Dakar, jadis presqu’île du Cap-Vert en raison de sa verdure qui caractérisait son image, est aujourd’hui la capitale du Sénégal. Cette région concentre le quart de la population du pays sur 0.28 % de la superficie du Sénégal qui est de 196.712 km2. Dakar étouffe, car concentrant plus de 80 % des infrastructures industrielles et hôtelières. Son littoral plongé dans l’Atlantique est le cadre de développement d’intenses activités économiques. Il y a trois ans, les Dakarois ont constitué un collectif « Non au mur » pour s’insurger contre les constructions anarchiques tout au long de la corniche, car le domaine public maritime sénégalais est inaliénable et imprescriptible.
Parmi ces constructions, on retrouve des hôtels, des villas de luxe, des cliniques privées, des représentations diplomatiques, etc. Depuis quelques jours, une image de l’effondrement des dalles sur les routes fait le tour des réseaux sociaux. Les gens s’interrogent sur les causes et avertissent du danger, mais surtout interpellent les autorités, en particulier celle de la Ville de Dakar.
Quelle est la situation de la corniche dakaroise ?
Quelles en sont les conséquences ?
Quelles en sont les solutions ?
Voici ci-dessus des questions essentielles auxquelles nous apporterons des éléments de réponses.
Quelle est la situation de la corniche dakaroise ?
Tout au long de la corniche dakaroise qui s’étire de la commune de Dakar Plateau à celle des Parcelles Assainies, on note l’implantation de grands établissements industriels et hôteliers, souvent en marge des prescriptions urbanistiques et environnementales. Cette situation est à l’origine de pertes considérables de plages, mais aussi d’accès difficiles aux plages autorisées à la baignade comme celles de Mermoz, la plage des enfants de la commune de Plateau, la plage de Terrou Bi, etc.
On note également le morcellement progressif de la falaise des Mamelles qui est un site classé patrimoine historique, car étant l’unique témoignage du passage du volcan à Dakar, en 1913. Cet acte est en violation manifeste du Code général des collectivités locales en son Article 170 qui le place sous l’autorité du Maire de la Ville.
Tous les grands établissements du littoral ne sont pas munis de logistiques de prétraitement des déchets liquides, domestiques ou industriels. Cette situation, adossée aux rejets non prétraités de l’ONAS, principal pollueur des plages, provoque la dégradation de la qualité des eaux de baignade, élimine la biodiversité et freine les activités génératrices de revenus liées à la mer.
Les autres qui disposent de gros moyens de protection contre l’érosion marine, souvent sous forme de brise-lames, dévient le cycle naturel des vagues et des houles vers des zones non protégées qui s’effritent considérablement. Les effondrements des routes et des dalles répétitives sur la corniche en sont une parfaite illustration. D’ailleurs, ceci eut enclenché la fermeture de la sortie EST de la corniche. Certaines zones de la corniche sont également devenues des dépotoirs d’ordures et sont prises d’assaut par des personnes sans-abri.
Quelles en sont les causes ?
Une évaluation plus récente des causes et conséquences de l’érosion côtière indique les facteurs naturels et anthropiques suivants : « élévation du niveau marin, déficit sédimentaire, instabilité naturelle des pentes, ruissellement superficiel, construction d’ouvrages perpendiculaires à la côte, construction de bâtiments sur les plages, prélèvements de sable de plage. Toutes les évaluations scientifiques convergent vers la même conclusion quant aux causes premières de l’érosion du littoral marin : les causes anthropiques, c’est-à-dire d’origine humaine, priment. Elles sont suivies par l’élévation du niveau marin (20 % de l’érosion côtière)[1]. »
Quelles en sont les conséquences ?
Les conséquences commencent à se faire sentir. Les chutes partielles de falaises, les pertes et les inaccessibilités des plages, la destruction des écosystèmes marins et côtiers, la dégradation de la qualité des eaux de baignade en sont de parfaites illustrations.
Dans une étude intitulée : Le domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité effectuée par Aide Transparence sous la direction de Jacques Habib SY, on peut lire ceci :
« Des simulations géoclimatiques indiquent que, dans ces conditions, le Sénégal perdrait entre 55 et 86 km2 de plages. Cependant, que l’aggravation de l’érosion côtière qui s’ensuivrait sur 6 000 km2 de zones basses estuariennes aboutirait à des inondations dévastatrices qui concerneraient environ 150 000 habitants.[2] »
[1] Ministère de l’Environnement et des Etablissements Classés, « Formulation d’un programme national intégré de lutte contre l’érosion côtière ; résumé du rapport final », sous la direction du Professeur Papa Goumbo Lo, Directeur général du Centre Expérimental de Recherches et d’Etudes pour l’Equipement (Cereeq), Dakar, Avril 2008, p. 8.
[2] Jacques Habib SY, Le domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité, p 15
Quelles solutions ?
Une Loi sur l’exploitation du littoral s’impose malgré les tergiversations et le manque de volonté manifeste de l’État. Les menaces qui pèsent sur le littoral dakarois sont décisives et doivent amener les décideurs publics à trancher la question de la gestion du domaine public maritime. De nombreux projets de Loi sont votés en procédure d’urgence. Mais, il n’y a pas plus urgent que de sauver Dakar à travers son littoral qui s’effrite et qui se dégrade à cause d’un manque de responsabilité environnementale des différents acteurs concernés et d’une absence de gestion intégrée.
Nos pistes de réflexion pour la recherche de solutions sont les suivantes :
- Même si le Président de la République, par décret, a signifié l’arrêt des constructions en cours, il est important de rappeler qu’une loi prime un décret et la loi dit que le domaine public maritime est inaliénable et imprescriptible.
- Toutes les constructions entravant l’accès aux plages et la vue marine doivent être démolies.
- Tous les baux octroyés sur le domaine public maritime doivent être annulés.
- Toutes les constructions en dur disposant d’un titre précaire et révocable doivent être démolies.
- La responsabilité environnementale des grandes installations industrielles et hôtelières doit être engagée par les entreprises concernées. Ceci à travers la dotation adéquate de logistiques de prétraitement des déchets avant leur rejet en mer, la contribution à l’aménagement du littoral et au projet de dépollution comme celui de la baie de Hann.
- L’aménagement de tous les espaces restants au profit d’activités ludiques et sportives.
- Une mobilisation citoyenne pourrait venir à bout des spéculations foncières.