Le système sanitaire ivoirien peine toujours à retrouver ses lettres de noblesse. Malgré les réformes en cours, il accuse encore d’importants déficits du point de vue financiers, techniques et humains.
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Vétusté des services, sous-effectifs, désorganisation et mauvaise formation de certains agents.
Dans les couloirs de certains centres du pays le tableau qui se présente n’est pas reluisant. Dans cette période où la propagation de la maladie à coronavirus COVID 19 est toujours préoccupante, des agents de certains centres de santé continuent de foutre au pied les mesures barrières édictées par le gouvernement
À Bouaké, au centre de la Côte d’Ivoire, même si l’observation de ses mesures s’est accentuée pendant les premiers moment de la pandémie, il est déplorable de constater que l’application des mesures barrières a drastiquement baissé au Centre Hospitalier Universitaire(CHU) Bouaké, deuxième grande ville du pays. Ce n’est pas un cas isolé mais un mauvais exemple constaté dans la quasi-totalité des centres de santé communautaire.
Centres de santé; de véritables commerces
Au-delà du non-respect des mesures barrières, des centres de santé sont devenus de véritables centres commerciaux. Le patient n’est accepté que sur présentation de billets de banque, quelque soit son état.
Dans cet environnement où l’accueil et des règles élémentaires d’hygiène laissent à désirer, de petits commerces s’installent progressivement.
<<Madame, ça fait 4500f, si vous n’avez pas de monnaie, on fait transfert d’unité ici .C’est ainsi qu’une jeune dame habillée en blouse blanche s’est adressée à moi lorsque je suis venue accompagner mon fils, malade au centre de santé communautaire le Refuge à Broukro,un quartier périphérique de la ville.>> confie Sylvie Ahiba, toute furieuse.
Elle raconte l’une des journées les plus folles de sa vie. À la question de savoir si les soins dans ce centre de santé sont de qualité, dame Sylvie Ahiba répond « Je n’ai pas apprécié l’environnement mais ils ont réussi à soigner mon fils, c’est l’ essentiel pour moi »
Dans les hôpitaux ivoiriens, l’habitude devient une seconde nature. les témoignages liés au mauvais traitement des patients sont légions. Des Centres Hospitaliers Universitaires( CHU),aux centres de santé Communautaires ( CSC) en passant les Centres Hospitaliers Régionaux ( CHR), le constat est le même .
Dans ces lieux où le serment d’hypocrate devrait servir de boussole, c’est la cacophonie et l’irresponsabilité professionnelle de certains agents qui prend le dessus. Selon Dr. Koné E, médecin à la retraite, rencontré au service de Pédiatrie du CHR de Yamoussoukro, capitale politique et administrative du pays, le manque de conscience professionnelle est du ressort de la corruption qui s’enracine dans tous les services en Côte d’Ivoire. << Jeune frère, dans les années 1975, quand tu es infirmier ou médecin, tout ton entourage est fier. Mais aujourd’hui, la tricherie a élu domicile dans tous les amphithéâtres. Pour rentrer à l’institut National de Formation des Agents de Santé ( INFAS), il faut passer par un concours. Dans certaines familles, les membres se cotisent de l’argent pour aller corrompre le service en charge du concours. Et c’est comme ça partout dans les administrations en Côte d’Ivoire. La conséquence , c’est ce que nous constatons aujourd’hui . L’argent est au devant de tout>> déplore t-il.
En Côte d’Ivoire, le mauvais traitement des patients dans les centres de santé endeuille au quotidien des familles.
<<Le 09 février 2021, ma grande sœur est décédée au centre de traitement des maladies infectieuses ( COVID-19) au CHU de cocody du fait de manque d’oxygène et par négligence des médecins traitants. Le Professeur Ehui nous a donné une ordonnance , nous devrions acheter 3 boîtes de pastilles d’électrodes ECG. Quand nous sommes arrivés à la pharmacie, le pharmacien nous a dit que c’est trop. Il nous a donné une( 1) boîte au lieu de trois(3). Lorsque nous sommes arrivés au service de réanimation, nous avons remis la boîte au médecin au service des urgences, elle était dans tous ses états. Elle n’avait besoin que de trois(3) pastilles, nous rappelant qu’une boîte en contient 100. On a vite compris que la santé de notre sœur ne préoccupait pas les premiers médecins traitants >> témoignage Assane Coulibaly, sœur cadette de la défunte.
Au delà de ces cas, plusieurs autres font objet de témoignage.
Dans le même CHU de cocody, le décès des jumeaux, nés prématurés du couple Moro en avril dernier,a effectivement prouvé l’attitude inhumaine et l’irresponsabilité de certains agents, notamment les pédiatres et les sage-femmes de cet établissement sanitaire public.
À adzopé le 11 mai 2021 ,une femme en couche à l’hôpital général est décédée pour manque de suivi.
L’attitude du personnel des centres de santé en Côte d’Ivoire interpelle et suscite des interrogations sur l’état de santé actuel du système sanitaire ivoirien
Formation au rabais, manque de professionnels
Le système sanitaire ivoirien souffre d’une double problématique : la formation inadaptée et le manque de professionnels sur l’ensemble du territoire. D’une part,les agissements de certains agents de santé sur le terrain porte à croire que la formation du personnel médical ivoirien est particulièrement faible. En effet, si une partie du professionnel de santé est extrêmement bien formée, une grande partie de ceux-ci n’a pu bénéficier que d’une formation partielle, parsemée rarement d’activités pratiques. Ce qui est à l’origine de nombreux décès de patients des suites d’erreurs médicales.
D’autre part, la mauvaise répartition du personnel soignant est à la base d’un manque criard d’agent de santé dans certaines zones du pays. Ici l’infirmier est appelé docteur.
Si Abidjan, la capitale politique dispose d’un peu plus de professionnels de santé, le reste du pays subit un véritable manque. Ainsi la population ne bénéficie pas d’un assez grand nombre de médecins pour subvenir à ses besoins. Ce sont toutes les spécialités qui souffrent de cette pénurie de professionnels.
La corruption au cœur du système de santé
L’un des principaux problèmes du système de santé ivoirien est la corruption qui est un véritable fléau pour le pays. Personne n’échappe à ce mal et tous les patients y sont confrontés de différentes manières. Cela passe notamment par le trafic de médicaments ou encore par le paiement illégal de soins qui devraient être gratuits. Les patients qui profitent des meilleurs soins sont ceux qui ont les moyens de payer pour en bénéficier, les populations sans ou aux faibles revenus sont injustement privées.
La responsabilité du gouvernement engagée.
Le gouvernement ivoirien qui jusqu’à une date récente restait officiellement muet, est sorti de sa tanière avec les récents scandales constatés dans des centres de santé du pays. Ses actions ont permis de dégommer certains directeurs, chefs de services et agents de leurs postes, d’autres incarcérés. Même si ces actions n’ont pas réglé le problème des populations, elle a permis d’intimider certains agents et les mettre face à leurs responsabilités.
En Côted’Ivoire, de profonds réaménagements du système sanitaire s’avèrent nécessaires. Des actions qui permettront d’assainir le milieu depuis le recrutement jusqu’à la fin de la formation doivent être de mise.
C’est le début de la crédibilité du système sanitaire ivoirien. Des populations en bonne santé pourront ainsi dire : Bonjour Émergence !
François M’BRA II