur pour certains, et le pire pour d’autres. Qu’à cela ne tienne.
Bien qu’évincé du pouvoir en 1999 par un coup d’état militaire, Bédié est tout même demeuré un acteur majeur dans la sphère politique ivoirienne. Lui qui ne renaîtra plus jamais de ses cendres en dépit de ses multiples tentatives de retoucher aux lambris dorés du palais présidentiel. L’alliance politique de son parti avec le Rdr pour donner le Rhdp n’y changera rien. L’accord politique dit de Daoukro non plus. Pas moins ses multiples alliances politiques.
Avant de briguer la magistrature suprême en Côte d’Ivoire (1993)-succédant ainsi à Félix Houphouët-Boigny en application de l’article 11 de la constitution ivoirienne-HKB connut un brillant parcours académique et professionnel.
Après un bac scientifique en 1954, c’est à l’université de Poitiers qu’il termine ses études universitaires avec une licence en droit et un diplôme supérieur en économie politique en poche. De retour en Côte d’Ivoire en1958, il fut successivement directeur de la Caisse de prévoyance sociale et des protections sociales, premier ambassadeur de la Côte d’Ivoire aux USA et au Canada (1961/1966), ministre de l’économie et des finances(1968/1977), président des assemblées annuelles du FMI/BIRD puis président de l’assemblée nationale (1980/1993). Sans oublier qu’il était déjà député de Daoukro depuis 1980.
Dans sa quête de reconquête du pouvoir d’état, il divorce d’avec Alassane Ouattara en 2018, conséquences de plusieurs divergences politiques.
Réélu président de son parti pour la énième fois au dernier bureau politique de son parti, Bédié était destiné pour être le candidat du Pdci-Rda à la présidentielle de 2025. Ce sera, hélas sa dernière volonté. Et son dernier acte politique remonte à mai 2023 où son parti a passé un accord politique avec le PPA-CI de Laurent Gbagbo dans le cadre des élections municipales et régionales de septembre 2023.
Des vœux que le baobab de Daoukro ne verra plus jamais s’accomplir avec sa disparition. Pour laquelle dix jours ont été décrétés deuil national, du 2 au 11 août 2023. Dix jours durant lesquels le drapeau ivoirien sera en berne sur toute l’étendue du territoire national et à l’extérieur où se trouvent des ambassades de la Côte d’Ivoire. Cela en attendant des obsèques au plan national.
On le voit, le roi s’est vraiment couché. Vive le roi.
Maria de Dieu
Credit photo : Wikimedia Commons