La peine capitale est devenue au fil des ans un sujet controversé en Afrique et partout dans le monde. Il a été établi que le recours à la peine de mort était lié à la pauvreté.  Les personnes pauvres et désespérées sont essentiellement celles susceptibles d’être passibles de la peine capitale dans les tribunaux. La peine de mort est devenue un outil politique, appliquée en vertu des lois anti-terroristes et/ou par les tribunaux militaires.  D’une certaine façon, la peine de mort est devenue une loi « d’urgence », parfois exploitée comme outil politique.

Le fait que de nombreux Africains dans le couloir de la mort dans des pays étrangers soient totalement livrés à eux-mêmes pose problème – on se demande pourquoi les ambassades africaines et  les Hauts-Commissaires existent dans la plupart de ces cas. Des récits poignants sont là sur Facebook et nous recevrons des messages vocaux sur Whatsapp.

La semaine dernière, j’ai entendu deux récits émouvants qui m’ont beaucoup fait réfléchir à la peine de mort.

PETER OUKO

Éloquent, grand, présent. Voici quelques-uns des qualificatifs qui pourraient être utilisés pour décrire Peter Ouko. Alors que nous étions sur le trajet de l’aéroport à l’hôtel, il était jovial et bavard. Moi, au contraire, j’étais visiblement éreinté après un voyage de 15 heures entre l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest.

Le lendemain à l’ouverture du premier Congrès africain contre la peine de mort, il s’est exprimé – en tant que témoin du système. Et c’est à ce moment-là que j’ai découvert son histoire. Peter Ouko a été condamné à la peine de mort en 2001. Il a été incarcéré pendant près de 18 ans. Il a été gracié, puis libéré en octobre 2017. Il est diplômé de la London Law University, des études qu’il a entamées alors qu’il était en prison.

SUSAN KIGULA

En 2006, la Cour suprême d’Ouganda, dans l’affaire du Procureur général contre Susan Kigula et 417 autres personnes dans le couloir de la mort, a décrété qu’il existait des incohérences dans la loi sur la peine de mort en Ouganda.

En 2016, le Parlement ougandais a réouvert le débat pour déterminer si la peine capitale était quelque chose que les Ougandais voulaient. La dernière exécution connue en Ouganda avait eu lieu en 1999, il y a 19 ans. Cela fait de l’Ouganda un pays « moratoire ». Cependant, la dernière exécution en vertu du droit militaire avait eu lieu en 2005. C’est-à-dire, il y a 13 ans.

Susan Kigula a purgé sa peine et a été libérée après 15 années d’incarcération. Elle a non seulement utilisé son cas pour remettre en question la loi sur la peine de mort en Ouganda, mais elle est également connue comme l’initiatrice d’une chorale de détenues du couloir de la mort, et est aussi diplômée en droit. Elle a été libérée en janvier 2016. Elle aussi était présente au Congrès régional africain contre la peine de mort. Je ne savais rien d’elle jusqu’à ce qu’elle se lève pour s’exprimer.

Susan comme Peter affirment que la peine de mort n’est pas une solution contre la criminalité dans la société.  Le système, dans bon nombre de ces affaires (pas toutes), est biaisé, et de nombreuses personnes finissent dans le couloir de la mort alors qu’elles n’ont pas commis le crime dont on les accuse.

Dans certains pays, comme les États-Unis, envoyer quelqu’un dans le couloir de la mort est chose facile.  « Cela ne coûte qu’environ un million de dollars, c’est très facile », affirme Ndume Olatushani, ancien détenu du couloir de la mort aux EU.

LA PERCEPTION DES GENS

L’origine de la peine de mort est toujours sujette à débat. Carlson Anyangwe, chercheur et professeur de droit camerounais, est convaincu qu’il s’agit d’un héritage colonial.  Mais Alice Mogwe, avocate botswanaise, affirme que c’est un vestige de l’époque précoloniale. Et cela nous interroge également sur notre perception de la peine capitale.  Dans mon pays, l’Ouganda, un voleur de poules sera lynché en plein jour par la foule. Ce processus a été baptisé justice populaire.  Une foule bombardant de pierres un criminel qui ne peut pas se défendre peut-elle rendre la justice ?  Je ne sais pas.  Mais les recherches réalisées ont montré qu’en Afrique, bon nombre de personnes défendaient la peine de mort.

En 2016, quand la loi sur la peine de mort a été débattue au Parlement, on a pu lire les réactions suivantes sur Twitter :

« Ca me donne envie de pleurer de voir des gens défendre les droits des violeurs, des assassins, (…) Que Dieu protège l’Ouganda ».

« Étant donné notre système judiciaire inefficace et corrompu, quels sont les risques que nous exécutions un innocent ? »

Pourquoi nous punissons les gens et comment nous les punissons est une discussion que les législateurs et la communauté doivent avoir.  Il convient également de réaliser une analyse plus approfondie pour déterminer qui nous sommes en tant que peuple et si notre « Ubuntu-ness » nous permet de tuer les injustes dans notre société et si cela fait de nous de meilleures personnes.

À une époque où les droits humains sont essentiels au progrès de la société, il est important de reconnaître que la peine capitale est un déni des droits humains fondamentaux. Pourquoi ne le reconnaît-on pas?

Peter et Susan sont très courageux.  Si j’avais été dans le couloir de la mort, j’aurais changé de nom, et peut-être de lieu pour essayer de commencer une nouvelle vie.  Mais même après tout ce qu’ils ont traversé, ils sont de retour dans la société et travaillent avec les membres de la communauté pour les informer sur la criminalité et aider ceux qui sortent de prison à retrouver une place. Bravo à eux !

Le congrès régional africain contre la peine de mort s’est tenu les 9 et 10 avril à Abidjan, en Côte d’Ivoire.  Vous trouverez davantage d’informations à ce sujet ici : http://www.ecpm.org/en