Les intentions motivant la Loi sur la prévention et la lutte contre les crimes de haine et discours de haine sont, à ma connaissance, parfaitement nobles, mais peut-être pas complètement fondées.

Si vous ne connaissez pas cette loi, vous pouvez lire la justification qu’en a donnée le ministre de la Justice, Michael Masutha, dans laquelle il stipule ce qui suit :

« Elle fournira des outils supplémentaires aux enquêteurs et aux procureurs pour sanctionner les auteurs de crimes de haine et offrira un moyen de suivre les efforts et les évolutions de la lutte contre les crimes de haine ».

La loi est évidemment (en partie) élaborée en réaction à des affaires comme celle de Penny Sparrow et Chris Hart. Comme je l’avançais à l’époque, il existe toutefois une différence entre propos odieux et discours de haine, et je continue à croire qu’il s’agit d’une distinction qu’il convient de maintenir.

Cette loi cherche à définir les crimes de haine comme des délits motivés par

« les préjugés, les partis pris ou l’intolérance de l’individu concerné à l’égard de la victime du crime de haine en raison d’une ou de plusieurs des caractérisques suivantes ou caractéristiques perçues de la victime »,

et poursuit en énumérant un vaste éventail de caractéristiques incluant l’ethnie, le sexe, la croyance, la religion, la culture ou « la profession ou le métier ». Les commentaires publics sont sollicités jusqu’au 1er décembre ; pour savoir comment et où soumettre votre commentaire, cliquez sur le premier lien ci-dessus.

Je ne conteste pas un instant que des Sud-africains soient coupables d’insensibilité outrancière, de proférer des insultes occasionnelles ciblant d’autres individus et, souvent, de racisme. Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises par le passé, je ne peux pas non plus contester le fait que (en tant qu’homme blanc) je sois beaucoup moins susceptible de subir ces comportements – cela n’arrive généralement jamais – que la vaste majorité de notre population.

Néanmois, je vois, dans les grandes lignes, quatre problèmes dans cette Loi. D’abord, on pourrait l’accuser d’exagérer le problème. C’est une question empirique et à ma connaissance, nous ne disposons d’aucune donnée de qualité sur la fréquence à laquelle ces « crimes de haine » se produisent (en tant que question distincte ayant trait au seuil auquel la loi est justifiée).

Ensuite, elle est sans doute juridiquement excessive et quelque peu redondante. Concernant cette redondance, la majeure partie de ce qu’elle tente de légiférer semble être déjà prévu dans la Constitution ou la Loi sur l’égalité. Concernant son caractère excessif, je crains qu’elle n’interdise trop de choses, et que les tribunaux perdent beaucoup de temps sur des affaires futiles.

Car si nous la lisons littéralement, la Loi interdit en grande partie la satire (et je parle de la véritable satire, et non des fausses nouvelles). Concernant la clause « profession et métier », ne pourrait-on pas considérer les blagues sur les avocats, les politiciens – ou même les philosophes ! – comme étant suffisamment insultantes pour juger l’affaire digne d’être présentée devant un tribunal ?

Etant donné que le « préjudice » est défini comme incluant « tout préjudice mental, psychologique, physique ou économique », le niveau auquel on peut prétendre être victime d’un crime de haine semble ridiculement bas.

Ce qui m’amène au troisième point, à savoir que l’on pourrait accuser la loi d’infantiliser la population. Un argument en faveur de la liberté d’expression est que c’est précisément l’exposition à un discours insultant qui, en définitive, nous permet de développer les ressources nécessaires pour faire face aux crétins qui choisissent d’être insultants.

Selon moi, il existe des choses que « nous ne devrions pas tolérer », je ne suis donc pas un fondamentaliste de la liberté d’expression. Néanmoins, j’estime que notre position par défaut devrait être en faveur de la liberté d’expression, et que nous ne devrions la limiter que quand il n’y a pas d’autres choix.

Le discours de haine est peut-être l’un de ces cas, certes, mais notre définition du discours de haine est si générale que les préjudices découlant du fait de brimer globalement la liberté d’expression pourraient excéder les préjudices subis par les individus (sur un plan global, bien sûr, et non pour ceux qui subissent subjectivement les préjudices des discours de haine).

Pour répéter l’argument présenté ci-dessus, c’est ce que cette loi semble faire – définir les crimes de haine de manière trop générale, alors que les individus victimes sont déjà pour l’essentiel protégés par des lois existantes, et que la protection de ceux qui ne semblent pas l’être requiert un recours plus modéré que cela.

Enfin, tout comme la loi sur l’égalité est sans doute anticonstitutionnelle, cette loi semble souffrir des mêmes défauts quant à la façon dont elle redéfinit radicalement ce qui constitue un discours de haine en avançant l’idée générale de « préjudice » comme suffisante pour faire d’un discours un crime de haine.

Chose intéressante, le ministre cite l’exemple du Canada comme l’une des juridictions dont la législation sur les crimes de haine a informé cette loi. Peut-être que le ministre n’est pas informé – ou j’aurais mal lu quelque chose – mais les sections sur les communications électroniques de la loi proposée se rapprochent plutôt de la Section 13 de la loi canadienne sur les droits humains, qui a été abrogée en 2013 après avoir été jugée anticonstitutionnelle.