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J’en suis aujourd’hui venue à détester entendre dire que « c’est notre culture ».

Je grimace à chaque fois que j’entends ou lis un article faisant mention d’un homme politique qui défend une loi rétrograde, automatiquement je pense que cette personne refuse de changer sa manière de voir les choses, soit parce qu’elle est dans une position privilégiée, soit parce qu’elle a été conditionnée pour penser ainsi.

Prenons un pays comme l’Ouganda, à la fois traditionnel et religieux. La plupart d’entre nous avons appris à endosser la casquette qui convient pour prendre le dessus dans un désaccord ou nous en tirer suite à un comportement qui n’est pas vu d’un très bon œil. L’une des raisons pour laquelle cette affirmation me donne la nausée est le fait que depuis la nuit des temps, la culture a été utilisée comme outil d’oppression des femmes. Une expression utilisée pour justifier des pratiques comme les mutilations génitales féminines, le repassage des seins au Cameroun, l’étirement des lèvres vaginales dans certaines régions d’Ouganda, le port du voile et les tests de virginité dans le monde arabe, et même les pratiques plus subtiles, comme s’agenouiller devant les anciens en signe de respect et nombre d’autres encore, et plus récemment, le bannissement des femmes qui achètent de l’alcool au Sri Lanka.

J’ai récemment lu un article dans le Daily Monitor sur les pratiques qui étaient adoptées lors de la nuit de noces chez les Bakiga, dans le Sud-ouest de l’Ouganda. La danse de l’amour, comme elle était appelée, consistait en un combat entre la jeune mariée et son époux, au cours duquel la femme était vêtue d’une jupe en peau de vache. Une corde était nouée autour de sa jupe, par de nombreux nœuds complexes, et l’époux devait se battre avec elle pour les dénouer, la giflant et la frappant souvent au cours de ce processus. Ce n’est qu’une fois ce rituel accompli que le mariage était consommé. Dans le cas où la femme avait le dessus sur l’homme et qu’il échouait à dénouer sa jupe, elle avait le droit de se moquer de lui pour le restant de leur mariage.

Étant moi-même Mukiga, cela m’enrage de savoir que les femmes qui étaient mes ancêtres aient eu à subir ce genre de traitement. Quand j’étais plus jeune, ma grand-mère me racontait qu’elle avait été kidnappée par son mari (mon grand-père) pour la ramener chez lui alors qu’elle était partie chercher de l’eau au puits. Quand nous étions enfants, cette histoire nous faisait toujours rire, nos esprits simples ne pouvaient pas comprendre. Quand j’y pense aujourd’hui, s’ils étaient tous deux toujours en vie, je demanderais à mon grand-père de lui présenter ses excuses, mais je suis presque certaine qu’il me dirait qu’il n’avait pas mal agi, car c’était sa culture. Tous les membres de sa famille en faisaient autant, et ceux qui trouvaient à y redire étaient ridiculisés, traités de lâches et raillés.

Je suis éternellement reconnaissante à ceux qui se sont opposés aux cultures et aux traditions oppressives.

Dans un monde aussi connecté par le commerce et l’Internet que le nôtre – nous mangeons des nouilles fabriquées en Chine et en Inde, nous utilisons des ordinateurs fabriqués en Amérique, nous coiffons nos cheveux en épis de maïs à la mode Swahili, mangeons du riz du Ghana ou du Nigeria sans que nous, Africains de l’Est, ne puissions faire la différence, et nous nous retrouvons au milieu de la guerre du joloff. Nous regardons du football européen, nos amis sur Facebook viennent du monde entier, nous prions un Dieu juif, nous pratiquons un yoga venu d’Asie du Sud-est, nous mettons des tapis persans dans nos maisons, mangeons des frites, appelons nos pommes de terre « pommes de terre irlandaises », même si c’est nous qui avons cultivé les sols où poussent ces pommes de terre dont tout le crédit revient aux Irlandais. Depuis peu, mes frères et sœurs ougandais ont commencé à célébrer Halloween (lève les yeux au ciel).

Je dis que défendre une culture simplement parce que c’est la vôtre est un argument qui manque de poids. Je plaide en faveur de l’ouverture d’esprit, la réflexion rationnelle, la préservation des bonnes pratiques, la lutte contre les pratiques préjudiciables, et l’adoption d’autant de bonnes pratiques culturelles que possible.