Quand on dit que la crise congolaise est multiforme ce n’est pas une exagération. La RDC est un pays en crise. Il fait face à plusieurs ennemis à la fois : détournements des deniers publics, crise économique sans précédent, coronavirus, Ebola et insécurité toujours omniprésente.
Actuellement, la RDC compte plus de 1945 cas positifs de coronavirus pour 63 décès (chiffres du 21 mai). Le pays connait donc un des taux de mortalité les plus élevés au monde. A cela s’ajoute la recrudescence de l’insécurité dans plusieurs provinces. Donc pas de répit pour la population.
En RDC, quand vous dites que tout est calme ces derniers jours, il vaut mieux être toujours prudent, car cela peut être un calme qui précède la tempête. La réalité est que lorsqu’on fait semblant de résoudre les problèmes de la population en les traitant de manière superficielle ou cosmétique, ces problèmes finissent toujours par ressurgir. C’est le cas aujourd’hui avec l’insécurité urbaine.
Insécurité au Nord, au Sud, au centre…
A Lubumbashi, la deuxième ville du pays, la criminalité bat son plein et la population en a ras-le-bol. Il ne se passe plus un jour sans qu’on ne dénombre attaques nocturnes, viols, vols et souvent mort d’hommes. A Kolwezi dans le Lualaba, les habitants ont récemment manifesté leur colère dans la rue pour réclamer la fin de l’insécurité. C’était après que deux personnes aient été tués par des bandits dans la ville.
Régulièrement des bandes de criminels tombés dans les filets de la police et des services de sécurité sont présentées à la télévision, avec des expressions du genre : « Les malfrats ont été neutralisés. » Pourtant, la situation ne s’améliore pas. L’insécurité monte en flèche. Le ministre de l’Intérieur, Gilbert Kankonde, a même été interpellé à l’Assemblée nationale pour s’expliquer sur cette situation. Le leader rebelle katangais, Kyungu Mutanga Gédéon, chef de la milice tribale Bakata Katanga, est toujours en cavale. Cette milice est auteure de plusieurs violences communautaires dans l’ex-Katanga.
Au même moment, la province du Haut-Katanga (dont Lubumbashi est le chef-lieu) enregistre déjà pas moins de 13 cas confirmés de coronavirus. L’insécurité vient ainsi troubler la lutte contre la pandémie en détournant presque l’attention des autorités.
Insécurité à Mbujimayi
Cette ville du centre du pays était globalement épargnée par l’insécurité depuis les élections du 30 décembre 2018. Mbujimayi est le fief de l’actuel président Félix Tshisekedi. Mais avant son accession au pouvoir, c’était l’une des villes les plus insécurisées du pays. Les milices de l’ancien gouverneur de la province, Alphonse Ngoyi Kasanji, étaient très actives, en même temps que les bandits à mains armées surnommés localement les « suicidaires ». Mais tout ça avait disparu avec la fin du régime de Joseph Kabila. Hélas pas pour longtemps, car le banditisme est de retour à Mbujimayi. Cambriolages armés, confiscations des motos-taxis… A propos des motos, les bourreaux utilisent les femmes pour capturer leurs victimes. Le dernier cas en date, c’est une femme albinos qui a facilité l’extorsion d’une moto après s’être fait passer pour une cliente.
D’un autre côté, les partisans du nouveau gouverneur de la province Jean-Maweja entretiennent eux aussi la terreur. Des activistes et des journalistes sont menacés ou arrêtés. Un journaliste du nom de Faustin Mbiya a passé cinq jours en détention pour avoir critiqué le gouverneur. Seule note positive ici, la ville de Mbujimayi n’a encore enregistré aucun cas de Covid-19 jusqu’à présent.
Insécurité à Beni et Ituri
L’est de la RDC connait rarement le mot « paix ». Depuis le génocide rwandais de 1994, la partie Est du Congo est le théâtre de toutes sortes de violences. Ebola est passé par là faisant de nombreux morts et il n’a pas encore été déclaré totalement vaincu. Le coronavirus s’y est ajouté. Du côté des groupes armés, les fronts de Beni et de l’Ituri ont repris les hostilités avec leur cortège de morts, de blessés, viols et habitations incendiées. Nul doute que ces hostilités compliquent la lutte contre le Covid-19 ne serait-ce qu’en termes de dispersion des moyens. Des déplacés de guerre, vivant dans la promiscuité des camps, peuvent-ils respecter les gestes barrières ? Je crains que dans le contexte de guerres et de criminalité, la pandémie ne trouve un terrain propice pour se propager intensément dans la