C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu les propos de la présidente de la Commission électorale du Malawi (MEC), Justice Jane Ansah, indiquant que la MEC n’aurait pas de radiodiffuseur officiel pour les élections de 2019, contrairement à ce qui fut le cas pour les élections de 2014.

Le lundi 18 février 2019, Ansah a été cité par The Daily Times, affirmant que la décision avait été prise car « la Commission avait considéré que le secteur de la radiodiffusion avait connu une métamorphose ces dernières années et que les raisons justifiant l’émission d’une radiodiffusion officielle n’existait plus ».

« Les protagonistes doivent noter que lors de la gestion des élections et des résultats, s’ils entendent l’annonce des résultats sur une chaîne de radio ou de télévision communiqués par un commissaire ou représentant de la MEC, ils doivent alors considérer cette annonce comme une communication officielle », a-t-elle ajouté.

Il est révélateur qu’Ansah ait prononcé ces propos lors d’une réunion au cours de laquelle la Malawi Broadcasting Corporation (MBC) était à juste titre prise à partie par divers acteurs électoraux pour sa couverture politique biaisée favorable au parti au pouvoir. Le fait que la MEC doive choisir un radiodiffuseur officiel est une véritable mise en cause de la MBC, qui est tenue en vertu de la loi d’opérer en tant que radiodiffuseur public sans aucun biais politique ; pourtant, au fil des ans, la MBC est devenue un radiodiffuseur partisan favorable au parti au pouvoir. Et cela se produit dans une impunité totale, situation de plus en plus grave et honteuse.

Ansah a raison de dire que le secteur de la radiodiffusion a beaucoup mûri depuis 2014 si elle parle des radiodiffuseurs privés, et non de la MBC. Les radiodiffuseurs privés se sont comportés jusqu’à présent de manière plus responsable qu’une institution financée par l’argent des contribuables et tenue par la loi d’être politiquement neutre et de proposer une couverture équitable de tous les acteurs politiques. Si les citoyens du Malawi devaient jeter un regard rétrospectif sur ces élections et affirmer que le secteur de la radiodiffusion du pays avait aidé les électeurs à faire des choix éclairés au cours des élections, cela serait à mettre au crédit des médias privés.

Pourtant, la décision de la MEC de ne pas avoir de radiodiffuseur officiel est une grave erreur qui pourrait s’avérer coûteuse. La radio reste le moyen de communication de masse le plus important dans ce pays, mais ce serait une erreur que de négliger les autres formes de médias. En l’absence de radiodiffuseur officiel, la MEC crée un vide en termes de communication à une période très sensible.

Souvenez-vous de l’un des problèmes clés que la MEC a dû gérer au cours des élections de 2014, à savoir l’annonce de « résultats non officiels » – il y a même eu un débat fascinant sur la traduction exacte en Chichewa de « résultats non officiels ». Pourtant, la MEC avait un radiodiffuseur officiel à l’époque – que se passera-t-il lorsqu’il n’y en aura plus ? La MEC nous affirme-t-elle que l’absence de radiodiffuseur officiel améliorera la situation ? La décision de ne pas avoir de radiodiffuseur officiel se fonde-t-elle sur les leçons tirées en 2014 ou sur l’incapacité à tirer des conclusions de ces leçons ?

Lorsqu’il n’existe aucun canal officiel de communication, les individus en créent toujours un, et c’est le rôle des médias sociaux aujourd’hui. Un individu relativement instruit disposant d’un appareil suffisamment intelligent peut effectuer des tâches basiques sur Internet pour créer des informations alternatives. Si la MEC a rencontré des difficultés avec les « résultats non officiels » sur les radios en 2014, ce sera à nouveau le cas cette fois-ci, avec des canaux comme WhatsApp à gérer. WhatsApp existait en 2014 mais pas les groupes WhatsApp et il n’y avait pas autant d’individus sur WhatsApp à l’époque – les chiffres ont considérablement augmenté de sorte que la portée de WhatsApp dans les zones urbaines du Malawi pourrait rivaliser avec la radiodiffusion.

Il est inquiétant que la MEC ne pense qu’à la radiodiffusion. Toute organisation publique de nos jours devrait considérer les médias sociaux dans sa stratégie de communication. Les quatre jours de soumission des candidatures à la présidentielle ont offert un bon aperçu de ce à quoi on peut s’attendre au cours de la période des résultats électoraux. Cette fois-ci, les enjeux seront plus importants et il n’y aura pas de grand méchant pour apaiser l’ambiance, comme ce fut le cas au cours des quatre jours du COMESA Hall.

Un point important concernant les médias sociaux, c’est que les individus tendent à avoir plus confiance dans les informations partagées par des amis, des personnes qu’ils connaissent et des individus influents – les « influenceurs ». C’est pourquoi les gens font plus confiance aux informations partagées sur ces réseaux et qu’ils sont toujours plus désireux de partager ces informations afin de conserver leur pertinence sur le plan social et de pouvoir être considérés comme des initiés – ozitsata.

La MEC doit être attentive à ce fait, faute de quoi elle se retrouvera dans une situation dans laquelle elle devra rectifier les fausses informations et les rumeurs circulant sur les réseaux sociaux. Si cela se produit, alors la MEC aura perdu le contrôle de l’information. L’aspect positif, du point de vue de la MEC, est qu’il n’est pas trop tard pour rectifier le tir. La MEC doit identifier un ou plusieurs radiodiffuseurs officiels et informer le pays de cette décision. En l’absence de canal officiel d’information, toutes les informations sont potentiellement fausses. Les membres de la MEC disposeront d’informations mais celles-ci ne constituent pas un canal de communication ; la MEC a besoin d’un canal pour communiquer avec le public.