Voyager par avion à travers les frontières sur le continent africain est une expérience intéressante. Il y a toujours une rencontre avec le Panafricanisme, du point de vue politisé, même si ce n’est plus basé sur l’identité ou l’idéologie. L’exemple de ces vols typiques qui rallient une capitale africaine à une autre, avant d’arriver à une plate-forme principale de transport aérien comme Addis-Abeba, Johannesburg ou Nairobi. Et je dois admettre ressentir un sentiment de fierté qui m’anime chaque fois que j’entends l’annonce du pilote concernant l’approche de l’aéroport international d’OR Tanbo ou de Jomo Kenyatta.
Des fois, les circonstances comme l’inefficacité aérienne ou le mauvais temps ont prolongé la rencontre avec les compagnons de route africains. Ces délais, reports ou annulations font qu’en tant qu’africain, dans un pays africain, le transit est encore plus intéressant. Les voyageurs sont poussés à se parler. Les conversations tournent sur les destinations finales, les intérêts professionnels, la famille ou les plaintes sur l’atterrissage ou le décollage, ou même en la recherche de routes ou des solutions alternatives, ou encore comment faire payer la compagnie aérienne en menaçant de la poursuivre, ou bien le fait qu’un tel événement n’arriverait jamais au pays d’origine du voyageur……on parle.
Les différentes raisons de ces déplacements sont très intéressantes. Il y a quelques décennies, beaucoup de gens en Afrique ont considéré voyager par vol comme un symbole de prestige, une expression de la classe, ou bien une manière d’être aussi « in » que nos homologues au Nord.
Aujourd’hui, et encore plus dans l’avenir, voyager fréquemment n’est plus preuve de sophistication et encore moins un signe de richesse. Non seulement parce qu’il y a plus de compagnies aériennes qui recherchent à toucher le marché africain (de façon exorbitante pour le moment), mais aussi à cause du terme paradoxal «la globalisation ». Ceci ne signifie pas que voyager par avion est abordable, encore moins utilisé par la majorité des africains. Loin de là. Mais de plus en plus, ce n’est plus une question de classe ou de statut social, c’est une expérience vécue par plus d’africains, qui connaissent au moins un membre de la proche famille qui a pris un vol.
Comme Africains, nous prenons les vols principalement pour les affaires et le commerce. Et cela n’est pas seulement pour les affaires d’entreprise. Pour tout vol pris, et si vous êtes en classe économique, la plupart des Africains font le voyage en Afrique du Sud, en Chine ou à Dubaï pour faire du commerce de marchandises (vêtements, gadgets technologiques clonés, voitures) pour la vente dans leur pays d’origine.
Également, les autres passagers africains sont les gens de la Diaspora qui rentrent des capitales anciennes colonies. Avec leurs enfants qui détiennent la citoyenneté des pays de résidences, ces gens de la Diaspora épargnent de grandes sommes d’argent pour faire ces voyages. Donc, les voyages ne sont pas fréquents mais lorsqu’ils surviennent, ils aident à démystifier les voyages en avion. Si ce n’est pas eux-mêmes qui font les voyages, ce sont les membres de la famille (parents / frères / sœurs / tantes) qui leur rendent visite.
Et nos compagnies aériennes en sont bien conscientes. Donc, en tant que tel, les vols inter-Afrique n’ont jamais constitué une priorité pour elles. Les vols à travers le continent sont toujours priorisés, de manière à renforcer le Nord comme « la terre promise », mais cela compromet encore plus la poursuite des vies africaines comme les vies normales.
C’est un fait étonnant que les passagers africains en Afrique ne soient pas nécessairement traités avec autant de respect que les passagers africains qui voyagent au Nord ou même à l’Extrême-Orient. La courtoisie et le professionnalisme des compagnies aériennes et de leur personnel sont bien différents pour un voyage à Abuja et pour un voyage à Londres.
La menace des poursuites après un vol retardé entre deux destinations africaines est traitée plutôt avec dérision, tandis qu’une menace similaire pour un vol retardé en Amérique du nord, par exemple, est traité avec sérieux. Ceci n’est pas seulement une triste réalité, mais déshumanise le voyageur africain.
Les Africains souhaitent voyager par avion. Le seul problème c’est que, à cause de la complicité des compagnies aériennes, voyager par avion est encore considéré comme l’exception plutôt que la règle. C’est pour ça que les billets coûtent encore si chers, et la raison pour laquelle les compagnies aériennes (appartenant à l’État / commerciales ou privées) ont tendance à considérer les voyageurs africains comme des passagers de deuxième classe. Les voyages les plus professionnels sont ceux à destination du Nord, et non pas ceux entre les pays africains. il est désolant de constater qu’un vol de Harare jusqu’à Lusaka pourrait être retardé sans aucune raison, et les passagers sont donc forcés d’y rester pour la nuit sans explication et sans diligence de la part de la compagnie aérienne responsable. Pour un vol de Berlin à Paris, une telle nonchalance n’aurait jamais lieu.